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La jurisprudence a été fréquemment appelée à se prononcer sur des difficultés survenues entre les romanciers et les directeurs de journaux. Toutes les solutions sont, généralement, des questions d'espèce (1).

un privilège sur les clichés pour opérer le tirage d'un livre, mais il a le droit de faire vendre, jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû, le papier imprimé ou non, et d'en retenir le prix. En tous cas, il aurait aussi le droit de revendiquer sur les feuilles imprimées le privilège de l'article 2102 du Code civil,pour frais faits pour la conservation de la chose.

Bazille et Constant, p .112. Lyon, 25 mars 1871. Cpr. Tribunal de la Seine,15 novembre 1836, 16 novembre et 7 janvier 1879. Paris, 24 avril 1827.

(1) Le rédacteur en chef d'un journal, chargé par les administrateurs d'assurer la composition, a qualité pour traiter avec l'auteur d'un roman pour la publication en feuilleton, et l'engagement contracté oblige l'administration nouvelle Paris. 12 avril 1867. V. suprà, no 150.

Le directeur d'un journal qui traite avec un auteur pour la publication d'un roman moyennant le paiement d'un prix fixé d'après le nombre des lignes, est tenu de payer le roman entier, bien que le journal ait cessé de paraître au cours de la publication. Trib. de commerce de la Seine, 23 février 1886.

Le romancier qui s'est engagé à fournir à un journal, pour y être publié en feuilleton, un roman inédit et qui lui a garanti la publication exclusive dudit roman, comprenant toutes les phases de la vie de son héros principal ne peut publier dans un autre journal les scènes dernières et le dénouement dudit romanfeuilleton, dû tout entier au premier journal. En interrompant un roman en cours de publication pour le porter à un autre journal ayant une clientèle analogue, l'auteur cause au premier journal un préjudice dont il doit réparation.

Trib. de comm. de la Seine (7° chambre) 5 août 1895.

Le fait, par l'auteur d'un roman, de concéder à un autre journal uniquement le droit de faire paraitre son œuvre, sans aliéner la propriéte de l'œuvre pendant la durée de sa publication, et sans accepter de stipulation prohibitive au sujet de la publication en langue étrangère, ne donne pas au journal le droit de réclamer à l'auteur des dommages-intérêts à raison de la publication simultanée du roman dans divers journaux en langue étrangère.

La traduction et la publication faites dans ces conditions ne peuvent revêtir le caractère d'une concurrence à l'encontre du livre traduit,les journaux en langue étrangère ne pouvant être lus que par une clientèle spéciale et d'ailleurs aucune comparaison ne pouvant s'établir entre l'œuvre que des idiomes divers s'assimilent chacun avec son génie propre, au texte même donné par l'écrivain et qui représente seul sa création personnelle, la forme littéraire donnée à sa pensée. Trib. de commerce de la Seine, 5 août 1895.

Un auteur, qui a cédé à un éditeur le droit de publier un roman par livraisons, ne peut céder à un journal le droit de le publier en feuilleton.

Trib. de la Seine, 4 mai 1882. Cpr. Paris, 9 mars 1867.

Bien que, devant les juges du premier degré, le débat se soit trouvé limité à une question de dommages-intérêts demandés par l'auteur d'un roman à un journal pour refus de publication, l'intervenant devant la Cour, qui se trouverait lésé par cette publication a le droit de demander non seulement que la publication n'ait pas lieu dans le journal visé et en cause, mais encore dans tout autre journal, ou même en volume. Paris (4o ch.), 2 décembre 1897.

Le traité que passe directement un propriétaire de journal avec l'auteur d'une œuvre inédite, membre de la Société des Gens de Lettres et n'ayant pas interdit la reproduction de ses œuvres,ne lui confère qu'un premier droit de production à l'exclusion de tout droit de reproduction, exercice de ce dernier droit étant apporté

Quoique un roman-feuilleton soit une œuvre littéraire spéciale, paraissant sous une forme déterminée, on ne peut le qualifier d'article de journal et dire qu'on est libre de le reproduire (1).

L'autorisation donnée par l'auteur au directeur d'un journal de reproduire ses œuvres littéraires et scientifiques ne s'applique qu'à la reproduction une seule fois faite dans un fascicule du journal, sans qu'il soit licite de le réimprimer à l'avenir, surtout si défense est faite audit directeur de clicher la partie de son journal consacrée à la reproduction.

«

Par suite il échet de décider qu'un tirage ultérieur n'est pas une reproduction, mais doit être qualifié de véritable édition », laquelle étant faite au mépris du traité, constitue la contrefaçon prévue et punie par la loi des 19 et 24 juin 1793.

