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CHAPITRE DEUXIÈME

FAUSSES NOUVELLES DE DROIT COMMUN

A côté de la fausse nouvelle prévue par l'article 27 de la loi de presse, il y en a d'autres qui font l'objet de dispositions de lois spéciales ou d'articles du Code pénal.

243.

Citons d'abord la loi du 24 juillet 1867, article 15. Nous avons déjà étudié cet article (1).

244.

Décret du 2 février 1852.

Puis l'article 40 du décret du

2 février 1852, qui réprime la fausse nouvelle émise soit pour surprendre, détourner les suffrages, déterminer l'abstention d'un ou de plusieurs électeurs, soit à influencer l'exercice du suffrage universel (2).

245. Ensuite les articles 419, 420 du Code pénal. Ils visent les nouvelles fausses, les bruits calomnieux ou les manoeuvres frauduleuses tendant, à opérer la hausse ou la baisse des fonds publics et marchandises.

Ces articles sont encore en vigueur. Cela résulte du rapport de

(1) V. no 179, 3o supra, p. 149 et ss.

(2) L'article 40 est ainsi conçu :

« Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1.000 fr. à 2.000 fr. »

La condamnation entraînera l'incapacité électorale.

Il ne suffit pas, pour caractériser le délit prévu par l'article 40 du décret du 2 février 1852 que l'on rencontre dans le fait incriminé les deux éléments: fausse nouvelle et détournement de suffrages, il faut, en outre, que l'auteur de la fausse nouvelle ait été de mauvaise foi. Rennes, 30 janvier 1899.

M. Lisbonne, de la discussion et d'ailleurs d'une disposition catégorique (1).

En voici le texte :

ARTICLE 419 DU CODE PÉNAL.

Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-mêmes, par réunion ou coalition entre les principaux détenteurs d'une même marchandise ou denrée, tendant à ne pas la vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix, ou qui, par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse des prix des denrées ou marchandises, ou des papiers et effets publics au-dessus et au-dessous des prix qu'auraient déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, et d'une amende de 500 à 10 000 francs. Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.

ARTICLE 420.

La peine sera d'un emprisonnement de deux mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de 1.000 à 2.000 francs, si ces manœuvres ont été pratiquées sur grains, grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin ou toute autre boisson.

(1) Il est certain que des articles de journaux pourront constituer l'infraction de l'article 419. M. Pelletan a dit au Sénat : « N'y a-t-il aucun danger aux fausses nouvelles? Il y a un danger, vous l'avez reconnu ; vous voulez même punir les journalistes pour ce délit : la baisse et la hausse des fonds publics. D'après ce que j'ai pu entendre à cette tribune, vous ne voulez pas abolir l'article du Code pénal qui punit les fausses nouvelles qui auront agité les fonds publics et les auront fait hausser ou baisser arbitrairement. Vous y renvoyez les journalistes, et vous dites que, nécessairement, ils feront hausser ou baisser les fonds publics qu'alors vous reprendrez sous cette forme le délit de fausses nouvelles et que vous enverrez en police correctionnelle le journaliste, précisément pour avoir fait baisser ou hausser les fonds, Mais il y a des dangers bien plus grands. »

La mise en surveillance qui pourra être prononcée sera de cinq ans au moins et de dix ans au plus.

La loi punit ici la nouvelle fausse (faits faux ou calomnieux) qui a déterminé une hausse ou une baisse sur les marchandises ou les effets publics (1).

Les articles 419, 420 ont leur source dans les lois révolutionnaires auxquelles ils empruntent, d'une part, la prohibition de ces conventions par lesquelles les commerçants fixent, en commun, le prix de leur industrie et de leurs travaux, d'autre part, la proscription de ces spéculations qui, en resserrant dans quelques mains une même marchan. dise, tendent à en exagérer le prix.

Le législateur a voulu atteindre aussi l'accaparement et l'agiotage (2). La libre concurrence a une limite.

L'article 419 est général et s'applique ainsi bien aux intérêts privés qu'aux intérêts généraux.

Le mot marchandises est pris dans un sens générique et comprend, non seulement, les choses qui se mesurent, se pèsent ou se comptent, mais encore les contrats d'assurance de transport et de message

ries (3).

Par denrées, il entend tout ce qui sert à la nourriture et à l'entretien des hommes et des animaux (4).

Enfin, l'article parle de papiers et effets publics. On a essayé, vainement, en présence, de termes aussi nets, de faire rentrer les actions,

1) Il faut que cette hausse ou cette baisse se soient réalisées et aient suivi les moyens frauduleux. Rapport de M. Lepelletier. D. P., 79, 1. 346.

C., 29 mai 1840, 9 avril 1863. Cpr. C., 1er février 1834.

Il faut une relation directe de cause à effet, entre la nouvelle et la hausse ou la baisse. Paris, 27 décembre 1884, 28 février 1888. Cpr. C., 29 mai 1840, 9 avril 1863, 14 juillet 1854.

(2) V. Lois du 14 juin 1791, art. 4; du 26 juillet 1793, du 13 fructidor an III. art. 1er à 5.

Mirabeau, Dénonciation de l'agiotage, 1787, in-8° Massé, Dr. commercial t. II, n° 942. Buchère, Traité des opérations de bourse. no 215. Proudhon, Manuel du spéculateur, p. 4.

Indépendamment des faux bruits, des suroffres, des coalitions employés pour provoquer la hausse ou la baisse, la loi atteint tous autres moyens frauduleux quelconques.

(3) C.; 1er février 1834, 16 mai 1845, 26 juin 1850, 3 février 1855.

