Page images
PDF
EPUB

logue au rang que la France a toujours occupé dans le système politique, bases que les plénipotentiaires des puissances alliées rappellent encore dans leur proposition de ce jour. Enfin quoique le résultat de cette proposition soit d'appliquer à la France seule un principe que les puissances alliées ne parlent point d'adopter pour elles-mêmes, et dont cependant l'application ne peut être juste si elle n'est point réciproque et impartiale, le plénipotentiaire français n'hésiterait pas à s'expliquer sans retard de la manière la plus positive sur cette demande, si chaque sacrifice qui peut être fait et le degré dans lequel il peut l'être ne dépendaient pas nécessairement de l'espèce et du nombre de ceux qui seront demandés, comme la somme des sacrifices dépend aussi nécessairement de celle des compensations; toutes les questions d'une telle négociation sont tellement liées et subordonnées les unes aux autres, qu'on ne peut prendre de parti sur aucune avant de les connaître toutes. Il ne peut être indifférent à celui à qui on demande des sacrifices de savoir au profit de qui il les fait et quel emploi on veut en faire, enfin si, en les faisant, on peut mettre tout de suite un terme aux malheurs de la guerre. Un projet qui développerait les vues des Alliés dans tout leur ensemble remplirait ce but.

« Le plénipotentiaire renouvelle donc de la manière la plus instante la demande que les plénipotentiaires des Cours alliées veuillent bien s'expliquer positivement sur tous les points précités. »

Après avoir pris lecture de ce qui vient d'être inséré au protocole de la part de M. le plénipotentiaire de France, les plénipotentiaires des Cours alliées déclarent qu'ils prennent sa réponse ad referendum.

Châtillon-sur-Seine, le 7 février 1814.

Signé: Caulincourt, duc de Vicence; le comte de Stadion,
Aberdeen, Humboldt; le comte de Razoumowski.
Cathcart, Charles Stewart.

[blocks in formation]

Note des Plénipotentiaires alliés au duc de Vicence.

Châtillon-sur-Seine, le 9 février 1814.

Les soussignés, plénipotentiaires des Cours alliées, viennent de recevoir de S. Ex. M. le plénipotentiaire de Russie une communication portant: Que S. M. l'empereur de Russie ayant jugé à propos de se concerter avec les Souverains, ses Alliés, sur l'objet des conférences de Châtillon, Sa Majesté a donné ordre à son plénipotentiaire de déclarer qu'elle dé

[ocr errors]

sire que les conférences soient suspendues jusqu'à ce qu'elle lui ait fait parvenir des instructions ultérieures. »

Les soussignés ont l'honneur d'en donner part à M. le plénipotentiaire de France, en prévenant que les conférences ne peuvent rester que pour le moment suspendues. Ils s'empresseront d'informer M. le plénipotentiaire du moment où ils seront mis à même d'en reprendre le cours. Les soussignés ont l'honneur de présenter en même temps à Son Excellence l'assurance de leur haute considération.

Signé: C. A. Razoumowski, Cathcart; comte de Stadion,
Humboldt; Aberdeen, Charles Stewart.

Février

ÉPHÉMÉRIDES.

Proclamation du duc d'Angoulême, de

9. Prise d'Avesnes par Winzengerode.

10. Bataille de Champaubert.

11. Bataille de Montmirail.

Saint-Jean-de-Luz.

14. Bataille de Vauchamp.

Protocole de la séance du 17 février 1814.

Les séances ayant été suspendues, d'après une note des plénipotentiaires des Cours alliées en date du 9, ont été reprises aujourd'hui 17 février.