Si la Société des Gens de lettres est seule en droit, en vertu de ses statuts, d'autoriser la reproduction des œuvres de ses sociétaires qui ont aliéné ce droit entre ses mains et peut, par suite, transiger à raison du clichage et de la réimpression d'œuvres déjà reproduites, cette transaction n'est pas opposable aux éditeurs qui ont conservé le droit de s'opposer à l'édition illicite des œuvres dont ils sont propriétaires (2). Nous répétons qu'un directeur de journal, auquel un manuscrit est remis ne peut pratiquer de coupures (3).

à la Société des Gens de Lettres par tous ses membres pour être exploité en

commun.

Et la publication, dans un journal, de l'œuvre inédite, épuise le droit de première production que l'éditeur tient de l'auteur, de telle sorte que la publication simultanée de cette œuvre, dans d'autres journaux dépendant de la même entreprise avec la même composition, constitue une reproduction donnant lieu à la perception de la redevance par la Société des Gens de Lettres.

Trib. com. Seine, 9 juillet 1899.

(1) Soldan, p. 34. Ernest Bal. Ann. de droit commercial, 1890. p. 87.

Voir aussi Journal de droit international privé, 1893, p. 349 et ss; p. 519. Contrà d'Orelli, le, Droit d'auteur, 1889, p. 13.

Il est d'usage, généralement, pour les romanciers qui ont traité avec des journaux, de leur fournir, au jour le jour, les pages du roman, écrites ainsi, au fur et à mesure.

Il est raisonnable d'admettre que la publication d'une œuvre dans un journal est subordonnée à l'examen du manuscrit, bien que des sommes d'argent aient été avancées à l'auteur. En effet, on n'a pu examiner d'avance un roman dont les feuillets sont successivement remis.

Paris, 5 décembre 1856. Ann. 1857, p. 247.

(2) Paris, 22 novembre 1899

(3) Procès de Sardou, contre le Gil Blas, à propos de scènes de la Tosca publiées avant la représentation et de Guy de Maupassant contre le Figaro pour la publication de la préface de Pierre et Jean.

CHAPITRE TROISIÈME

DE LA POURSUITE DES CONTREFACTEURS

173. Les articles 425 à 429 du Code pénal relatifs à la contrefaçon doivent recevoir une interprétation extensive.

L'article 425 s'applique à tous les modes de publication et de mise au jour de l'œuvre qui constitue la propriété privative de son auteur. Les modes de contrefaçon, tels qu'ils résultent de la jurisprudence, sont des plus variés (1).

(1) Toute édition d'écrits, de dessins et de peinture, etc. Cette énumération des moyens de reproduction dans l'article est plutôt démonstrative que limitative. Chauveau-Hélie, t. VI, p. 50.

La contrefaçon littéraire et artistique, réprimée par le décret du 19 juillet 1793 et par les articles 425 et suivants du Code pénal, reste régie par les règles du droit commun: dès lors, la confiscation ne peut, en cette matière où elle a conservé le caractère de peine, être prononcée que par le tribunal de police correctionnelle et le tribunal civil est incompétent pour statuer sur une semblable

mesure.

Sur la question de confiscation en matière de contrefaçon littéraire ou artistique C., 5 juin 1847, 29 décembre 1882. Trib. de la Seine (1 ch.), 14 décembre 1899. Voir décret 19-24 juillet 1793, article 3. Décret du 5 février 1810, articles 41 à 47; Code pénal, articles 425, 427, 429 et pour les ouvrages étrangers. V. Décret du 28 mars 1852, articles 1 à 4. Cpr. C. 20 mars 1852.

Il y a contrefaçon :

Dans le fait de réunir, sous le titre usurpé d'un ouvrage, des emprunts ou plagiats à ce même ouvrage, lesquels, considérés isolément, n'auraient pas le caractère de la contrefaçon. Orléans, 10 juillet 1854.

Dans une analyse sommaire et raisonnée d'un système emprunté à un ouvrage et insérée sans autorisation dans un autre ouvrage, si cette analyse constitue un plagiat de nature à nuire au débit de l'œuvre analysée. Il en serait autrement si cette analyse avait pour but unique de faire apprécier le caractère de cette œuvre. Dans une traduction non autorisée. Rouen, 7 novembre 1845.

Dans la transcription en notes ordinaires de musique, de morceaux écrits en chiffres par la méthode Galin-Paris-Chevé, lorsqu'elle est faite sans autorisation C. 11 juillet 1862.

Dans la reproduction d'un portrait photographié, avec des modifications accessoires insignifiantes, C. 28 novembre 1862.

Dans la réimpression d'ouvrages tombés dans le domaine public, si elle est

L'imprimeur est, en général, complice de la contrefaçon parce qu'il ne peut guère ignorer la nature délictueuse de l'œuvre qu'il compose, qu'il fabrique, et qu'il a, au surplus, le devoirde s'assurer du caractère véritable de cette œuvre (1).

La contrefaçon se produit dans tous les lieux où le journal arrive. Le tribunal du lieu où le journal a été adressé par la poste et distribué est donc compétent (2).

