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rations. On forme des magasins. La tête des convois arrive a Kowno par le Niémen. Vingt mille quintaux de farine et un million de rations de biscuit viennent d'y arriver de Dantzick.

Wilna, le 14 juillet 1812.

Sixième bulletin de la grande armée.

Le roi de Naples a continué à suivre l'arrière-garde ennemie. Le 5 il a rencontré la cavalerie ennemie en position sur la Dziana; il l'a fait charger par la brigade de cavalerie légère que commande le général baron Subervic. Les régiments prussiens, wurtembergeois et polonais qui font partie de cette brigade ont chargé avec la plus grande intrépidité. Ils ont culbuté une ligne de dragons et de hussards russes, et ont fait deux cents prisonniers hussards et dragons montés. Arrivé au delà de la Dziana, l'ennemi coupa les ponts et voulut défendre le passage. Le général comte Montbrun fit alors avancer ses cinq batteries d'artillerie légère, qui, pendant plusieurs heures, portèrent le ravage dans les rangs ennemis. La perte des Russes a été considérable.

Le général comte Sébastiani est arrivé le même jour à Vidzoni, d'où l'empereur de Russie était parti la veille.

Notre avant-garde est sur la Dwina.

Le général comte Nansouty était le 5 juillet à Postavorio ; il se porta, pour passer la Dziana, à six lieues de là, sur la droite du roi de Naples. Le général de brigade Roussel, avec le neuvième régiment de chevau-légers polonais et le deuxième régiment de hussards prussiens, passa la rivièrə, culbuta six escadrons russes, en sabra un bon nombre et fit quarante-six prisonniers avec plusieurs officiers. Le général Nansouty se loue de la conduite du général Roussel, et cite avec éloge le lieutenant Borke, du deuxième régiment de hussards prussiens, le sousofficier Krause et le hussard Lutze. S. M, a accordé la décoration de la Légion d'honneur au général Roussel, aux officiers et au sous-officier ci-dessus nommés.

Le général Nansouty a fait prisonniers cent trente hussards et dragons russes montés.

Le 3 juillet la communication a été ouverte entre Grodno et Wilna par Léda. L'hetman Platoff, avec six mille Cosaques, chassé de Grodno, se présenta sur Léda et y trouva les avantpostes français. Il descendit sur Ivié le 5.

Le général comte Grouchy occupait Witchnew, Traboni et Soubotnicki. Le général baron Pujol était à Perchai. Le général baron Bordesoulle était à Blacktoni; le maréchal prince d'Eckmülh était en avant de Bobrowitski, poussant des têtes de colonne partout.

Platoff se retira précipitamment, le 6, sur Nikolaew.

Le prince Bagration, parti dans les premiers jours de juillet de Wolkowisk, pour se diriger sur Wilna, a été intercepté dans sa route. Il est retourné sur ses pas pour gagner Minsk ; prévenu par le prince d'Eckmülh, il a changé de direction, a renoncé à se porter sur la Dwina et se porte sur le Borysthène par Bobrealz, en traversant les marais de la Bérésina.

Le maréchal prince d'Eckmülh est entré le 8 à Minsk. Il y a trouvé des magasins considérables en farine, en avoine, en effets d'habillement, etc. Bagration était déjà arrivé à Novoisworgrew; se voyant prévenu, il envoya l'ordre de brûler les magasins, mais le prince d'Eckmülh ne lui en a pas donné le temps.

Le roi de Westphalie était le 9 à Nowogrodek, le général Régnier à Slonim; des magasins, des voitures de bagages, des pharmacies, des hommes isolés ou coupés tombent à chaque moment dans nos mains; les divisions russes errent dans ces contrées sans direction, prévenues, poursuivies partout, perdant leurs bagages, brûlant leurs magasins, détruisant leur artillerie et laissant leurs places sans défense.

Le général baron de Colbert a pris à Vileika un magasin de trois mille quintaux de farine, de cent mille rations de biscuit. Il a trouvé aussi à Vileika une caisse de vingt mille francs en monnaie de cuivre.

Tous ces avantages ne coûtent presque aucun homme à l'armée française depuis que la campagne est ouverte on compte à peine, dans tous les corps réunis, trente hommes tués, une cen

taine de blessés et dix prisonniers, tandis que nous avons déjà deux mille à deux mille cinq cents prisonniers russes.

Le prince de Schwartzenberg a passé le Bug à Droghitschin; a poursuivi l'ennemi dans ces différentes directions, et s'est emparé de plusieurs voitures de bagages. Le prince de Schwartzenberg se loue de l'accueil qu'il reçoit des habitants et de l'esprit de patriotisme qui anime ces contrées.

Ainsi dix jours après l'ouverture de la campagne nos avantpostes sont sur la Dwina. Presque toute la Lithuanie, ayant quatre millions d'hommes de population, est conquise. Les mouvements de guerre ont commencé au passage de la Vistule. Les projets de l'Empereur étaient dès lors démasqués, et il n'y avait pas de temps à perdre pour leur exécution. Aussi l'armée a-t-elle fait de fortes marches, depuis le passage de ce fleuve, pour se porter par des manœuvres sur la Dwina; car il y a plus loin de la Vistule à la Dwina que de la Dwina à Moscou et à Pétersbourg.