Les plénipotentiaires des Cours alliées commencent la conférence par consigner au protocole ce qui suit :

Le plénipotentiaire de France a fait précéder sa déclaration renfermée dans le protocole du 7 de ce mois, d'un préambule dans lequel il fait des rapprochements entre les déclarations antérieures et les propositions actuelles des Cours alliées. Il leur serait aisé de répondre à ces rapprochements, ainsi qu'aux autres réflexions contenues dans ce préambule, et de prouver que la marche politique de leurs Cours, dans les transactions actuelles, a été constamment à la fois dirigée par l'intention ferme et inébranlable de rétablir un juste équilibre en Europe, et adaptée aux événements amenés par des opérations de leurs armées; mais comme une pareille discussion serait entièrement étrangère au but de la négociation dont les plénipotentiaires des Cours alliées se feraient scrupule de s'écarter; comme elle ferait dégénérer les protocoles de leurs conférences en véritables notes verbales; et comme ils sont fermement résolus de ne point se laisser détourner, pour quoique ce fût, de la marche simple qu'ils ont annoncée dès le commencement, ils se bornent à déclarer, de la manière la plus positive, qu'ils disconviennent entièrement de ce qui est énoncé dans le préambule de ladite

déclaration du plénipotentiaire de France, et ils passent ensuite immédiatement à l'objet principal.

Le plénipotentiaire autrichien prend à cet effet la parole au nom de ses collègues, et dit :

Qu'à la suite de la séance du 7 du mois, le plénipotentiaire français avait, dans une lettre adressée le 9 au prince de Metternich, annoncé l'intention de demander aux plénipotentiaires des Cours alliées, si la France consentant, ainsi que ceux-ci l'ont demandé, à rentrer dans ses anciennes limites, obtiendra immédiatement un armistice: que, si par un tel sacrifice un armistice peut être sur-le-champ obtenu, il serait prêt à le faire; que de plus, il serait prêt, dans cette supposition, à remettre sur-le-champ une partie des places que ce sacrifice devrait faire perdre à la France;

Que le ministre des affaires étrangères de S. M. l'empereur d'Autriche, ayant porté cette ouverture à la connaissance des Cours alliées, celles-ci ont autorisé leurs plénipotentiaires aux conférences à déclarer :

Qu'elles estiment qu'un traité préliminaire qui serait fondé sur le principe énoncé ci-dessus, et qui aurait pour suite immédiate la cessation des hostilités sur terre et sur mer, en mettant par là un terme également prompt aux maux de la guerre, atteindrait mieux et plus convenablement qu'un armistice, au but généralement désiré; et que, pour abréger davantage la négociation, les Cours alliées ont transmis à leurs plénipotentiaires le projet d'un traité préliminaire dont il allait être donné lecture.

Le plénipotentiaire français observe qu'en faisant au prince de Metternich la demande confidentielle qui lui a été adressée pour un armistice, il était loin de s'attendre que les séances seraient inopinément suspendues, et la négociation interrompue pendant neuf jours, ce qui avait changé l'état de la question et l'objet qu'il se proposait; que des préliminaires, exigeant une discussion plus ou moins longue, n'arrêtaient pas au moment même, comme un armistice, l'effusion du sang.

Le plénipotentiaire autrichien lit ensuite le projet de traité préliminaire suivant :

Projet d'un traité préliminaire entre les Hautes Puissances Alliées et la France.

Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité.

LL. MM. II. d'Autriche et de Russie, S. M. le roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, et S. M. le roi de Prusse, agissant au nom de tous leurs alliés, d'une part, et S. M. l'empereur des Fran

çais de l'autre, désirant cimenter le repos et le bien-être futur de l'Europe, par une paix solide et durable sur terre et sur mer, et ayant, pour atteindre à ce but salutaire, leurs plénipotentiaires actuellement réunis à Châtillon-sur-Seine, pour discuter les conditions de cette paix, lesdits plénipotentiaires sont convenus des articles suivants :

Art. I. Il y aura paix et amnistie entre LL. MM. II. d'Autriche et de Russie, S. M. le roi du Rroyaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, et S. M. le roi de Prusse, agissant en même temps au nom de tous leurs alliés, et S. M. l'empereur des Français, leurs héritiers et successeurs à perpétuité.

Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à apporter tous leurs soins à maintenir, pour le bonheur futur de l'Europe, la bonne harmonie si heureusement rétablie entre elles.

Art. II. S. M. l'Empereur des Français renonce, pour lui et ses successeurs, à la totalité des acquisitions, réunions ou incorporations de territoire faites par la France depuis le commencement de la guerre de 1792.

