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bourg, du premier de dragons; Nicolas, du soixante-unième de ligne; Viala, du quatre-vingt-unième; Higonet, du cent-huitième.

Les hussards et les chasseurs ont montré dans cette journée une audace digne des plus grands éloges. La cavalerie prussienne n'a jamais tenu devant eux; et toutes les charges qu'ils ont faites devant l'infanterie ont été heureuses.

Nous ne parlons pas de l'infanterie française; il est reconnu depuis longtemps que c'est la meilleure infanterie du monde. L'Empereur a déclaré que la cavalerie française, après l'expérience des deux campagnes et de cette dernière bataille, n'avait pas d'égale.

L'armée prussienne a, dans cette bataille, perdu toute retraite et toute sa ligne d'opérations. Sa gauche, poursuivie par le maréchal Davoust, opéra sa retraite sur Weimar, dans le temps que sa droite et son centre se retiraient de Weimar sur Naumbourg. La confusion fut donc extrême. Le roi a dû se retirer à travers les champs, à la tête de son régiment de cavalerie.

Notre perte est évaluée à mille ou douze cents tués et à trois mille blessés. Le grand-duc de Berg investit en ce moment la place d'Erfurth, où se trouve un corps d'ennemis que commandent le maréchal de Mollendorf et le prince d'Orange.

L'état-major s'occupe d'une relation officielle, qui fera connaître dans tous ses détails cette bataille et les services rendus par les différents corps d'armée et régiments. Si cela peut ajouter quelque chose aux titres de l'armée à l'estime et à la considération de la nation, rien ne pourra ajouter au sentiment d'attendrissement qu'ont éprouvé ceux qui ont été témoins de l'enthousiasme et de l'amour qu'elle témoignait à l'Empereur au plus fort du combat. S'il y avait un moment d'hésitation, le seul cri de Vive l'Empereur ! ranimait les courages et retrempait toutes les âmes. Au fort de la mêlée, l'Empereur, voyant ses ailes menacées par la cavalerie, se portait au galop pour ordonner des manoeuvres et des changements de front en carrés ; il était interrompu à chaque instant par des cris de Vive l'Empe

reur! La garde impériale à pied voyait avec un dépit qu'elle ne pouvait dissimuler tout le monde aux mains et elle dans l'inaction. Plusieurs voix firent entendre les mots en avant? « Qu'est-ce? dit l'Empereur ; ce ne peut-être qu'un jeune homme qui n'a pas de barbe, qui peut vouloir préjuger ce que je dois faire; qu'il attende qu'il ait commandé dans trente batailles rangées avant de prétendre me donner des avis. » C'étaient effectivement des vélites, dont le jeune courage était impatient de se signaler.

Dans une mêlée aussi chaude, pendant que l'ennemi perdait presque tous ses généraux, on doit remercier cette Provi dence qui gardait notre armée. Aucun homme de marque n'a été tué ni blessé. Le maréchal Lannes a eu un biscaïen qui lui a rasé la poitrine sans le blesser. Le maréchal Davoust a eu son chapeau emporté et un grand nombre de balles dans ses habits. L'Empereur a toujours été entouré, partout où il a paru, du prince de Neufchâtel, du maréchal Bessières, du grand maréchal du palais Duroc, du grand écuyer Caulincourt, et de ses aides de camp et écuyers de service. Une partie de l'armée n'a pas donné, ou est encore sans avoir tiré un coup de fusil.

De notre camp impérial de Weimar, le 15 octobre 1806.

Aux archevêques et évêques de l'empire.

« Monsieur l'évêque, le succès que nous venons de remporter sur nos ennemis, avec l'aide de la divine Providence, imposent à nous et à notre peuple l'obligation d'en rendre au Dieu des armées de solennelles actions de grâces. Vous avez vu, par la dernière note du roi de Prusse, la nécessité où nous nous sommes trouvé de tirer l'épée pour défendre le bien le plus précieux de notre peuple, l'honneur. Quelque répugnance que nous ayons eue, nous avons été poussé à bout par nos ennemis; ils ont été battus et confondus. Au reçu de la présente, veuillez donc réunir nos peuples dans les temples, chanter un Te Deum, et ordonner des prières pour remercier Dieu de la prospérité qu'il a accordée à nos armes. Cette lettre n'étant pas

à une autre fin, je prie Dieu, monsieur l'évêque, qu'il vous ait

en sa sainte garde.

NAPOLÉON.

Weimar, le 13 octobre 1806.

Sixième bulletin de la grande armée.

