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souvenir de cette circonstance mémorable et glorieuse, nous avons résolu de lui conférer et nous lui conférons, par les présentes, le titre de duc de Dantzick, avec une dotation en domaines situés dans l'intérieur de nos États.

Nous entendons que ledit duché de Dantzick soit possédé par notre cousin le maréchal et sénateur Lefebvre, et transmis héréditairement à ses enfants mâles, légitimes et naturels, par ordre de primogéniture, pour en jouir en toute propriété aux charges et conditions, et avec les droits, titres, honneurs et prérogatives attachés aux duchés par les constitutions de l'Em· pire, nous réservant, si sa descendance masculine légitime et naturelle venait à s'éteindre, ce que Dieu ne veuille, de transmettre ledit duché à notre choix et ainsi qu'il sera jugé convenable par nous ou nos successeurs pour le bien de nos peuples et l'intérêt de notre couronne.

Nous ordonnons que les présentes lettres patentes soient communiquées au Sénat, pour être transcrites sur ses regis

tres.

Ordonnons pareillement qu'aussitôt que la dotation définitive du duché de Dantzick aura été revêtue de notre approbation, l'état détaillé des biens dont elle se trouvera composée soit, en exécution des ordres donnés à cet effet par notre ministre de la justice, inscrit au greffe de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'habitation principale du duché sera située, et que la même inscription ait lieu au bureau des hypothèques des arrondissements respectifs, afin que la condition desdits biens, résultant des dispositions du sénatus-consulte du 14 août 1806, soit généralement reconnue, pour que personne ne puisse en prétendre cause d'ignorance.

NAPOLÉON.

L'hiver avait suspendu les hostilités après la bataille d'Eylau. Elles furent reprises au mois de juin. Pendant cet intervalle, on avait comme toujours paru disposé à la paix: il y avait eu un semblant de négociation, des échanges de notes, des propositions sur lesquelles on avait eu l'air de discuter; le même mensonge enfin pour se disculper aux yeux des peuples, et rejeter sur la France les torts de l'agression. On a pu voir qui voulait sincèrement la paix, d'elle ou de ses ennemis. Au

commencement de l'été il fallut reprendre les armes. L'armée sortit de ses cantonnements le 5 juin, et acheva le 14 à Friedland ce qu'elle avait commencé à léna.

Heilsberg, le 12 juin 1807.

Soixante-dix-huitième bulletin de la grande armée.

Des négociations de paix avaient eu lieu pendant tout l'hiver. On avait proposé à la France un congrès général auquel toutes les puissances belligérantes auraient été admises, la Turquie seule exceptée. L'Empereur avait été justement révolté d'une telle proposition. Après quelques mois de pourparlers, il fut convenu que toutes les puissances belligérantes, sans exception, enverraient des plénipotentiaires au congrès, qui se tiendrait à Copenhague. L'Empereur avait fait connaître que, la Turquie étant admise à faire cause commune dans les négociations avec la France, il n'y avait pas d'inconvénient à ce que l'Angleterre fit cause commune avec la Russie. Les ennemis demanderent alors sur quelles bases le congrès aurait à négocier. Ils n'en proposaient aucune, et voulaient cependant que l'Empereur en proposât. L'Empereur ne fit point de difficulté de déclarer que, selon lui, la base des négociations devait être égalité et réciprocité entre les deux masses belligérantes, et que les deux masses belligérantes entreraient en commun dans un système de compensations.

La modération, la clarté, la promptitude de cette réponse, ne laissèrent aucun doute aux ennemis de la paix sur les dispositions pacifiques de l'Empereur. Ils en craignirent les effets, et au moment même où l'on répondait qu'il n'y avait plus d'obstacles à l'ouverture du congrès, l'armée russe sortit de ses cantonnements et vint attaquer l'armée française. Le sang a de nouveau été répandu, mais du moins la France en est innocente. Il n'est aucune ouverture pacifique que l'Empereur n'ait écoutée; il n'est aucune proposition à laquelle il ait différé de répondre; il n'est aucun piége tendu par les fauteurs de la guerre que sa volonté n'ait écarté. Ils ont inconsidérément fait courir l'armée russe aux armes, quand ils ont vu leurs démarches dé

jouées, et ces coupables entreprises, que désavouait la justice, ont été confondues. De nouveaux échecs ont été attirés sur les armées de la Russie, de nouveaux trophées ont couronné celles de la France. Rien ne prouve davantage que la passion et des intérêts étrangers à ceux de la Russie et de la Prusse dirigent le cabinet de ces deux puissances, et conduisent leurs braves armées à de nouveaux malheurs en les forçant à de nouveaux combats, que la circonstance où l'armée russe reprend les hostilités : c'est quinze jours après que Dantzick s'est rendu, c'est lorsque ses opérations sont sans objet, c'est lorsqu'il ne s'agit plus de faire lever le siége de ce boulevard, dont l'importance aurait justifié toutes les tentatives, et pour la conservation duquel aucun militaire n'aurait été blâmé d'avoir tenté le sort de trois batailles. Ces considérations sont étrangères aux passions qui ont préparé les événements qui viennent de se passer: empêcher les négociations de s'ouvrir, éloigner deux princes prêts à se rapprocher et à s'entendre, tel est le but qu'on s'est proposé. Quel sera le résultat d'une telle démarche ? où est la probabilité du succès? Toutes ces questions sont indifférentes à ceux qui soufflent la guerre. Que leur importent les malheurs des armées russes et prussiennes? S'ils peuvent prolonger encore les calamités qui pèsent sur l'Europe, leur but est rempli.

