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Notre loi du 29 juillet 1881, par son article 61, se place sous l'empire du droit commun du Code d'instruction criminelle, art. 407 et 416 (1).

(1) Voici les articles 407 et 416: Article 407 « Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort, en matière criminelle, correctionnelle ou de police, ainsi que l'instruction et les poursuites qui les auront précédés, pourront être annulés, dans les cas suivants et sur des recours dirigés d'après les distinctions qui vont être établies >>.

Article 416 « Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction, ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, ne sera ouvert qu'après l'arrêt ou jugement définitif ; l'exécution volontaire de tels arrêts ou jugements préparatoires ne pourra en aucun cas être opposée comme fin de nonrecevoir. La présente disposition ne s'applique point aux arrêts ou jugements rendus sur la compétence ».

CHAPITRE PREMIER

CONTRE QUELLES DÉCISIONS ET AU PROFIT DE QUI EST OUVERT LE RECOURS

137. Decisions contre lesquelles le pourroi peut être formé. Le pourvoi, conformément aux art. 407 et 416 du Code d'instruction (1), est ouvert contre les décisions rendues en dernier ressort, savoir, contre : 1° tous les arrêts de renvoi de la chambre des mises en accusation, art. 296 (2); 2o tous les arrêts rendus par les Cours d'assises, article 408 (3)

(1) Le pourvoi n'est admissible que lorsqu'il n'existe aucun moyen légal de recours; ainsi sera non recevable le pourvoi contre une décision soit par défaut et attaquable par opposition, soit susceptible d'appel. Cependant après l'expiration des délais d'opposition, le pourvoi est recevable.

On ne peut se pourvoir en cassation contre la décision, qui n'est que la conséquence naturelle et nécessaire d'une première décision passée en force de chose jugée.

(2) Nous avons étudié le mécanisme des chambres d'accusation et indiqué de quelle manière le réquisitoire introductif, la qualification peuvent être critiqués, V. suprà, p. 443 et ss. V. aussi no 56, sur le pourvoi contre l'arrêt de la Chambre des mises en accusation. V. suprà, p. 452 et ss. les notes.

La Cour de cassation a le contrôle des qualifications des chambres d'accusation réglant soit la nature du délit, soit la compétence. Cpr. C. 18 mars 1843, 24 avril 1851, 10 mars 1865.

De même, après les décisions définitives (art. 408 et suiv. du Code d'instruction criminelle), elle est en droit de reviser, d'après les faits reconnus constants, les decisions soit sur la compétence, soit sur les qualifications, etc., et aussi de prononcer l'annulation, si à l'audience il y a eu violation des formes substantielles prescrites par la loi.

(3) Le pourvoi peut attaquer toutes les irrégularités commises dans les affaires sur citation directe.

L'inculpé peut se pourvoir contre l'arrêt de la Cour d'assises qui contrairement à ses conclusions s'est déclarée incompétente. C. 16 novembre 1892.

L'incompétence des juges saisis, de quelque nature qu'elle soit peut être proposée pour la première fois devant la Cour de cassation. Il n'y a pas à distinguer l'incompétence ratione materiæ, ou ratione loci ou ratione persone. C., 26 août 1825, 5 mai 1832, 7 août 1851, 14 février 1868. Mais s'il y a eu arrêt de renvoi et si l'accusé ne l'a pas attaqué dans les délais, il ne peut proposer l'incompétence de la Cour d'assises. C., 4 décembre 1823. 7 mai 1852, etc.

Mais le pourvoi est toujours ouvert contre les décisions de Cours d'assises qui

30 les arrêts des Cours d'appel (1); 4° les jugements des tribunaux correctionnels, sur appel de décision de simple police; 5o les jugements de simple police, en dernier ressort; 6° les décisions incidentes, en dernier ressort, lorsqu'elles sont ou interlocutoires, définitives, ou quant aux décisions qui ont trait à la compétence.

Il n'y a donc pas de recours en cassation, contre les ordonnances des juges d'instruction (la chambre d'accusation est seule compétente pour les réviser), ni contre les jugements susceptibles d'appel ou d'opposition.

De ceux qui peuvent se pourvoir. L'inculpé jouit du bénéfice de l'article 407. Tels sont les droits accordés au prévenu, au point de vue du recours en cassation.

attireraient à elles, des pouvoirs réservés à leur président ou au jury. Nouguier, Cour d'assises, no 4052.

