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rendrait si puissants qu'ils suffiraient seuls désormais pour lui résister.

Il parla aux Wurtembergeois des victoires qu'ils avaient remportées sur la maison d'Autriche lorsqu'ils servaient dans l'armée prussienne et des derniers avantages qu'ils avaient obtenus dans la campagne de Silésie. Il leur dit à tous que le moment de vaincre était venu pour porter la guerre sur le territoire autrichien. Ces discours, qui furent répétés aux compagnies par les capitaines, et les différentes dispositions que fit l'Empereur produisirent l'effet qu'on en pouvait attendre.

L'Empereur donna alors le signal du combat, et mesura les manœuvres sur le caractère particulier de ces troupes. Le général de Wrede, officier bavarois d'un grand mérite, placé au devant du pont de Siegenburg, attaqua une division autrichienne qui lui était opposée. Le général Vandamme, qui commandait les Wurtembergeois, la déborda sur son flanc droit. Le duc de Dantzick, avec la division du prince royal et celle du général Deroy, marcha sur le village de Rennhause pour arriver sur la grande route d'Abensberg à Landshut. Le duc de Montebello, avec ses deux divisions françaises, força l'extrême gauche, culbuta tout ce qui était devant lui, et se porta sur Rohr et Rothemburg. Sur tous les points la canonnade était engagée avec succès. L'ennemi, déconcerté par ces dispositions, ne combattit qu'une heure et battit en retraite. Huit drapeaux, douze pièces de canon, dix-huit mille prisonniers furent le résultat de cette affaire, qui ne nous a coûté que peu de monde.

BATAILLE D'ECKMULH, LE 22.

Tandis que la bataille d'Abensberg et le combat de Landshut avaient des résultats si importants, le prince Charles se réunissait avec le corps de Bohême, commandé par le général Kollowrath, et obtenait à Ratisbonne un faible succès.

Mille hommes du 65o, qui avaient été laissés pour garder le pont de Ratisbonne, ne reçurent point l'ordre de se retirer. Cernés par l'armée autrichienne, ces braves, ayant épuisé leurs cartouches, furent obligés de se rendre. Cet événement fut sensible

à l'Empereur; il jura que dans les vingt-quatre heures le sang aurichien coulerait dans Ratisbonne pour venger cet affront fait à

ses armes

Dans le même temps les ducs d'Auerstaedt et de Dantzick tenaient en échec les corps de Rosemberg, de Hohenzollern et de Lichtenstein. Il n'y avait pas de temps à perdre. Le 22 au matin l'Empereur se mit en marche de Landshut avec les deux divisions du duc de Montebello, le corps du duc de Rivoli, les divisions de cuirassiers Nansouty et Saint-Sulpice et la division wurtembergeoise. A deux heures après-midi, il arriva vis-à-vis d'Eckmülh, où les quatre corps de l'armée autrichienne, formant cent dix mille hommes, étaient en position sous le commandement de l'archiduc Charles. Le duc de Montebello déborda l'ennemi par la gauche avec la division Gudin. Au premier signal, les dues d'Auerstaedt et de Dantzick et la division de cavalerie légère du général Montbrun débouchèrent. On vit alors un des plus beaux spectacles qu'ait offerts la guerre, cent dix mille ennemis attaqués sur tous les points, tournés par leur gauche, et successivement dépostés de toutes leurs positions. Le détail des événements militaires serait trop long; il suffit de dire que, mis en pleine déroute, l'ennemi a perdu la plus grande partie de ses canons et un grand nombre de prisonniers; que le 10° d'infanterie légère, de la division Saint-Hilaire, se couvrit de gloire en débouchant sur l'ennemi, et que les Autrichiens, débusqués du bois qui couvre Ratisbonne, furent jetés dans la plaine et coupés par la cavalerie. Le sénateur général de division Demont eut un cheval tué sous lui. La cavalerie autrichienne, forte et nombreuse, se présenta pour protéger la retraite de son infanterie; la division Saint-Sulpice sur la droite, la division Nansouty sur la gauche l'abordèrent; la ligne de hussards et de cuirassiers ennemis fut mise en déroute. Plus de trois cents cuirassiers autrichiens furent faits prisonniers. La nuit commençait; nos cuirassiers continuèrent leur marche sur Ratisbonne La division Nansouty rencontra une colonne ennemie qui se sauvait, la chargea et la fit prisonnière; elle était composée de trois bataillons hongrois de quinze cents hommes.

La division Saint-Sulpice chargea un autre carré dans lequel

faillit être pris le prince Charles, qui ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval. Cette colonne fut également enfoncée et prise. L'obscurité obligea enfin à s'arrêter. Dans cette bataille d'Eckmülh il n'y eut que la moitié à peu près des troupes françaises engagée. Poussée l'épée dans les reins, l'armée ennemie continua à défiler toute la nuit par morceaux et dans la plus épouvantable déroute. Tous ses blessés, la plus grande partie de son artillerie, quinze drapeaux et vingt mille prisonniers sont tombés en notre pouvoir. Les cuirassiers se sont, comme à l'ordinaire, couverts de gloire.

COMBAT ET PRISE DE RATISBONNE, LE 23.