L'article 419 s'applique aux bouchers, fabricants, détenteurs principaux de mêmes denrées qui se coalisent. Larombière, Des obligations, art. 1133, no 21. Laurent, t. XVI, no 142.

C., 31 août 1838. 29 mars 1840, 3 juillet 1841. 13 janvier 1879, 11 février 1879. Cpr. C. 10 avril 1863.

(4) C,, 19 avril 1834.

obligations des sociétés, lettres de change, dans le terme de marchandises. La jurisprudence de la Cour de cassation a condamné cette façon d'éluder le texte, et cette assimilation arbitraire (1).

Mais, à notre avis, il est regrettable qu'une loi n'intervienne pas contre les syndicats financiers qui choisissent leur heure pour jeter sur le marché, les titres des sociétés industrielles ou financières qu'ils ont en leur possession. Il sera, il est vrai, souvent difficile de saisir de tels syndicats, parce qu'ils sont formés d'une façon occulte ou qu'ils se confondent avec les fondateurs des sociétés, mais le brigandage que certains syndicats exercent, avec une partie de la féodalité financière, ne saurait être toléré. Les complaisances bien rémunérées de beaucoup d'établissements de crédit sont coupables. Il en est de même des campagnes de journaux.

Notre article 419 atteint la fausse nouvelle, aussi bien quand il est question d'intérêts privés, que lorsqu'il s'agit des intérêts généraux (2).

246. Citons encore la loi du 3 février 1893 relative au retrait des fonds des caisses publiques.

L'article 1er est ainsi conçu :

« Sera puni des peines prévues par l'article 420 du Code pénal (2 mois au moins, 2 ans au plus et d'une amende de 1.000 à 20.000 fr.) quiconque par des faits faux ou calomnieux, semés à dessein dans le public ou par des voies ou moyens frauduleux quelconques, aura provoqué ou tenté de provoquer des retraits des fonds de caisses publiques ou des établissements obligés par la loi à effectuer leurs versements dans les caisses publiques ».

ARTICLE 2.

« L'article 463 du Code pénal est applicable aux délits prévus et punis par la présente loi ».

(1) C., 30 juillet 1885. Contrà, Paris, 19 mai 1883, Lechopie. Crise financière, les agioteurs. V. pour la publicité financière, suprà, no 176. V. no 179.

V. Proposition de loi déposée à la Chambre, séance du 5 juin 1882. Cette proposition adoptée par la Chambre a été repoussée au Sénat et la Chambre des députés au rapport de M. Peulevey. Mais ce rejet n'a eu lieu que parce qu'on con. sidérait que l'arrêt de Paris du 19 mai 1883 était juridique et interprètait bien l'article 419. Cet arrêt est, au contraire, resté isolé. C., 30 juillet 1885 et sur renvoi, Orléans, 9 février 1886, Grenoble, 15 juillet 1886. S. 86, 2, 241.

(2) On a jugé que tombait sous le coup de notre article celui qui alléguait publiquement avoir vendu un sac de grain plus cher qn'il ne l'avait vendu réellement

M. Léon Bourgeois, Garde des Sceaux, a précisé qu'il s'agissait d'un délit de droit commun: « Si le but de ceux qui ont écrit les articles de « journaux ou de ceux qui les ont dictés est véritablement de troubler le « crédit public par le retrait en masse des fonds de caisses d'épargne, << dans ce cas, alors même que le seul fait incriminé serait un article de « journal, il ne saurait y avoir de doute (1) ».

Dans le cas où la fausse nouvelle qui aurait été lancée par un journal ou un tiers, dans le but spécial de porter atteinte au crédit public, dans le sens de la loi de 1893, aurait troublé la paix publique, c'est la loi sur la presse qui pourrait devenir applicable, si le ministère public le voulait. Ce seraient alors la compétence et la procédure de la loi de presse (2).

Comme la loi du 3 février 1893 ne parle pas de provocation directe, les juges appréciant souverainement, peuvent faire rentrer dans les prévisions de l'article, les fausses nouvelles, les manœuvres, etc., etc. Si aucune de ces conditions ne se trouve exister, le fait ne peut donner lieu qu'à des réparations devant la juridiction civile de la part des établissements lésés (3).

247. nouvelles.

Ce sont :

Il existe également d'autres textes relatifs aux fausses

a) La loi du 19 mars 1889 quant aux annonces sur la voie publique, examinée ci-dessus (4).

b) Les articles 414, 415 du Code pénal concernant les fausses nouvelles, les menaces, les manoeuvres frauduleuses, les atteintes à la liberté du travail (5).

c) L'article 405 du même Code en matière d'escroquerie, dont la jurisprudence fait de si nombreuses applications (6).

avec le dessein de faire hausser cette marchandise, ce qui s'était réalisé. C., 17 janvier 1818.

(1) V. n° 53, t. I, p. 199 note 2.

La loi du 20 juillet 1895, qui avait ordonné une révision des comptes des caisses d'épargne et prescrit qu'avant le 1er janvier 1901 tout livret dépassant 1500 fr. fût ramené à ce chiffre, a pu, grâce à la loi du 3 février 1833 être exécutée sans encombre. A un moment donné la masse des livrets passibles d'une réduction obligatoire, a atteint 1200 millions, si un affolement s'était produit, tout pouvait être perdu.

(2) Mais il est évident qne le ministère public préférera se servir de la loi de 1893.

(3) Amiens, 23 juin 1893.

(4) V. n 47.

(5) V. no 373 leur explication. Cpr. no 215.

(6) V. no 47 et 179, no 3.

TOME 11

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