Page images
PDF
EPUB

Tel est le récit de la bataille de Wagram, bataille décisive et à jamais célèbre, où trois à quatre cent mille hommes, douze à quinze cents pièces de canon se battaient pour de grands intérêts, sur un champ de bataille étudié, médité, fortifié par l'ennemi depuis plusieurs mois. Dix drapeaux, quarante pièces de canon, vingt mille prisonniers, dont trois ou quatre cents officiers et bon nombre de généraux, de colonels et de majors sont les trophées de cette victoire. Les champs de bataille sont couverts de morts, parmi lesquels on trouve les corps de plusieurs généraux, et entre autres d'un nommé Normann, Français, traître à sa patrie, qui avait prostitué ses talents contre elle.

Tous les blessés de l'ennemi sont tombés en notre pouvoir. Ceux qu'il avait évacués au commencement de l'action ont été trouvés dans les villages environnants. On peut calculer que le résultat de cette bataille sera de réduire l'armée autrichienne à moins de soixante mille hommes.

on l'évalue à quinze cents

Notre perte a été considérable hommes tués et à trois ou quatre mille blessés.

Le duc d'Istrie, au moment où il disposait l'attaque de la cavalerie, a eu son cheval emporté d'un coup de canon; le boulet est tombé sur sa selle, et lui a fait une légère contusion à la cuisse.

Le général de division Lasalle a été tué d'une balle. C'était un officier du plus grand mérite et l'un de nos meilleurs généraux de cavalerie légère.

Le général bavarois de Wrede et les généraux Seras, Grenier, Vignolle, Sahuc, Frère et Defrance ont été blessés.

Le colonel prince Aldobrandini a été frappé au bras par une balle. Les majors de la garde Daumesnil et Corbineau et le colonel Sainte-Croix ont aussi été blessés. L'adjudant-commandant Duprat a été tué. Le colonel du 9e d'infanterie de ligne est resté sur le champ de bataille. Ce régiment s'est couvert de gloire. L'état-major fait dresser l'état de nos pertes.

Une circonstance particulière de cette grande bataille, c'est que les colonnes les plus rapprochées de Vienne n'en étaient pas à douze cents toises. La nombreuse population de cette capitale couvrait les tours, les clochers, les toits, les monticules pour être témoin de ce grand spectacle

L'empereur d'Autriche avait quitté Wolkersdorf ie 6, à cinq heures du matin, et était monté sur un belvédère d'où il voyait le champ de bataille, et où il est resté jusqu'à midi. Il est alors parti en toute hâte.

Le quartier général français est arrivé à Wolkersdorf, dans la matinée du 7.

Wolkersdorf, 9 juillet 1809.

[ocr errors]

Vingt-sixième Bulletin de la Grande Armée.

Il paraît que l'ennemi abandonne la Moravie et la Hongrie et se retire en Bohême.

Les routes sont couvertes de gens de la landwehr et de la levée en masse, qui retournent chez eux.

Les pertes que la désertion ajoute à celles que l'ennemi a éprouvées en tués, blessés et prisonniers concourent à l'anéantissement de cette armée.

Les nombreuses lettres interceptées font un tableau frappant du mécontentement de l'armée ennemie et du désordre qui y règne.

A présent que la monarchie autrichienne est sans espérance, ce serait mal connaître le caractère de ceux qui l'ont gouvernée que de ne pas s'attendre qu'ils s'humilieront comme ils le firent après la bataille d'Austerlitz. A cette époque ils étaient, comme aujourd'hui, sans espoir, et ils épuisèrent les protestations et les serments.

Pendant la journée du 6 l'ennemi a jeté sur la rive droite du Danube quelques centaines d'hommes des postes d'observation. Ils se sont rembarqués après avoir perdu quelques hommes tués ou faits prisonniers.

La chaleur a été excessive ces jours-ci; le thermomètre a été presque constamment à vingt-six degrés.

Le vin est en très-grande abondance. Il y a tel village ou on ne a trouvé jusqu'à trois millions de pintes. Il n'a heureusement aucune qualité malfaisante.

Vingt villages, les plus considérables de la belle plaine de

Vienne, et tels qu'on en voit aux environs d'une grande capitale, ont été brûlés pendant la bataille. La juste haine de la nation se prononce contre les hommes criminels qui ont attiré tous ces malheurs sur elle.

Le général de brigade Laroche est entré le 28 juin, avec un corps de cavalerie, à Nuremberg, et s'est dirigé sur Bareuth; il a rencontré l'ennemi à Besentheim, l'a fait charger par le premier régiment provisoire de dragons, a sabré tout ce qui s'est trouvé devant lui et a pris deux pièces de canon.

Zuaïm en Moravie, 13 juillet 1809.

Circulaire aux évéques.

M. l'évêque de.............., les victoires d'Enzersdorf et de Wagrəm, où le Dieu des armées a si visiblement protégé les armées françaises, doivent exciter la plus vive reconnaissance dans le cœur de nos peuples. Notre intention est donc qu'au reçu de la présente vous vous concertiez avec qui de droit pour réunir nos peuples dans les églises, et adresser au ciel des actions de grâces et des prières conformes aux sentiments qui nous animent.

