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bien le sort qui lui est échu dans l'Eglise, est désirable et digne d'envie. Funes ceciderunt mihi in præclaris.

Puisse celte bénédiction non-seulement vous environner, vous combler, vous faire produire les plus dignes fruits, mais s'étendre sur vos familles, survos enfans, jusqu'aux futures générations. Adjiciat Dominus super vos, super vos et super filios vestros.

Nous croyions, en finissant, pouvoir offrir un abrégé trèssuccinct des Conférences qu'a faites à Metz M.l'abbé Lacordaire, que l'on peut appeler le fondateur des Conférences de NotreDame; mais la personne qui avait bien voulu nous promettre ce travail, a reculé devant la difficulté de resserrer dans de justes limites un ensemble de Conférences qui ont continué sans aucune interruption depuis l'Avent jusqu'à la fin du Carême. Qu'il nous suffise de dire que les Conférences de Metz ont été une magnifique continuation des Conférences de Notre-Dame de Paris; elles ont été plus parfaites encore, car l'orateur, sans cesser d'être aussi brillant, avait puisé quelque chose de plus profond et de plus parfait à la source même du Catholicisme, å Rome, où il a passé deux ans. Aussi qu'il nous soit permis de dire aux deux orateurs : « Continuez votre carrière, c'est à vous qu'était réservée la gloire toute chrétienne de réconcilier le siècle avec la religion. Quant aux critiques isolées, forts de » l'approbation de vos évéques, laissez-les passer inaperçues ou impuissantes. La fréquence de vos auditeurs et les conver»sions qui suivent vos discours répondent assez pour vous !!! » A. B.

Histoire.

HISTOIRE DU PAPE INNOCENT III

ET DE SES CONTEMPORAINS, PAR FREDERIC HURTER.

Primauté de Rome.

Deuxième Article '.

-L'Arménie renonce

au schisme. Tolérance à l'égard des Juifs. - Droits des papes sur l'élection des empereurs. Ingratitude d'Othon. Croisade et conquête de Constantinople.

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Du divorce de Philippe-Auguste.— Interdit sur la France justifié.-Victoire sur les Mores en Espagne. — Opinion remarquable de Hurter sur la conduite d'Innocent à l'égard des hérétiques. · Ouverture da concile de Latran.

Sa mort.

M. Hurter a divisé l'histoire d'Innocent III en autant de livres que ce pape a occupé d'années le trône pontifical, c'està-dire 18. Il jette d'abord un regard sur les affaires de Rome, puis il s'éloigne de ce centre pour s'étendre jusqu'à la circonférence du vaste champ embrassé par la sollicitude et l'activité de son héros. Quant aux affaires intérieures, bornons-nous à une réflexion de l'auteur, également applicable à des tems différens, et au règne de plus d'un pape. Les Romains s'étaient empressés avec joie de jurer obéissance et fidélité au nouveau pontife, immédiatement après son élection, et lui, de son côté, respectait leurs droits. Mais une telle concorde n'était pas au gré de ceux qui voulaient profiter de leur pouvoir pour pêcher en eau trouble. Ces hommes commencèrent donc à s'entendre avec le peuple pour l'exciter à réclamer je ne sais quels droits, et lui persuader que le tems était venu de secouer le joug qui l'oppri

Voir le 1 art. dans le n° 94 ci-dessus, p. 278.

⚫ Quod non poterant in aquâ clarâ piscari, cœperunt aquam turbare. Gesta, c. 133.

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mait; couvrant, ainsi que d'autres l'ont fait et le font encore leurs intérêts personnels du voile d'un noble zèle pour le bien public. Ainsi, les papes se virent engagés dans une lutte qui dura pendant plusieurs siècles, contre les grands et le peuple de la capitale et des provinces, et forcés plus d'une fois de chercher leur salut par la fuite dans des contrées étrangères, sans qu'ils cessassent cependant de gouverner l'Eglise universelle avec une autorité partout respectée. C'est que la foi est plus puissante que la force matérielle, et celui à qui obéissent les intelligences conserve jusque dans les fers ses fidèles sujets, et ne cesse pas d'être un souverain vénéré.

Parmi le grand nombre de faits importans, contenus dans le livre III de M. Hurter, qui correspond à l'année 1199, deuxième du règne d'Innocent, nous remarquons sa correspondance avec l'empereur Alexis et Jean, patriarche de Constantinople. Ce dernier s'étonne d'entendre Innocent appeler l'Eglise de Rome l'Eglise universelle, et la mère de toutes les Eglises. L'Eglise de Jérusalem, dit le patriarche, comme >quelques controversistes modernes, est la vraie mère de » toutes les Eglises. » Le Pape répond : « L'Eglise romaine est » l'Eglise universelle, en ce qu'elle représente l'unité de toutes »les Eglises particulières, et qu'elle préside à toutes. L'Eglise » de Jérusalem est appelée la mère de toutes les Eglises, parce » qu'elle a été la première, quant à l'époque de sa fondation; mais l'Eglise romaine mérite ce nom, comme étant la pre»mière en dignité. Ainsi, André fut appelé à l'apostolat avant >> Pierre, et cependant Pierre est le premier et le prince des » Apôtres. »