Le tribunal de commerce est compétent entre commerçants, à l'occasion de faits de leur commerce, pour connaître d'une question de propriété littéraire et artistique.

faite avec les remaniements ou augmentations qui en ont fait des ouvrages nouveaux. C., 2 février 1845.

Dans la reproduction d'une compilation faite avec des éléments du domaine public, lorsque leur agencement dénote une conception, un labeur, une création par l'ordre, le plan ou le choix des matières. Colmar, 17 août 1858. Tel serait un catalogue de musée, si le classement des objets, les appréciations dont il est accompagné constituent une œuvre de l'esprit. Bordeaux, 24 août 1863.

Dans la reproduction :

Des rôles d'un ouvrage dramatique. Paris, 29 juin 1827.

De sermons prononcés en chaire. Lyon, 17 juillet 1845.
Des leçons d'un professeur. Paris, 18 juin 1840.

Il y a également contrefaçon :

A prendre le titre d'un ouvrage, à en suivre le plan, à lui emprunter des phrases entières. C., 26 novembre 1853.

A faire l'abrégé d'un livre en conservant son titre, son plan, en supprimant seulement des détails inutiles, les longueurs. Chauveau-Hélie, T. VI, p. 37.

Toute lettre confidentielle, nous le répétons, contient virtuellement, à défaut d'expressions contraires, la condition qu'elle ne pourra être publiée sans le consentement. V, no 164.

Les tribunaux sont souverains, en fait, pour décider si les objets prétendus contrefaits constituent une propriété en faveur de leur auteur ou s'ils ne sont pas au contraire tombés dans le domaine public. Cass., 1er août 1850.

1) Paris, 24 décembre 1859. C. 29 décembre 1882.

En cas d'emprunts faits par un critique, l'imprimeur doit supposer qu'il y a accord entre le critique et les auteurs reproduits, surtout lorsque la source des emprunts et les auteurs des passages copiés sont indiqués. Il est donc, alors, de bonne foi.

De simples colporteurs, crieurs, vendeurs du journal ou de la brochure contenant des citations abusives ne peuvent être considérés comme complice de la contrefaçon commise par le critique. Douai, 26 juin 1883. Trib. corr. de la Seine, 22 août 1860.

(2) Paris, 20 août 1841, Blanc, p. 202.

Si l'administration du journal est constituée en société anonyme, il faudra s'adresser à la personne du directeur et des administrateurs ès-qualités.

Si la société est en nom collectif ce sera à la personne des associés responsables qu'il faudra notifier l'assignation.

Paris, 8 novembre 1869, 25 mars 1889, Ann. 1892, p. 167. Contrà. Pouillet, no 677, qui cite des décisions dans son sens.

La mauvaise foi est un élément essentiel du délit de contrefaçon. Il faut donc qu'elle soit constatée par le juge (1).

Nous avons dit plus haut qu'indépemdamment de la poursuite proprement dite en contrefaçon, l'action civile de l'article 1382 est ouverte s'il y échet.

(1) Il ne saurait y avoir délit de contrefaçon sans mauvaise foi ou intention de nuire. Colmar, 17 août 1857, C. 13 janvier 1866 et jurisprudence constante.

La bonne foi ne se présume pas en matière de contrefaçon mais bien que la preuve en soit à la charge du prévenu, les juges peuvent néanmoins l'admettre par des motifs déduits de l'appréciation des faits. Cass., 24 mai 1855.

Si l'on prouve que l'inculpé connaissait le droit de l'auteur, on prouve, ainsi, la mauvaise foi, mais d'un autre côté, toutes les fois que le prévenu se sera trouvé induit en erreur d'une manière indubitable, sa bonne foi sera admise. Pouillet, n° 481.

L'absence de la mention « reproduction interdite », après un article de journal, peut être invoquée, pour démontrer la bonne foi, c'est-à-dire la croyance que l'article était tombé dans le domaine public.

Trib. de paix d'Abbeville, 25 mai 1888, c'est là une question d'espèce.

En annonçant la mise en vente d'objets contrefaits, on favorise l'écoulement de l'édition frauduleuse : il semblerait donc naturel de frapper le coupable des mêmes peines que s'il s'agissait d'une mise en vente effective. Toutefois, la jurisprudence se prononce en sens contraire. Cette jurisprudence est rationnelle, car la loi ne punit, en principe, que les faits matériels et l'annonce indique seulement l'intention de commettre un acte mauvais.

C.. 2 décembre 1808. Paris, 1er avril 1867. Pouillet, no 603. Toutefois le tiers intéressé peut demander des dommages, mais la responsabilité du publicateur est purement civile.

Ce n'est que par exception, que la loi assimile à la mise en vente l'annonce de certains produits, tels, par exemple, les remèdes secrets. V. infrà, no 179-4.

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