Les Russes paraissent se concentrer sur Dunabourg; ils annoncent le projet de nous attendre et de nous livrer bataille avant de rentrer dans leurs anciennes provinces, après avoir abandonné sans combat la Pologne, comme s'ils étaient pressés par la justice et qu'ils voulussent restituer un pays mal acquis, puisqu'il ne l'a éte ni par les traités ni par le droit de conquête. La chaleur continue à être très-forte.

Le peuple de Pologne s'émeut de tous côtés. L'aigle blanche est arborée partout: prêtres, nobles, paysans, femmes, tous demandent l'indépendance de leur nation. Les paysans sont extrêmement jaloux du bonheur des paysans du grand-duché, qui sont libres; car, quoi qu'on dise, la liberté est regardée par les Lithuaniens comme le premier des biens. Les paysans s'expriment avec une vivacité d'élocution qui ne semble pas devoir appartenir aux climats du nord, et tous embrassent avec transport l'espérance que la fin de la lutte sera le rétablissement de leur liberté. Les paysans du grand-duché ont gagné à la liberté, non qu'ils soient plus riches, mais les propriétaires sont obligés d'être modérés, justes et humains, parce qu'autrement les paysans quitteront leurs terres pour chercher de meil

leurs propriétaires. Ainsi le noble ne perd rien; il est seulement obligé d'être juste, et le paysan gagne beaucoup. Ç'a dû être une grande jouissance pour le cœur de l'Empereur que d'être témoin, en traversant le grand-duché, des transports de joie et de reconnaissance qu'excite le bienfait de la liberté accordé à quatre millions d'hommes.

Six régiments d'infanterie de nouvelle levée viennent d'être décrétés en Lithuanie, et quatre régiments de cavalerie viennent d'être offerts par la noblesse.

La diète de Varsovie, s'étant constituée en confédération générale de Pologne, a nommé le prince Adam Czartorinski son président. Ce prince, âgé de quatre-vingts ans, a été, il y a cinquante ans, maréchal d'une diète de Pologne. Le premier acte de la confédération a été de déclarer le royaume de Pologne rétabli.

Une députation de la confédération a été présentée à l'Empereur à Wilna, et a soumis à son approbation et à sa protection l'acte de confédération.

Réponse de l'Empereur au discours de M. le comte palatin Wibicki, président de la députation de la confédération générale de Pologne.

Messieurs les députés de la confédération de Pologne, J'ai entendu avec intérêt ce que vous venez de me dire. Polonais, je penserais et j'agirais comme vous; j'aurais voté comme vous dans l'assemblée de Varsovie : l'amour de la patrie est la première vertu de l'homme civilisé.

Dans ma position, j'ai bien des intérêts à concilier et bien des devoirs à remplir. Si j'eusse régné lors du premier, du second ou du troisième partage de la Pologne, j'aurais armé tout mon peuple pour vous soutenir. Aussitôt que la victoire m'a permis de restituer vos anciennes lois à votre capitale et à une partie de vos provinces, je l'ai fait avec empressement, sans toutefois prolonger une guerre qui eût fait couler encore le sang de mes sujets.

J'aime votre nation : depuis seize ans j'ai vu vos soldats à

mes côtés, sur les champs d'Italie comme sur ceux d'Espagne. J'applaudis à tout ce que vous avez fait : j'autorise les efforts que vous voulez faire; tout ce qui dépendra de moi pour seconder vos résolutions, je le ferai.

Si vos efforts sont unanimes, vous pouvez concevoir l'espoir de réduire vos ennemis à reconnaître vos droits; mais, dans ces contrées si éloignées et si étendues, c'est surtout sur l'unanimité des efforts de la population qui les couvre que vous devez fonder vos espérances de succès.

Je vous ai tenu le même langage lors de ma première apparition en Pologne: je dois ajouter ici que j'ai garanti à l'empereur d'Autriche l'intégrité de ses États et que je ne saurais autoriser aucune manœuvre ni aucun mouvement qui tendrait à le troubler dans la paisible possession de ce qui lui reste,des provinces polonaises. Que la Lithuanie, la Samogitie, Witepsck, Polotzk, Mohilow, la Volhynie, l'Ukraine, la Podolie soient animées du même esprit que j'ai vu dans la grande Pologne, et la providence couronnera par le succès la sainteté de votre cause; elle récompensera ce dévouement à votre patrie qui vous a rendus si intéressants et vous a acquis tant de droits à mon estime et à ma protection, sur laquelle vous devez compter dans toutes les circonstances.

Wilna, le 16 juillet 1812.

Septième bulletin de la grande armée.

Sa Majesté fait élever sur la rive droite de la Vilia un camp retranché fermé par des redoutes, et fait construire une citadelle sur la montagne où était l'ancien palais des Jagellons. On travaille à établir deux ponts de pilotis sur la Vilia. Trois ponts de radeaux existent déjà sur cette rivière.

Le 8 l'Empereur a passé la revue d'une partie de sa garde, composée des divisions Laborde et Roguet, que commande le maréchal duc de Trévise, et de la vieille garde, que commande le maréchal duc de Dantzick, sur l'emplacement du camp retranché. La belle tenue de ces troupes a excité l'admiration générale.

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