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voir prêché la guerre et le désordre, de s'être montrés avides de sang et de meurtre, ont employé tous leurs soins et consacré les effors les plus courageux à calmer le peuple et à le ramener au bon ordre. Plusieurs Français leur doivent la vie. L'Empereur a voulu voir ces religieux, et lorsqu'il a appris qu'ils étaient de l'ordre des bénédictins, dont les membres se sont toujours illustrés dans les lettres et dans les sciences, soit en France, soit en Italie, il a daigné exprimer la satisfaction qu'il éprouvait de leur avoir cette obligation.

En général, le clergé de cette ville est bon; les moines vraiment dangereux sont ces Dominicains fanatiques qui s'étaient emparés de l'inquisition et qui, ayant baigné leurs mains dans le sang d'un Français, ont eu la lâcheté sacrilége de jurer sur l'évangile que l'infortuné dont on leur demandait compte n'était point mort et avait été conduit à l'hôpital, et qui ensuite ont avoué qu'après qu'il eut été privé de la vie on avait jeté son corps dans un puits, où on l'a en effet trouvé. Hommes hyppocrites et barbares, qui prêchez l'intolérance, qui suscitez la discorde, qui excitez à verser le sang, vous n'êtes pas les ministres de l'évangile! Le temps où l'Europe voyait sans indignation célébrer par des illuminations, dans les grandes villes, le massacre des protestants ne peut renaître. Les bienfaits de la tolérance sont les premiers droits des hommes; elle est la première maxime de l'évangile, puisqu'elle est le premier attribut de la charité. S'il fut une époque où quelques faux docteurs de la religion chrétienne prêchaient l'intolérance, alors ils n'avaient pas en vue les intérêts du ciel, mais ceux de leur influence temporelle; ils voulaient s'emparer de l'autorité chez des peuples ignorants. Lorsqu'un moine, un théologien, un évêque, un pontife prêche l'intolérance, il prêche sa condamnation; il se livre à la risée des nations.

Vingt-septième bulletin de l'armée d'Espagne.

Valladolid, 9 janvier 1809.

COMBAT DE LA COROGNE.

Le 14, le pont de Burgo fut raccommodé, et l'artillerie française put y passer. L'ennemi était en position sur deux lignes, à une demi-lieue en avant de la Corogne. On le voyait s'occuper à embarquer en toute hâte ses malades et ses blessés : les espions et les déserteurs en portent le nombre à trois ou quatre mille hommes. Les Anglais s'occupaient en même temps à détruire les batteries de la côte et à dévaster le pays voisin de la mer. Le commandant du fort de Saint-Philippe, se doutant du sort qu'ils réservaient à la place, refusa de les y recevoir.

Le 14 au soir, on vit arriver un nouveau convoi de cent soixante voiles, parmi lesquelles on comptait quatre vaisseaux de ligne.

Le 15 au matin, les divisions Merle et Mermet occupèrent les hauteurs de Vallaboa, où se trouvait l'avant-garde ennemie, qui fut attaquée et culbutée. Notre droite fut appuyée au point d'intersection de la route de la Corogne à Lugo, et de la Corogne à Santyago. La gauche était placée en arrière du village d'Elvina. L'ennemi occupait en face de très-belles hauteurs.

Le reste de la journée du 15 fut employé à placer une batterie de douze pièces de canon, et ce ne fut que le 16, à trois heures après midi, que le duc de Dalmatie donna l'ordre de l'attaque.

Les Anglais furent abordés franchement par la première brigade de la division Mermet, qui les culbuta et les délogea du village d'Elvina. Le deuxième régiment d'infanterie légère se couvrit de gloire. Le général Jardon, à la tête des voltigeurs, fit paraître un grand courage. L'ennemi, culbuté de ses positions, se retira dans les jardins qui sont autour de la Corogne.

La nuit devenant très-obscure, on fut obligé de suspendre l'attaque. L'ennemi en a profité pour s'embarquer en toute hâte. Nous n'avons eu d'engagés, pendant le combat, qu'environ six mille hommes, et tout était disposé pour partir de la position que nos troupes occupaient le soir et profiter du lendemain pour une affaire générale. La perte de l'ennemi est immense; deux batteries de notre artillerie l'ont foudroyé pendant la durée du combat. On a compté sur le champ de bataille plus de huit cents cadavres anglais, parmi lesquels on a trouvé le corps du général Hamilton et ceux de deux autres officiers généraux dont on ignore les noms. Nous avons pris vingt officiers, trois cents soldats et quatre pièces de canon. Les Anglais ont laissé plus de quinze cents chevaux qu'ils avaient tués. Notre perte s'élève à cent hommes; nous en avons eu cent cinquante blessés, Le colonel du quarante-cinquième s'est distingué. Un porteaigle du trente-unième d'infanterie légère a tué de sa propre main un officier anglais qui, dans la mêlée, s'était attaché à lui pour tâcher de lui enlever son aigle. Le général d'artillerie Bourgeat et le colonel Fontenay se sont très-bien montrés.