Sa Majesté renonce également à toute l'influence constitutionnelle directe ou indirecte hors des anciennes limites de la France, telles qu'elles se trouvaient établies avant la guerre de 1792, et aux titres qui en dérivent, et nommément à ceux de roi d'Italie, roi de Rome, protecteur de la confédération du Rhin, et médiateur de la Confédération suisse.

Art. III. Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent formellement et solennellement le principe de la souveraineté et indépendance de tous les États de l'Europe, tels qu'ils seront constitués à la paix définitive.

Art. IV. S. M. l'Empereur des Français reconnaît formellement la reconstruction suivante des pays limitrophes de la France:

1° L'Allemagne composée d'Etats indépendants unis par un lien fédératif ;

2o L'Italie divisée en États indépendants, placés entre les possessions autrichiennes en Italie et la France;

3o La Hollande sous la souveraineté de la maison d'Orange, avec un accroissement de territoire.

4° La Suisse, État libre, indépendant, replacé dans ses anciennes limites, sous la garantie de toutes les grandes puissances, la France y comprise.

5o L'Espagne sous la domination de Ferdinand VII, dans ses anciennes limites.

S. M. l'Empereur des Français reconnaît de plus le droit des Puissances alliées de déterminer, d'après les Traités existants entre les Puissances, les limites et rapports tant de pays cédés par la France

que de leurs États entre eux, sans que la France puisse aucunement y intervenir.

Art. V. Par contre, S. M. Britannique consent à restituer à la France, à l'exception des îles nommées les Saintes, toutes les conquêtes qui ont été faites par elle sur la France, pendant la guerre, et qui se trouvent à ' présent au pouvoir de S. M. Britannique, dans les Indes orientales, en Afrique et en Amérique.

L'ile de Tabago, conformément à l'article II du présent Traité, restera à la Grande-Bretagne, et les Alliés promettent d'employer leurs bons offices pour engager LL. MM. Suédoise et Portugaise à ne point mettre d'obstacle à la restitutiou de la Guadeloupe et de Cayenne à la France.

Tous les établissements et toutes les factoreries conquises sur la France, à l'est du cap de Bonne-Espérance, à l'exception des îles Maurice (île de France), de Bourbon et de leurs dépendances, lui seront restituées. La France ne rentrera dans ceux des susdits établissements et factoreries qui sont situés dans le continent des Indes et dans les limites des possessions britanniques, que sous la condition qu'elle les possédera uniquement à titre d'établissements commerciaux ; et elle promet en conséquence de n'y point entretenir de garnisons ni forces militaires quelconques au delà de ce qui est nécessaire pour maintenir la police dans lesdits établissements.

Les restitutions ci-dessus mentionnées en Asie, en Afrique et en Amérique, ne s'étendront à aucune possession qui n'était point effectivement au pouvoir de la France avant le commencement de la guerre de 1792.

Le Gouvernement français s'engage à prohiber l'importation des esclaves dans toutes les colonies et possessions restituées par le présent Traité, et à défendre à ses sujets, de la manière la plus efficace, le trafic des nègres en général.

L'île de Malte, avec ses dépendances, restera en pleine souveraineté à S. M. Britannique.

Art. VI. S. M. l'Empereur des Français remettra, aussitôt après la ratification du présent Traité préliminaire, les forteresses et forts des pays cédés, et ceux qui sont encore occupés par ses troupes en Allemagne, sans exception, et notamment la place de Mayence dans six jours; celles de Hambourg, Anvers, Berg-op-Zoom, dans l'espace de six jours; Mantoue, Palma-Nuova, Venise et Peschiera, les places de l'Oder et de l'Elbe, dans quinze jours, et les autres places et forts dans le plus court délai possible, qui ne pourra excéder celui de quinze jours. Ces places et forts seront remis dans l'état où ils se trouvent présentement, avec toute leur artillerie, munitions de guerre et de bouche, archives, etc.; les garnisons françaises de ces places sortiront avec armes et bagages, et avec leurs propriétés particulières.

« PreviousContinue »