Le 20, à la pointe du jour, on s'avança sur Ratisbonne, l'avant-garde formée par la division Gudin et par les cuirassiers des divisions Nansouty et Saint-Sulpice; on ne tarda pas à apercevoir la cavalerie ennemie qui prétendait couvrir la ville. Trois charges successives s'engagèrent : toutes furent à notre avantage. Sabrés et mis en pièces, huit mille hommes de cavalerie ennemie repassèrent précipitamment le Danube. Sur ces entrefaites nos tirailleurs tâtèrent la ville. Par une inconcevable disposition, le général autrichien y avait placé six régiments sacrifiés sans raison. La ville est enveloppée d'une mauvaise enceinte, d'un mauvais fossé et d'une mauvaise contrescarpe. L'artillerie arriva; on mit en batterie des pièces de 12. On reconnut une issue par laquelle, au moyen d'une échelle, on pouvait descendre dans le fossé et remonter ensuite par une brèche faite à la muraille.

Le duc de Montebello fit passer par cette ouverture un bataillon, qui gagna une poterne et l'ouvrit ; on s'introduisit alors dans la ville. Tout ce qui fit résistance fut sabré : le nombre des prisonniers passa huit mille. Par suite de ses mauvaises dispositions, l'ennemi n'eut pas le temps de couper le pont, et les Français passèrent avec lui sur la rive gauche. Cette malheureuse ville, qu'il a eu la barbarie de défendre, a beaucoup souffert; le feu y a été une partie de la nuit ; mais, par les soins du général Morand et de sa division, on parvint à le dominer et à l'éteindre.

Ainsi, à la bataille d'Abensberg, l'Empereur battit séparément

les deux corps de l'archiduc Louis et du général Hiller. Au combat de Landshut il s'empara du centre des communications de l'ennemi et du dépôt général de ses magasins et de son artillerie. Enfin, à la bataille d'Eckmülh les quatre corps d'Hohenzollern, de Rosenberg, de Kollowrath et de Lichtenstein furent défaits et mis en déroute. Le corps du général Bellegarde, arrivé le lendemain de cette bataille, ne put qu'être témoin de la prise de Ratisbonne, et se sauva en Bohême.

Cette première notice des opérations militaires qui ont ouvert la campagne d'une manière si brillante sera suivie d'une relation plus détaillée de tous les faits d'armes qui ont illustré les arinées françaises et alliées.

Dans tous ces combats notre perte peut se monter à douze cents tués et à quatre mille blessés. Le général de division Cervoni, chef d'état-major du duc de Montebello, fut frappé d'un boulet de canon et tomba mort sur le champ de bataille d'Eckmülh. C'était un officier de mérite et qui s'était distingué dans nos premières champagnes. Au combat de Peissing, le général Hervo, chef de l'état-major du duc d'Auerstaedt, a été également tué. Le duc d'Auerstaedt regrette vivement cet officier, dont il estimait la bravoure, l'intelligence et l'activité. Le général de brigade Clément, commandant une brigade de cuirassiers de la division Saint-Sulpice, a eu un bras emporté. C'est un officier de courage et d'un mérite distingué. Le général Schramm a été blessé. Le colonel du 14o de chasseurs a été tué dans une charge. En général, notre perte en officiers est peu considérable. Les mille hommes du 65° qui ont été faits prisonniers ont été pour la plupart repris. Il est impossible de montrer plus de bravoure et de bonne volonté qu'en ont montré les troupes.

A la bataille d'Eckmülh, le corps du duc de Rivoli n'ayant pu encore rejoindre, ce maréchal est resté constamment auprès de l'Empereur; il a porté des ordres et fait exécuter différentes ma

nœuvres.

A l'assaut de Ratisbonne, le duc de Montebello, qui avait désigné le lieu du passage, a fait porter les échelles par ses aides de camp.

Le prince de Neufchâtel, afin d'encourager les troupes ct

de donner en même temps une preuve de confiance aux alliés, a marché plusieurs fois à l'avant-garde avec les régiments bavarois.

Le duc d'Auerstaedt a donné dans ces différentes affaires de nouvelles preuves de l'intrépidité qui le caractérise.

Le duc de Rovigo, avec autant de dévouement que d'intrépidité, a traversé plusieurs fois les légions ennemies pour aller faire connaître aux différentes colonnes l'intention de l'Empe

reur.

Des deux cent vingt mille hommes qui composaient l'armée autrichienne, tous ont été engagés, hormis les vingt mille hommes que commande le général Bellegarde, et qui n'ont pas donné. De l'armée française, au contraire, près de la moitié n'a pas tiré un coup de fusil. L'ennemi, étonné par des mouvements rapides et hors de ses calculs, s'est trouvé en un moment déchu de sa folle espérance et transporté du délire de la présomption dans un abattement approchant du désespoir.

Ratisbonne, 24 avril 1809.

Ordre du jour.

Soldats!

Vous avez justifié mon attente vous avez suppléé au nombre par votre courage; vous avez glorieusement marqué la différence qui existe entre les soldats de César et les armées de Xerxès.

En peu de jours (1) nous avons triomphé dans les trois batailles de Tann, d'Abensberg et d'Eckmühl et dans les combats de Peissing, Lanshut et de Ratisbonne. Cent pièces de canon, quarante drapeaux, cinquante mille prisonniers, trois équipages attelés, trois mille voitures attelées portant les bagages, toutes les caisses des régiments, voilà le résultat de la rapidité de vos marches et de votre courage.

L'ennemi, enivré par un cabinet parjure, paraissait ne plus

(1) La campagne avait commencé le 18 avril; il y avait six jours.

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