Stx mille Saxons et plus de trois cents officiers ont été faits prisonniers. L'Empereur a fait réunir les officiers, et leur a dit qu'il voyait avec peine que leur armée lui faisait la guerre; qu'il n'avait pris les armes que pour assurer l'indépendance de la nation saxonne, et s'opposer à ce qu'elle fût incorporée à la monarchie prussienne; que son intention était de les renvoyer tous chez eux s'ils donnaient leur parole de ne jamais servir contre la France; que leur souverain, dont il reconnaissait les qualités, avait été d'une extrême faiblesse en cédant ainsi aux menaces des Prussiens, et en les laissant entrer sur son territoire; mais qu'il fallait que tout cela finît; que les Prussiens restassent en Prusse, et qu'ils ne se mêlassent en rien des affaires de l'Allemagne ; que les Saxons devaient se trouver réunis dans la Confédération du Rhin sous la protection de la France, protection qui n'était pas nouvelle, puisque depuis deux cents ans, sans la France, ils eussent été envahis par l'Autriche ou par la Prusse ; que l'Empereur n'avait pris les armes que lorsque la Prusse avait envahi la Saxe; qu'il fallait mettre un terme à ces violences; que le continent avait besoin de repos, et que, malgré les intrigues et les basses passions qui agitent plusieurs cours, il fallait que ce repos existât, dût-il en coûter la chute de quelques trônes.

Effectivement tous les prisonniers saxons ont été renvoyés chez eux avec la proclamation de l'Empereur aux Saxons, et des assurances qu'on n'en voulait point à leur nation.

Weimar, le 16 octobre 1806

Septième bulletin de la grande armée.

Le grand-duc de Berg a cerné Erfurth le 15, dans la matinée. Le 16, la place a capitulé. Par ce moyen, quatorze mille hommes, dont huit mille blessés et six mille bien portants, sont devenus prisonniers de guerre, parmi lesquels sont le prince d'Orange, le feld-maréchal Mollendorf, le lieutenant général Larisph, le lieutenant général Graver, les généraux majors Leffave et Zveiffel. Un parc de cent vingt pièces d'ar tillerie approvisionné est également tombé en notre pouvoir. On ramasse tous les jours des prisonniers.

Le roi de Prusse a envoyé un aide de camp à l'Empereur, avec une lettre en réponse à celle que l'Empereur lui avait écrite avant la bataille; mais le roi de Prusse n'a répondu qu'après. Cette démarche de l'empereur Napoléon était pareille à celle qu'il fit auprès de l'empereur de Russie, avant la bataille d'Austerlitz. Il dit au roi de Prusse : « Le succès de mes armes n'est point incertain. Vos troupes seront battues; mais il en coûtera le sang de mes enfants. S'il pouvait être épargné par quelque arrangement compatible avec l'honneur de ma couronne, il n'y a rien que je ne fasse pour épargner un sang si précieux. Il n'y a que l'honneur qui, à mes yeux, soit encore plus précieux que le sang de mes soldats. >>

Il paraît que les débris de l'armée prussienne se retirent sur Magdebourg. De toute cette immense et belle armée, il ne s'en réunira que des débris.

Weimar, le 16 octobre 1806, au soir.

Huitième bulletin de la grande armée.

Les différents corps d'armée qui sont à la poursuite de l'ennemi annoncent à chaque instant des prisonniers, la prise de bagages, de pièces de canon, de magasins, de munitions de

toute espèce. Le maréchal Davoust vient de prendre trente pièces de canon; le maréchal Soult, un convoi de trois mille tonneaux de farine; le maréchal Bernadotte, quinze cents prisonniers. L'armée ennemie est tellement dispersée et mêlée avec nos troupes, qu'un de ses bataillons vint se placer dans un de nos bivouacs, se croyant dans le sien.

Le roi de Prusse tâche de gagner Magdebourg. Le maréchal Mollendorf est très-malade à Erfurth le grand-duc de Berg lui a envoyé son médecin.

La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes; elle est dans des transes et dans des alarmes continuelles. La veille, elle avait passé son régiment en revue. Elle excitait sans cesse le roi et les généraux. Elle voulait du sang; le sang le plus précieux a coulé. Les généraux les plus marquants sont ceux sur qui sont tombés les premiers coups.

Le général de brigade Durosnel a fait, avec les septième et vingtième de chasseurs, une charge hardie qui a eu le plus grand effet. Le major du vingtième régiment s'y est distingué. Le général de brigade Colbert, à la tête du troisième de hussards et du douzième de chasseurs, a fait sur l'infanterie ennemie plusieurs charges qui ont eu le plus grand succès.

Weimar, le 16 octobre 1803.

Neuvième bulletin de la grande armée.

La garnison d'Erfurth a défilé. On y a trouvé beaucoup plus de monde qu'on ne croyait. Il y a une grande quantité de magasins. L'Empereur a nommé le général Clarke commandant de la ville et citadelle d'Erfurth et du pays environnant. La citadelle d'Erfurth est un bel octogone bastionné, avec casemates, et bien armé. C'est une acquisition précieuse qui nous servira de point d'appui au milieu de nos opérations.

On a dit dans le cinquième bulletin qu'on avait pris vingtcinq à trente drapeaux; il y en a jusqu'ici quarante-cinq au quartier général. Il est probable qu'il y en en aura plus de soixante. Ce sont des drapeaux donnés par le grand Frédéric

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