Notre-Seigneur Jésus-Christ, quoique issu du sang de David, ne voulut aucun règne temporel. Il voulut, au contraire, qu'on obéît à César dans le règlement des affaires de la terre; il ne fut animé que du grand objet de la rédemption et du salut des âmes. Héritier du pouvoir de César, nous sommes résolu à maintenir l'indépendance de notre trône et de nos droits. Nous persévérons dans le grand œuvre du rétablissement de la religion. Nous environnerons ses ministres de la considération que nous seul pouvons leur donner. Nous écouterons leur voix dans tout ce qui a rapport au spirituel et au règlement des consciences.

Au milieu des soins des camps, des alarmes et des sollicitudes de la guerre, nous avons été bien aise de vous donner connaissance de ces sentiments, afin de faire tomber dans le mépris ces œuvres de l'ignorance et de la faiblesse, de la méchanceté ou de la démence par lesquelles on voudrait semer le trouble et le désordre dans nos provinces. On ne nous détournera pas du grand

but vers lequel nous tendons et que nous avons déjà en partie heureusement atteint, le rétablissement des autels de notre religion, en nous portant à croire que ses principes sont incompatibles, comme l'ont prétendu les Grecs, les Anglais, les protestants et les calvinistes, avec l'indépendance des trônes et des nations. Dieu nous a assez éclairé pour que nous soyons loin de partager de pareilles erreurs : notre cœur et ceux de nos sujets n'éprouvent point de semblables craintes. Nous savons que ceux qui voudraient faire dépendre de l'intérêt d'un temporel périssable l'intérêt éternel des consciences et des affaires spirituelles sont hors de la charité, de l'esprit et de la religion de celui qui a dit : Mon empire n'est pas dans ce monde. Cette lettre n'étant à d'autres fins, je prie Dieu, monsieur l'évêque, qu'il vous ait en sa sainte garde. NAPOLÉON.

Vienne, 30 juillet 1809.

Trentième Bulletin de la Grande Armée.

D'après tous les renseignements qui ont été pris, la maison d'Autriche se préparait à la guerre depuis près de quatre ans, c'est-à-dire depuis la guerre de Presbourg. Son état militaire lui a coûté pendant trois années trois cents millions de francs chaque année. Aussi son papier-monnaie, qui ne se montait qu'à un millard de francs lors de la paix de Presbourg, passe-t-il aujourd'hui deux milliards.

La maison d'Autriche est entrée en campagne avec soixantedeux régiments de ligne, dix-huit régiments de frontières, quatre corps francs ou légions, ayant ensemble un présent sous les armes de trois cent dix mille hommes; cent cinquante bataillons de landwehr, commandés par d'anciens officiers et exercés pendant dix mois, formant cent cinquante mille hommes; quarante mille hommes de l'insurrection hongroise, et soixante mille hommes de cavalerie, d'artillerie et de sapeurs; ce qui fait de cinq à six cent mille hommes. Aussi la maison d'Autriche se croyait-elle sûre de la victoire. Elle espérait balancer les destins de

la France, lors même que toutes nos forces auraient été réunies, et elle ne doutait pas qu'elle s'avançât sur le Rhin, sachant que la majeure partie de nos troupes et nos plus beaux régiments étaient en Espagne. Cependant ses armées sont aujourd'hui réduites à moins du quart, tandis que l'armée française est doublée de ce qu'elle était à Ratisbonne.

Ces efforts, la maison d'Autriche n'a pu les faire qu'une fois. C'est un miracle attaché au papier-monnaie. Le numéraire est si rare que l'on ne croit pas qu'il y ait dans les États de cette monarchie, soixante millions de francs en espèces. C'est ce qui soutient le papier-monnaie, puisque près de deux milliards, qui, moyennant la réduction au tiers, ne valent que six à sept cents millions, ne sont que le signe nécessaire à la circulation.

Paris, 3 décembre 1809.

Discours de S. M. l'Empereur, à l'ouverture du Corps législatif.

Messieurs les députés des départements au Corps législatif, depuis votre dernière session j'ai soumis l'Aragon et la Castille et chassé de Madrid le gouvernement fallacieux formé par l'Angleterre.

Je marchais sur Cadix et Lisbonne, lorsque j'ai dû revenir sur mes pas et planter mes aigles sur les remparts de Vienne. Trois mois ont vu naître et terminer cette quatrième guerre punique. Accoutumé au dévouement et au courage de mes armées, je ne puis cependant, dans cette circonstance, ne pas reconnaître les preuves particulières d'amour que m'ont données mes soldats d'Allemagne.

Le génie de la France a conduit l'armée anglaise; elle a terminé ses destins dans les marais pestilentiels de Walcheren. Dans cette importante circonstance, je suis resté éloigné de quatre cents lieues, certain de la nouvelle gloire qu'allaient acquérir mes peuples et du grand caractère qu'ils allaient déployer. Mes espérances n'ont pas été trompées. Je dois des remercîments en particulier aux citoyens des départements du Pas-de-Calais et du

« PreviousContinue »