Si l'Empereur n'avait eu en vue d'autre intérêt que celui de sa gloire, s'il n'avait fait d'autres calculs que ceux qui étaient relatifs à l'avantage de ses opérations militaires, il aurait ouvert la campagne immédiatement après la prise de Dantzick; et cependant, quoiqu'il n'existât ni trève ni armistice, il ne s'est occupé que de l'espérance de voir arriver à bien les négociations commencées.

COMBAT DE SPANDEN.

Le 5 juin, l'armée russe se mit en mouvement; ses divisions de droite attaquèrent la tête de pont de Spanden, que le général Frère défendait avec le vingt-septième régiment d'infanterie légère. Douze régiments russes et prussiens firent de nouveaux efforts; sept fois ils les renouvelèrent, et sept fois ils furent re

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poussés. Cependant le prince de Ponte-Corvo avait réuni son corps d'armée; mais, avant qu'il pût déboucher, une seule charge du dix-septième de dragons, faite immédiatement après le septième assaut donné à la tête de pont, avait forcé l'ennemi à abandonner le champ de bataille et à battre en retraite. Ainsi, pendant tout un jour, deux divisions ont attaqué sans succès un régiment, qui à la vérité était retranché.

Le prince de Ponte-Corvo, visitant en personne les retranchements, dans l'intervalle des attaques, pour s'assurer de l'état des batteries, a reçu une blessure légère, qui le tiendra pendant une quinzaine de jours éloigné de son commandement. Notre perte dans cette affaire a été peu considérable; l'ennemi a perdu douze cents hommes, et a eu beaucoup de blessés.

COMBAT DE LOMITTEN.

Deux divisions russes du centre attaquaient au même moment la tête de pont de Lomitten. La brigade du général Ferrey, du corps du maréchal Soult, défendait cette position. Le quarante-sixième, le cinquante-septième et le vingt-quatrième d'infanterie légère repoussèrent l'ennemi pendant toute la journée. Les abatis et les ouvrages restèrent couverts de Russes; leur général fut tué. La perte de l'ennemi fut de onze cents hommes tués, cent prisonniers et un grand nombre de blessés. Nous avons eu deux cents hommes tués ou blessés.

Pendant ce temps, le général en chef russe, avec le grandduc Constantin, la garde impériale russe et trois divisions, attaqua à la fois les positions du maréchal Ney sur Altkirken, Amt, Guttstadt et Volfsdorff: il fut partout repoussé. Mais lorsque le maréchal Ney s'aperçut que les forces qui lui étaient opposées étaient de plus de quarante mille hommes, il suivit ses instructions, et porta son corps à Ackendorff.

COMBAT DE DEPPEN.

Le lendemain 6, l'ennemi attaqua le sixième corps dans sa position de Deppen sur la Passarge; il y fut culbuté. Les ma

nœuvres du maréchal Ney, l'intrépidité qu'il a montrée et qu'il a communiquée à toutes ses troupes, les talents déployés dans cette circonstance par le général de division Marchand et par les autres officiers généraux, sont dignes des plus grands éloges. L'ennemi, de son propre aveu, a eu, dans cette journée, deux mille hommes tués et plus de trois mille blessés; notre perte a été de cent soixante hommes tués, deux cents blessés et deux cent cinquante faits prisonniers. Ceux-ci ont été, pour la plupart, enlevés par les cosaques qui, le matin de l'attaque, s'étaient portés sur les derrières de l'armée. Le général Roger, ayant été blessé, est tombé de cheval, et a été fait prisonnier dans une charge. Le général de brigade Dutaillis a eu le' bras emporté par un boulet.

L'Empereur arriva le 8 à Deppen au camp du maréchal Ney; il donna sur-le-champ les ordres nécessaires. Le quatrième corps se porta sur Volfsdorff où, ayant rencontré une division russe de Kaminski, qui rejoignait le corps d'armée, il l'attaqua, lui mit hors de combat quatre ou cinq cents hommes, lui fit cent cinquante prisonniers, et vint prendre position le soir à Altirken. Le 9, l'Empereur se porta sur Guttstadt avec les corps des maréchaux Ney, Davoust et Lannes, avec sa garde et la cavalerie de réserve. Une partie de l'arrière-garde ennemie, formant dix mille hommes de cavalerie et quinze mille hommes d'infanterie, prit position à Glottau, et voulut disputer le passage. Le grand-duc de Berg, après des manœuvres fort habiles, la débusqua successivement de toutes ses positions. Les brigades de cavalerie légère des généraux Pajol, Bruyer et Durosnel, et la division de grosse cavalerie du général Nansouty, triomphèrent de tous les efforts de l'ennemi.

Le soir, à huit heures, nous entrâmes de vive force à Guttstadt un millier de prisonniers, la prise de toutes les positions en avant de Guttstadt, et la déroute de l'infanterie ennemie, furent les suites de cette journée. Les régiments de cavalerie de la garde russe ont surtout été trés-maltraités.

Le 10, l'armée se dirigea sur Heilsberg, elle enleva les divers camps de l'ennemi. Un quart de lieue au delà de ces camps, l'arrière-garde se montra en position; elle avait quinze

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