(1) En matière criminelle les juridictions étant d'ordre public, le moyen fondé sur une exception d'incompétence ratione materiæ peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, lorsque le ministère public avait saisi la Cour d'appel d'un appel a minima: C., 5 décembre 1891. Dans ce cas, la Cour doit vérifier sa propre compétence. Et si le fait qui lui est déféré constitue un crime, elle doit se déclarer incompétente. A défaut par elle de ne s'être pas conformée à cette règle, le prévenu est recevable à soulever l'exception pour la première fois devant la Cour de cassation: C., 14 février 1868, 15 juillet 1881, 18 septembre 1884, 22 octobre 1886, 28 juillet 1887.

La situation ne serait plus la même, si au lieu d'être saisie par un appel a minima, la Cour était saisie par le seul appel du prévenu. Dans ce cas, il est de jurisprudence que le demandeur en cassation condamné pour un délit ne peut se prévaloir devant la Cour de cassation de ce que le fait dont il a été reconnu coupable constituerait un crime, alors que seul appelant, il n'a pas présenté cette exception d'incompétence devant la Cour d'appel : C., 28 juin 1895. Le principe que les juridictions sont d'ordre public est alors primé par cet autre principe que le sort d'un prévenu ne peut être aggravé par son seul appel. Par suite la Cour d'appel ne peut d'office vérifier sa propre compétence et déclarer que les faits dont elle est saisie sont du ressort de la juridiction criminelle.

D'ailleurs, exception faite pour le cas où la Cour n'est saisie que par le seul appel d'un prévenu, le principe que les juridictions sont d'ordre public reste entier et la violation de ce principe peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. Cette règle est applicable en matière civile, comme en matière criminelle : C. (ch. civ), 20 décembre 1893.

Toutefois, le moyen d'ordre public résultant d'une exception d'incompétence ratione materia ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, si le fait qui devait lui servir de base n'a pas été vérifié et ne ressort pas des constatations de la décision attaquée: C. (ch. req.,5 juillet 1886, 26 juillet 1900. V. p. 518.

Quant aux qualifications et à la citation. V.no 56 et suprà p. 51 et ss.

Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure devant les tribunaux correctionnels ou Cours d'appel, ne peuvent être invoqués pour la première fois devant la Cour de cassation.

Malgré le silence de l'article 61, le ministère public est, également, fondé à exercer le recours dans certains cas(1).

Quant à la partie civile, elle peut exercer le recours quant à ses intérêts civils, mais, comme au cas d'acquittement ou d'absolution de l'inculpé, l'article 412 du Code d'instruction s'oppose à l'annulation de la décision en matière criminelle, il s'ensuit que l'action publique, d'une part, se trouve éteinte, et que, d'autre part, l'article 46 de la loi de presse s'oppose à toute action civile séparée. Le pourvoi est donc irrecevable (2). Mais, en dehors de ce cas, la partie civile peut se pourvoir, comme le prévenu lui-même.

Au correctionnel les articles 216 et 413 du Code d'instruction règlent ses droits (3).

Modification au droit commun. L'article 61 modifie sous certains rapports les articles 420 et suivants du Code d'instruction criminelle.

Le prévenu et la partie civile sont dispensés de consigner l'amende.

(1) « Le droit de se pourvoir en cassation, a dit M. Lisbonne, ne pouvait pas être accordé au ministère public; ç'aurait été déroger aux règles du droit commun au préjudice de la liberté »,

Le rapporteur a, par inadvertance, commis là une inexactitude. En effet, en droit commun, le ministère public à le droit de se pourvoir, dans plusieurs cas, contre les décisions qu'il a intérêt à faire casser. Ce droit lui reste, malgré le silence de l'article 61.

V. articles 441, 442 du Code d'instruction criminelle, Cpr. C., 22 août 1839, 27 novembre 1867, 28 août 1873, etc. Ortolan, t. II, no 2378. Garraud, p. 841, etc., etc. Ainsi, il a été jugé : que notre article 61 n'a pas dérogé au droit commun qui, par les articles 373 et 408 du C. d'instruction, reconnait au ministère public le droit de se pourvoir contre les arrêts de la Cour d'appel en matière correctionnelle, contre les arrêts de la chambre des mises en accusation et aussi contre ceux de la Cour d'assises pour fausse application de la loi. L'article 61 ne doit être entendu que dans le sens du principe établi par l'art. 409 du Code d'instruction, qui refuse au ministère public le droit de se pourvoir contre les décisions d'acquittement du prévenu déclaré non coupable par le Jury. Par suite, est recevable en matière de presse le pourvoi, formé par le Procureur général, contre un arrêt de la chambre des mises en accusation. Il en est de même de son pourvoi contre un arrêt de la Cour d'assises, admettant l'exception péremptoire de prescription et déclarant l'action publique éteinte : il ne s'agit pas ici, en effet, d'une décision d'acquittement ni d'un arrêt d'absolution. C. 5 janvier 1883, 15 mars 1883. Cpr., Faustin, Hélie, Instr. criminelle, tome VIII, no 306.