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Le 17, à la pointe du jour, on a vu le convoi anglais mettre à la voile le 18 tout avait disparu. Le duc de Dalmatie avait fait canonner les bâtiments des hauteurs du fort Sandiego. Plusieurs transports ont échoué, et tous les hommes qu'ils portaient ont été pris.

On a trouvé dans l'établissement de la Payoza trois mille fusils anglais. On s'est aussi emparé des magasins de l'ennemi et d'une quantité considérable de munitions et d'effets appartenant à l'armée. On a ramassé dans les faubourgs beaucoup de blessés. L'opinion des habitants du pays et des déserteurs est que le nombre des blessés dans le combat excède deux mille cinq cents.

Ainsi s'est terminée l'expédition anglaise envoyée en Espagne. Après avoir fomenté la guerre dans ce malheureux pays, les Anglais l'ont abandonné. Ils avaient débarqué trente-huit mille hommes et six mille chevaux ; nous leur avons pris de compte fait six mille cinq cents hommes, non compris les malades. Ils ont rembarqué très-peu de bagages, très-peu de munitions et

très-peu de chevaux on en a compté cinq mille tués et abandonnés. Les hommes qui ont trouvé un asile sur leurs vaisseaux sont harassés et découragés. Dans une autre saison il n'en aurait pas échappé un seul. La facilité de couper les ponts, la rapidité des torrents qui, pendant l'hiver, deviennent de profondes rivières, le peu de durée des journées et la longueur des uuits sont très-favorables à une armée en retraite.

Des trente-huit mille d'hommes que les Anglais avaient débarqués, on peut assurer qu'à peine vingt-quatre mille hommes retourneront en Angleterre.

Trente-unième bulletin de l'armée d'Espagne.

Les régiments anglais portant les numéros 42, 50 et 52 ont été entièrement détruits au combat du 16 près la Corogne. Il ne s'est pas embarqué soixante hommes de chacun de ces corps. Le général en chef Moore a été tué en voulant charger à la tête de cette brigade, pour rétablir les affaires. Efforts impuissants! cette troupe a été dispersée et son général frappé au milieu d'elle. Le général Baird avait déjà été blessé; il traversa la Corogne pour gagner son vaisseau, et ne se fit panser qu'à bord. Le bruit court qu'il est mort le 19.

Après la bataille du 16, la nuit fut terrible à la Corogne. Les Anglais y entrèrent consternés et pêle-mêle. L'armée anglaise avait débarqué plus de quatre-vingts pièces de canon; elle n'en a pas rembarqué douze. Le reste a été pris ou perdu, et de compte fait nous nous trouvons en possession de soixante pièces de canon anglaises.

Indépendamment du trésor de deux millions que l'armée a pris aux Anglais, il paraît qu'un trésor plus considérable a été jeté dans les précipices qui bordent la route d'Astorga à la Corogne. Les paysans et les soldats ont ramassé parmi les rochers une grande quantité d'argent,

Dans les engagements qui ont eu lieu pendant la retraite, et avant le combat de la Corogne, deux généraux anglais avaient été tués et trois blessés. On nomme parmi ces derniers

le général Crawfurd. Les Anglais ont perdu tout ce qui constitue une armée, généraux, artillerie, chevaux, bagages, munitions, magasins.

Dès le 17, à la pointe du jour, nous étions maîtres des hauteurs qui dominent la rade de la Corogne, et nos batteries jouaient contre le convoi anglais. Il en est résulté que plusieurs bâtiments n'ont pu sortir et ont été pris lors de la capitulation de la Corogne. On a trouvé aussi cinq cents chevaux anglais encore vivants, seize mille fusils et beaucoup d'artillerie de siége abandonnée par l'ennemi. Un grand nombre de magasins sont pleins de munitions confectionnées que les Anglais voulaient emmener, mais qu'ils ont été forcés de laisser. Un magasin à poudre situé dans la presqu'île, contenant deux cents milliers de poudre, nous est également resté. Les Anglais, surpris par l'événement du combat du 16, n'ont pas même eu le temps de détruire leurs magasins. Il y avait trois cents malades anglais dans les hôpitaux. Nous avons trouvé dans le port sept bâtiments anglais; trois étaient chargés de chevaux et quatre de troupes. Ils n'avaient pu appareiller.

Trente-deuxième bulletin de l'armée d'Espagne.

SIÉGE DE SARRAGOSSE.

La bataille de Tudela avait été gagnée le 23 novembre, et dès le 27 l'armée française campait à peu de distance de Sarragosse. La population de cette ville était armée. Celle des campagnes de l'Aragon s'y était jointe, et Sarragosse contenait cinquante mille hommes, formés par régiments de mille hommes et par compagnies de cent hommes. Tous les grades de généraux, d'officiers et de sous-officiers étaient remplis par des moines. Un corps de troupes de dix mille hommes échappés de la bataille de Tudela s'était renfermé dans la ville, dont les subsistances étaient assurées par d'immenses magasins et qui était défendue par deux cents pièces de canon. L'image de NotreDame del Pilar faisait, au gré de moines, des miracles qui ani

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