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autrichiens, ont renouvelé quatre fois la catastrophe d’Ülm : la première, par la capitulation d'Erfurth, la seconde, par celle du prince Hohenlohe; la troisième, par la reddition de Stettin, et la quatrième par la capitulation de Schwartau.

La ville de Lubeck a considérablement souffert prise d'assaut, ses places et ses rues ont été le théâtre du carnage. Elle ne doit s'en prendre qu'à ceux qui ont attiré la guerre dans ses murs. Le Mecklembourg a été également ravagé par les armées françaises et prussiennes. Un grand nombre de troupes se croisant en tout sens, et à marches forcées sur ce territoire, n'a pu trouver sa subsistance qu'aux dépens de cette contrée. Ce pays est intimement lié avec la Russie; son sort servira d'exemple aux princes d'Allemagne qui cherchent des relations éloignées avec une puissance à l'abri des malheurs qu'elle attire sur eux, et qui ne fait rien pour secourir ceux qui lui sont attachés par les liens les plus étroits du sang et par les rapports les plus intimes.

L'aide de camp du grand-duc de Berg, Dery, a fait capituler le corps qui escortait les bagages qui s'étaient retirés derrière la Peene. Les Suédois ont livré les fuyards et les caissons. Cette capitulation a produit quinze cents prisonniers, une grande quantité de bagages et de chariots. Il y a aujourd'hui des régiments de cavalerie, qui possèdent plusieurs centaines de milliers d'écus.

Le maréchal Ney, chargé du siége de Magdebourg, a fait bombarder cette place. Plusieurs maisons ayant été brûlées, les habitants ont manifesté leur mécontentement, et le com mandant a demandé à capituler. Il y a, dans cette forteresse, beaucoup d'artillerie, des magasins considérables, seize mille hommes appartenant à plus de soixante-dix bataillons, et beaucoup de caisses des corps.

Pendant ces événements importants, plusieurs corps de notre armée arrivent sur la Vistule.

La malle de Varsovie a apporté beaucoup de lettres de Rus sie qui ont été interceptées. On y voit que dans ce pays les fables des journaux anglais trouvent une grande croyance. Ainsi, l'on est persuadé en Russie que le maréchal Masséna

a été tué; que la ville de Naples s'est soulevée; qu'elle a été occupée par les Calabrois; que le roi s'est réfugié à Rome, et que les Anglais, avec cinq ou six mille hommes, sont maîtres de l'Italie. Il ne faudrait cependant qu'un peu de réflexion pour rejeter de pareils bruits. La France n'a-t-elle donc plus d'armée en Italie ? Le roi de Naples est dans sa capitale ; il a quatre-vingt mille Français; il est maître des deux Calabres; et à Pétersbourg on croit les Calabrois à Rome. Si quelques galériens armés et endoctrinés par cet infâme Sidney-Smith, la honte des braves militaires anglais, tuent des hommes isolés, égorgent des propriétaires riches et paisibles, la gendarmerie et l'échafaud en font justice.

La marine anglaise ne désavouera point le titre d'infamie donnée à Sidney-Smith. Les généraux Stuart et Fox, tous les officiers de terre s'indignent de voir le nom anglais associé à des brigands. Le brave général Stuart s'est même élevé publiquement contre ces menées aussi impuissantes qu'atroces, et qui tendent à faire du noble métier de la guerre un échange d'assassinats et de brigandages. Mais, quand Sidney-Smith a été choisi pour seconder les fureurs de la reine, on n'a vu en lui qu'un de ces instruments que les gouvernements emploient trop souvent, et qu'ils abandonnent au mépris qu'ils sont les premiers à avoir pour eux. Les Napolitains feront connaître un jour avec détail les lettres de Sidney-Smith, les missions qu'il a données, l'argent qu'il a répandu pour l'exécution des atrocités dont il est l'agent en chef.

On voit aussi dans les lettres de Pétersbourg, et même dans les dépêches officielles, qu'on croit qu'il n'y a plus de Francais dans l'Italie supérieure. On doit savoir cependant qu'indépendamment de l'armée de Naples, il y a encore en Italie cent mille hommes prêts à punir ceux qui voudraient y porter la guerre.

On attend aussi de Pétersbourg des succès de la division de Corfou; mais on ne tardera pas à apprendre que cette division, à peine débarquée aux bouches de Cattaro, a été défaite par le

Joseph. On sait que l'ancienne dynastie avait été détrônée par un décret de l'Empereur.

général Marmont; qu'une partie a été prise, et l'autre rejetée dans ses vaisseaux. C'est une chose fort différente d'avoir affaire à des Français, ou à des Turcs que l'on tient dans la crainte et dans l'oppression, en fomentant avec art la discorde dans les provinces. Mais, quoi qu'il en puisse être, les Russes ne seront point embarrassés pour détourner d'eux l'opprobre de ces résultats.

Un décret du sénat dirigeant a déclaré qu'à Austerlitz ce n'étaient point les Russes, mais leurs alliés, qui avaient été battus. S'il y a sur la Vistule une nouvelle bataille d'Austerlitz, ce sera encore d'autres qu'eux qui auront été vaincus, quoiqu'aujourd'hui, comme alors, leurs alliés n'aient point de troupes à joindre à leurs troupes, et que leur armée ne puisse être composée que de Russes. Les états de mouvements et ceux des marches de l'armée russe sont tombés dans les mains de l'état-major français. Il n'y aurait rien de plus ridicule que les plans d'opérations des Russes, si leurs vaines espérances n'étaient plus ridicules encore.