Au contraire, en matière correctionnelle ou de simple police, le ministère public a le droit de se pourvoir en vertu des articles 413 et 416 contre toutes les décisions rendues en dernier ressort, même d'acquittement ou d'absolution.

(2) La disposition finale de l'article 412 du Code d'instruction criminelle n'est pas compatible avec la loi de presse. C., 5 janvier 1883, 15 mars 1883, 25 mars 1892. (3) Toutefois, d'après la règle générale, la partie civile, si elle est dénuée d'intérêt, n'est pas recevable à se pourvoir. Cpr. C. 27 juillet 1889.

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De même, par dérogation à l'article 421, le condamné est dispensé de l'obligation de se mettre en état (1).

Du pourvoi contre les arrêts incidents. Comme nous avons étudié sous les notes qui précèdent, les pourvois contre les arrêts de diverse nature, nous n'avons plus à nous occuper que des décisions préparatoires ou d'instruction et des décisions interlocutoires ou sur la compétence, ou des décisions qui sont définitives.

Ceci présente un très vif intérêt, parce que le prévenu ou le ministère public ou la partie civile, trouvent dans le pourvoi un moyen dilatoire qui empêche la juridiction (qui a rendu la décision) de statuer. Il est très important de distinguer les décisions préparatoires ou d'instruction des décisions soit interlocutoires ou sur la compétence, soit définitives.

Le pourvoi n'est ouvert pour les jugements ou arrêts préparatoires ou d'instruction qu'après l'arrêt ou le jugement définitif (2). Mais si l'on est

(1) Voici ce qu'a dit à ce sujet M. Lisbonne : « Il est certains cas où le pourvoi en cassation est subordonné, pour être recevable, à la mise en état du prévenu. Il est également nécessaire, hors le cas d'indigence constatée, de consigner l'amende qui est de 150 francs. La mise en état du prévenu, nous a paru exceptionnellement rigoureuse, d'autant mieux que les tribunaux ont la faculté discrétionnaire d'en dispenser. Quant à l'amende, c'est une sorte de cautionnement. Nous avons supprimé l'une et l'autre de ces mesures. Il y avait d'autant moins lieu d'hésiter, quant à la seconde, que la même dispense existe en fait de pourvoi contre les décisions du jury en matière d'expropriation pour utilité publique. Précisons bien que ce n'est que dans les cas prévus par la loi du 29 juillet 1881 qu'il y a dispense de consignation de l'amende. En conséquence, le demandeur en cassation de l'arrêt qui le condamne en vertu de la loi du 2 août 1882 pour publication d'un imprimé outrageant pour les bonnes mœurs est tenu, sous peine d'irrecevabilité de son recours, de consigner préalablement l'amende édictée par l'article 420 du Code d'instruction criminelle. C., 21 juin 1884.

La dispense de mise en état ne profite pas au condamné pour crime, dans le cas de l'article 232 du Code d'instruction, ni au contumace, article 476.

(2) C., 16 juillet 1887. Sont préparatoires ou d'instruction, les décisions : Qui refusent d'accorder à l'inculpé la remise de l'affaire, de surseoir, ou d'ajourner, jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué, sur le pourvoi formé contre un arrêt rendu dans l'affaire; C., 15 avril et 9 septembre 1852, 16 avril 1863.

Qui prononcent la jonction ou la disjonction des poursuites; C., 22 janvier 1825, 3 juin 1826. Bourges, 6 avril 1882. 12 novembre 1880.

Qui, sur la demande de l'inculpé, tendant à la nullité de divers actes de procédure ou d'instruction, joignent l'incident au fond, tous moyens réservés; C., 14 juillet 1859, 23 novembre 1865, 16 novembre 1866.

Qui ordonnent une audition de témoins (dans le cas où la loi ne la prohibe pas), une expertise, une vérification: pourvu que le fond ne soit pas préjugé ; Qui déclarent qu'il sera passé outre nonobstant une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime. C., 12 janvier 1804. A moins que la Cour de cassation ne soit saisie. Cpr. C., 10 février 1832.

Qui, sur le refus d'un journaliste d'insérer une rectification touchant une con

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