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l'Empire et d'une grande partie de la Hongrie ; que les sentiments de l'Empereur pour ses sujets devaient le porter à calmer le vainqueur plutôt qu'à l'irriter et à donner à la guerre le caractère qui lui est naturel chez les peuples civilisés, puisque ce vainqueur pouvait en appesantir les maux sur la moitié de la monarchie.

On dit que l'empereur d'Autriche a répondu que la plupart des écrits dont les députés voulaient parler étaient controuvés; que ceux dont on ne désavouait pas l'existence étaient plus modérés ; que les rédacteurs dont on se servait étaient d'ailleurs des commis français, et que, lorsque ces écrits contenaient des choses inconvenantes, on ne s'en apercevait que quand le mal était fait. Si cette réponse, qui court dans le public, est vraie, nous n'avons aucune observation à faire. On ne peut mécon naître l'influence de l'Angleterre ; car ce petit nombre d'hommes, traîtres à leur patrie, est certainement à la solde de cette puissance. Lorsque les députés ont passé à Bude, ils ont vu l'Impératrice; c'était quelques jours avant qu'elle fût obligée de quitter cette ville. Ils l'ont trouvée changée, abattue et consternée des malheurs qui menaçaient sa maison. L'opinion de la monarchie est extrêmement défavorable à la famille de cette princesse. C'est cette famille qui a excité à la guerre. Les archiducs Palatin et Rénier sont les seuls princes autrichiens qui aient insisté pour le maintien de la paix. L'Impératrice était loin de prévoir les événements qui se sont passés. Elle a beaucoup pleuré ; elle a montré un grand effroi du nuage épais qui couvre l'avenir; elle parlait de paix; elle demandait la paix; elle conjurait les députés de parler à l'empereur François en faveur de la paix. Ils ont rapporté que la conduite de l'archiduc Maximilien avait été désavouée, et que l'Empereur d'Autriche l'avait envoyé au fond de la Hongrie.

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Vienne, 3 juillet 1809.

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Vingt-quatrième bulletin de la grande armée.

Enfin il n'existe plus de Danube pour l'armée française : le

général comte Bertrand a fait exécuter des travaux qui excitent l'étonnement et inspirent l'admiration.

Sur une largeur de quatre cents toises et sur un fleuve le plus rapide du monde il a, en quinze jours, construit un pont formé de soixante arches, où trois voitures peuvent passer de front; un second pont de pilotis a été construit, mais pour l'infanterie seulement et de la largeur de huit pieds. Après ces deux ponts vient un pont de bateaux. Nous pouvons donc passer le Danube en trois colonnes. Ces trois ponts sont assurés contre toute insulte, même contre l'effet des brûlots et machines incendiaires, par des estacades sur pilotis, construites entre les îles, dans différentes directions, et dont les plus éloignées sont à deux cent cinquante toises des ponts. Quand on voit ces immenses travaux, on croit qu'on a employé plusieurs années à les exécuter; ils sont cependant l'ouvrage de quinze à vingt jours ces beaux travaux sont défendus par des têtes de pont ayant chacune seize cents toises de développement, formées de redoutes palissadées, fraisées et entourées de fossés pleins d'eau. L'île de Lobau est une place forte : il y a des manutentions de vivres, cent pièces de gros calibre et vingt mortiers ou obusiers de siége en batterie. Vis-à-vis Esling, sur le dernier bras du Danube, est un pont que le duc de Rivoli a fait jeter hier. Il est couvert par une tête de pont qui avait été construite lors du premier passage.

Le général Legrand, avec sa division, occupe les bois en avant de la tête du pont. L'armée ennemie est en bataille, couverte par des redoutes, la gauche à Enzersdorf, la droite à Gross-Aspern quelques légères fusillades d'avant-postes ont

eu lieu.

A présent que le passage du Danube est assuré, que nos ponts sont à l'abri de toute tentative, le sort de la monarchie autrichienne sera décidé dans une seule affaire.

Les ouvrages sur le Danube sont les plus beaux ouvrages de campagne qui aient jamais été construits

Wolkersdorf, 8 juillet 4809.

Vingt-cinquième Bulletin de la grande armée.

Les travaux du général comte Bertrand et du corps qu'il commande avaient, dès les premiers jours du mois, dompté entièrement le Danube. S. M. résolut sur-le-champ de réunir son armée dans l'île de Lobau, de déboucher sur l'armée autrichienne et de lui livrer une bataille générale. Ce n'était pas que la position de l'armée française ne fût très-belle à Vienne : maîtresse de toute la rive droite du Danube, ayant en son pouvoir l'Autriche et une forte partie de la Hongrie, elle se trouvait dans plus la grande abondance. Si l'on éprouvait quelques difficultés pour l'approvisionnement de la population de Vienne, cela tenait à la mauvaise organisation de l'administration, à quelques embarras que chaque jour aurait fait cesser et aux difficultés qui naissent naturellement de circonstances telles que celles où l'on se trouvait et dans un pays où le commerce des grains est un privilége exclusif du gouvernement. Mais comment rester ainsi séparé de l'armée ennemie par un canal de trois ou quatre cents toises, lorsque les moyens de passage avaient été préparés et assurés? C'eût été accréditer les impostures que l'ennemi a débitées et répandues avec tant de profusion dans son pays et dans les pays voisins. C'était laisser du doute sur les événements d'Esling; c'était enfin autoriser à supposer qu'il y avait une égalité de circonstances entre deux armées si différentes, dont l'une était animée et en quelque sorte renforcée par des succès et des victoires multipliées, et l'autre était découragée par les revers les plus mémorables.