Le général Lagrange a été déclaré gouverneur général de Cassel et des États de Hesse.

Le maréchal Mortier s'est mis en marche pour le Hanovre et pour Hambourg, avec son corps d'armée.

Le roi de Hollande a fait bloquer Hameln. Il faut que cette guerre soit la dernière, et que ses auteurs soient si sévèrement punis, que quiconque voudra désormais prendre les armes contre le peuple français sache bien, avant de s'engager dans une telle entreprise, quelles peuvent en être les conséquences.

Berlin, le 40 novembre 1806.

Trentième bulletin de la grande armée.

La place de Magdebourg s'est rendue le 8 : le 9, les portes ont été occupées par les troupes françaises.

Seize mille hommes, près de huit cents pièces de canon, des magasins de toute espèce tombent en notre pouvoir.

Le prince Jérôme a fait bloquer la place de Glogau, capitale

de la Haute-Silésie, par le général de brigade Lefebvre, à la tête de deux mille chevaux bavarois. La place a été bombardée le 8 par dix obusiers servis par de l'artillerie légère. Le prince fait l'éloge de la conduite de la cavalerie bavaroise. Le général Deroy, avec sa division, a investi Glogau le 9: on est entré en pour parler pour sa reddition.

Le maréchal Davoust est entré à Posen avec un corps d'armée le 10. Il est extrêmement content de l'esprit qui anime les Polonais. Les agents prussiens auraient été massacrés, si l'armée française ne les eût pris sous sa protection.

La tête de quatre colonnes russes, fortes chacune de quinze mille hommes, entrait dans les États prussiens par Georgenbourg, Olita, Grodno et Jalowka. Le 25 octobre, ces têtes de colonnes avaient fait deux marches: lorsqu'elles reçurent la nouvelle de la bataille du 14 et des événements qui l'ont suivie, elles rétrogradèrent sur-le-champ. Tant de succès, des événements d'une si haute importance, ne doivent pas ralentir en France les préparatifs militaires; on doit, au contraire, les poursuivre avec une nouvelle énergie, non pour satisfaire une ambition insatiable, mais pour mettre un terme à celle de nos ennemis. L'armée française ne quittera pas la Pologne et Berlin que la Porte ne soit rétablie dans toute son indépendance, et que la Valachie et la Moldavie ne soient déclarées appartenant en toute suzeraineté à la Porte.

L'armée française ne quittera point Berlin que les possessions des colonies espagnoles, hollandaises et françaises ne soient rendues, et la paix générale faite.

On a intercepté une malle de Dantzick, dans laquelle on a trouvé beaucoup de lettres venant de Pétersbourg et de Vienne. On use a Vienne d'une ruse assez simple pour répandre de faux bruits. Avec chaque exemplaire des gazettes, dont le ton est fort réservé, on envoie, sous la même enveloppe, un bulletin à la main, qui contient les nouvelles les plus absurdes. On y lit que la France n'a plus d'armée en Italie; que toute cette contrée est en feu; que l'Etat de Venise est dans le plus grand mécontentement et a les armes à la main; que les Russes ont attaqué l'armée française en Dalmatie, et l'ont complétement battue.

Quelque fausses et ridicules que soient ces nouvelles, elles arrivent de tant de côtés à la fois qu'elles obscurcissent la vérité. Nous sommes autorisés à dire que l'Empereur a deux cent mille hommes en Italie, dont quatre-vingt mille à Naples et vingt-cinq mille en Dalmatie; que le royaume de Naples n'a jamais été troublé que par des brigandages et des assassinats; que le roi de Naples est maître de toute la Calabre; que si les Anglais veulent y débarquer avec des troupes régulières, ils trouveront à qui parler; que le maréchal Masséna n'a jamais eu que des succès, et que le roi est tranquille dans sa capitale, occupé des soins de son armée et de l'administration de son royaume; que le général Marmont, commandant l'armée française en Dalmatie, a complétement battu les Russes et les Monténégrins, entre lesquels la division règne; que les Monténégrins accusent les Russes de s'être mal battus, et que les Russes reprochent aux Monténégrins d'avoir fui; que, de toutes les troupes de l'Europe, les moins propres à faire la guerre en Dalmatie sont certainement les troupes russes. Aussi y fontelles en général une fort mauvaise figure.

Cependant le corps diplomatique, endoctriné par ces fausses directions données de Vienne à l'opinion, égare les cabinets par ses rapsodies. De faux calculs s'établissent là-dessus; et, comme tout ce qui est bâti sur le mensonge et sur l'erreur tombe promptement en ruine, des entreprises aussi mal calculées tournent à la confusion de leurs auteurs. Certainement, dans la guerre actuelle, l'Empereur n'a pas voulu affaiblir son armée d'Italie; il n'en a pas retiré un seul homme; il s'est contenté de faire venir huit escadrons de cuirassiers, parce que les troupes de cette arme sont inutiles en Italie. Ces escadrons ne sont pas encore arrivés à Inspruck. Depuis la dernière campagne, l'Empereur a, au contraire, augmenté son armée d'Italie de quinze régiments qui étaient dans l'intérieur, et de neuf régiments du corps du général Marmont. Quarante mille conscrits, presque tous de la conscription de 1806, ont été dirigés sur l'Italie, et, par les états de situation de cette armée au 1er novembre, vingt-cinq mille y étaient déjà arrivés. Quant au peuple des États vénitiens, l'Empereur ne saurait être que

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