Si les relations avec l'empereur et le patriarche grec, restèrent alors sans résultats, celles qu'Innocent entretint avec le souverain d'Arménie furent suivies d'un plus heureux succès. Un territoire, correspondant en grande partie à la première et à la seconde Cilicie, appelée aussi Armenia minor, pour la distinguer de l'Armenia major, laquelle s'étendait plus au septentrion, jusqu'à la mer Caspienne, à l'endroit où touchaient les frontières de l'empire Persan et de l'empire Byzantin, formait alors un état indépendant, dont l'origine remontait à l'époque où les empereurs romains envoyaient dans les provinces éloi

gnées des gouverneurs investis de pouvoirs extraordinaires. En admettant que les Apôtres eux-mêmes aient répandu dans ces régions les premières semences du Christianisme, cependant il n’y fut pas solidement établi et embrassé par la majorité des habitans avant Constantin le grand. Saint Grégoire fut l'instrument dont se servit le Seigneur pour cette conquête évan, gélique; le surnom d'Illuminateur, qu'il reçut, lui convient mieux qu'à tant d'autres qui l'usurpent de nos jours, parce que leur scepticisme et leurs vaines subtilités obscurcissent la lumière, plutôt que de la rendre plus brillante. L'erreur d'une seule nature dans le Christ, condamnée dans le 5° siècle par le concile d'Ephèse, fut adoptée par les évêques d'Arménie; et dès lors ils commencèrent à se montrer en dissidence avec l'Eglise universelle, non-seulement par la langue et les cérémonies, mais encore sur le dogme lui-même. Le chef de leur établissement ecclésiastique, appelé Catholicos, avait sous sa juridiction des évêques, des prêtres et des moines, formant un clergé remarquable par la culture des lettres et des sciences. Léon, qui gouvernait l'Arménie au tems d'Innocent, se vit menacé par ses voisins; d'un autre côté, il désirait rétablir dans sa personne l'ancien titre de roi d'Arménie, tombé dans l'oubli. Il ne pouvait atteindre ce but sans le secours du Pape et de l'empereur, ces deux chefs du monde chrétien. C'est pourquoi il résolut de s'attacher à l'empire par les liens les plus étroits. Aussitôt que Henri VI eut été couronné par Conrad, archevêque de Mayence, premier prince spirituel de l'empire, au nom de Dieu, de la sublime Eglise romaine et du grand empire romain, le nouveau roi, ainsi que le Catholicos écrivirent au Pape, en protestant de leur soumission à toutes les lois de l'Eglise romaine, et le saluant « par la grâce de Dieu, évêque suprême et universel, Pape, institué par Jésus-Christ, chef de l'Eglise » romaine, mère de toutes les églises. » Le Catholicos reçut le pallium des mains du cardinal légat Pierre, et promit en retour de cette faveur signalée, de visiter tous les cinq ans, par ses députés, la mère de toutes les Eglises, et d'assister à tous les con

Voir un long article sur l'introduction du Christianisme dans l'Arménie, dans le tome xш, p. 7.

ciles qui se tiendraient outre-mer. Cette bonne intelligence avec l'Arménie ne fut troublée qu'à une époque postérieure à Innocent et aux croisades.

Le troisième livre de l'ouvrage de M. Hurter est terminé par un passage très-important sur la condition des Juifs dispersés dans toute la chrétienté. L'ignorance du véritable état des choses, dans le moyen-âge, le peu de propension pour le pouvoir spirituel, qui se faisait alors sentir partout, et le vain orgueil de notre époque, nous induisent trop facilement à croire que l'arbitraire et l'oppression étaient dans ces tems le caractère général de la vie ecclésiastique et civile. Parmi tant de faits qui pourraient servir à nous désabuser, se distingue une des dispositions d'Innocent même, relative aux Juifs :

Ils sont, suivant ses paroles, des témoins vivans de la vérité chrétienne. Nous devons plaindre l'endurcissement de leurs cœurs qui les empêcha d'écouter la voix des prophètes, de pénétrer le véritable sens de la loi et de reconnaître le Christ; mais ils n'en ont pas moins droit à notre protection. Ainsi, marchant sur les traces de nos prédécesseurs, nous les protégerons par des motifs de charité chrétienne. Si quelqu'un d'entre eux veut embrasser le Christianisme, qu'il ne soit pas maltraité : mais d'un autre côté nous défendons aux chrétiens d'user de violence pour les forcer à se faire baptiser, de les troubler dans leurs fêtes ou de les contraindre au travail que défend leur loi.

Qu'on ne croie pas cependant que le Pape ait voulu effacer la distance qui sépare les Chrétiens, rendus libres, des Juifs rendus esclaves par la mort de Jésus-Christ. Les Chrétiens deyaient se tenir renfermés dans les bornes de la plus rigoureuse. nécessité dans leurs rapports avec les Juifs. Il ne voulait point, par exemple, que les Chrétiens entrassent au service des Juifs, etc. Ces idées justes, élevées, et cependant charitables, contrastent autant avec la conduite des princes et des grands de cette époque, qu'avec les doctrines de la nôtre. Les grands, tantôt irritaient les Juifs avec un excès de cruauté, tantôt les comblaient de faveurs scandaleuses, selon qu'ils en étaient mécontens, ou qu'ils en avaient besoin. Quant à notre siècle, une fausse philosophie, ennemie des religions positives, s'efforce de faire disparaître toute distinction entre les Chrétiens et les Juifs, et voudrait les unir au moyen d'un indifférentisme, qui ferait ou

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