Tous les renseignements que l'on avait sur l'armée autrichienne portaient qu'elle était considérable, qu'elle avait été recrutée par de nombreuses réserves, par les levées de Moravie et de Hongrie, par toutes les landwehrs des provinces; qu'elle avait remonté sa cavalerie par des réquisitions dans tous les cercles, et triplé ses attelages d'artillerie en faisant d'immenses levées de charrettes et de chevaux en Moravie, en Bohême et en Hongrie. Pour ajouter de nouvelles chances en leur faveur,

les

généraux autrichiens avaient établi des ouvrages de campagne dont la droite était appuyée à Gross-Aspern et la gauche à Enzersdorf.

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Les villages d'Aspern, d'Esling et d'Enzersdorf et les intervalles qui les séparaient étaient couverts de redoutes palissadées, fraisées et armées de plus de cent cinquante pièces de canon de position, tirées des places de la Bohême et de la Moravie. On ne concevait pas comment il était possible qu'avec son expérience de la guerre l'Empereur voulût attaquer des ouvrages si puissamment défendus, soutenus par une armée qu'on évaluait à deux cent mille hommes tant de troupes de ligne que des milices et de l'insurrection, et qui étaient appuyés par une artillerie de huit ou neuf cents pièces de campagne. Il paraissait plus simple de jeter de nouveaux ponts sur le Danube, quelques lieues plus bas, et de rendre ainsi inutile le champ de bataille préparé par l'ennemi. Mais dans ce dernier cas on ne voyait pas comment écarter les inconvénients qui avaient déjà failli être funestes à l'armée et parvenir en deux ou trois jours à mettre ces nouveaux ponts à l'abri des machines de l'ennemi.

D'un autre côté, l'Empereur était tranquille. On voyait élever ouvrages sur ouvrages dans l'île de Lobau et établir sur le même point plusieurs ponts sur pilotis et plusieurs rangs d'estacades.

Cette situation de l'armée française, placée entre ces deux grandes difficultés, n'avait pas échappé à l'ennemi. Il convenait que son armée trop nombreuse et pas assez maniable s'exposerait à une perte certaine si elle prenait l'offensive; mais en même temps il croyait qu'il était impossible de le déposter de la position centrale où il couvrait la Bohême, la Moravie et une partie de la Hongrie. Il est vrai que cette position ne couvrait pas Vienne et que les Français étaient en possession de cette capitale; mais cette position était, jusqu'à un certain point, disputée, puisque les Autrichiens se maintenaient maîtres du Danube, et empêchaient les arrivages des choses les plus nécessaires à la subsistance d'une si grande cité.

Telles étaient les raisons d'espérance et de crainte et la matière des conversations des deux armées, lorsque le 1er juil

let, à quatre heures du matin, l'Empereur porta son quartier général à l'île Lobau, qui avait déjà été nommée par les ingénieurs île Napoléon : une petite île à laquelle on avait donné le nom du duc de Montebello et qui battait Enzersdorf avait été armée de dix mortiers et de vingt pièces de dix-huit. Une autre île nommée île Espagne avait été armée de six pièces de position de douze et de quatre mortiers. Entre ces deux îles, on avait établi une batterie égale en force à celle de l'île Montebello et battant également Enzersdorf. Ces soixante-deux pièces de position avaient le même but et devaient, en deux heures de temps, raser la petite ville d'Enzersdorf, en chasser l'ennemi, et en détruire les ouvrages. Sur la droite, l'île Alexandre, armée de quatre mortiers, de dix pièces de douze et de douze pièces de six de position, avait pour but de battre la plaine et de protéger le ploiement et le déploiement de nos ponts.

Le 2 un aide de camp du duc de Rivoli passa avec cinq cents voltigeurs dans l'île et s'empara du Moulin. On arma cette île; on la joignit au continent par un petit pont qui allait à la rive gauche. En avant on construisit une petite flèche, que l'on appela redoute Petit. Le soir les redoutes d'Esling en parurent jalouses, ne doutant pas que ce ne fût une première batterie que l'on voulait faire agir contre elles, elles tirèrent avec la plus grande activité. C'était précisément l'intention que l'on avait eue en s'emparant de cette île; on voulait y attirer l'attention de l'ennemi pour la détourner du véritable but de l'opération.

PASSAGE DU BRAS DU DANUBE A L'ILE LOBAU.

Le 4, à dix heures du soir, le général Oudinot fit embarquer sur le grand bras du Danube quinze cents voltigeurs, commandés par le général Conroux. Le colonel Baste, avec dix chaloupes canonnières, les convoya et les débarqua au delà du petit bras de l'île Lobau dans le Danube. Les batteries de l'ennemi furent bientôt écrasées, et il fut chassé des bois jusqu'au village de Mühllenten.

A onze heures du soir les batteries dirigées contre Enzersdorf reçurent l'ordre de commencer leur feu. Les obus brûlèrent cette

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