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CHAPITRE TROISIÈME

RÉVÉLATION DE NOUVELLES VRAIES. VIOLATION DU SECRET

PROFESSIONNEL

248. A côté des nouvelles fausses, des nouvelles même vraies peuvent être punissables, non seulement, aux cas de diffamations (1), d'offenses, d'outrages (2), mais aussi lorsqu'il s'agit de révélation de secret professionnel (article 378 du Code pénal).

Dans ce dernier cas, ce délit est un délit de droit commun, justiciable de la police correctionnelle.

ARTICLE 378 DU CODE PÉNAL.

« Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et autres personnes dépositaires par état ou profession des secrets qu'on leur confie, qui hors le cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d'un mois à six mois et d'une amende de 100 à 500 francs ».

Cette disposition est générale et absolue. Elle punit toute révélation du secret professionnel, sans qu'il soit nécessaire d'établir à la charge du révélateur l'intention de nuire. Cela résulte, tant des termes de la prohibition, que de l'esprit dans lequel elle a été conçue (3).

«L'article 378, dans son texte, ne vise expressément ni la fraude ni aucune intention méchante ou de nuire. Il se borne à imposer pure

(1) Nos 282 et ss.

(2) Nos 270 à 272, 265, 334.

(3) Nos 51, 52. C,. 13 octobre 1885.

ment et simplement sous les peines qu'il édicte, l'obligation du secret professionnel ».

« Cet élément spécial de l'intention de nuire ne résulte pas, davantage, de la nature de la divulgation. Tout au contraire. La loi a imposé aux personnes dépositaires de faits confidentiels, à raison de leur profession, l'obligation du secret comme un devoir étroit de leur état ; et elle a entendu donner à cette obligation une sanction pénale. Elle a considéré la transgression du devoir professionnel en lui-même et indépendamment du mobile qui l'a fait violer, ou du préjudice qui a pu être causé; elle a voulu, dans un intérêt d'ordre public et de moralité supérieure, assurer d'une manière inébranlable la confiance qui s'impose dans l'exercice de certaines professions et garantir le repos des familles qui ont été amenées à révéler leurs secrets, par suite de cette confiance nécessaire. >>

Ce but de sécurité et de protection pour les familles aurait été bien mal atteint, si l'art. 378 se bornait à réprimer les révélations inspirées par la malveillance, et si elle laissait impunies celles qui seraient le résultat de simples indiscrétions ou qui auraient été dictées par l'intérêt personnel ou par tout autre mobile. Ce sont surtout les révélations qui sont à redouter; et il semble difficile d'admettre que le législateur, en exigeant l'intention de nuire comme élément du délit, ait précisément laissé en dehors de sa prohibition, le cas qui y rentrait le plus naturellement et qui devait, plus particulièrement, appeler son attention (1).

(1) C., 18 décembre 1885. Il s'agissait d'une lettre, adressée par le docteur Watelet, au journal le Matin, qui l'avait insérée, lettre dans laquelle le docteur révélait les causes de la mort de Bastien-Lepage. C., 10 mai 1900, etc., etc.

«On objecte que l'art. 378 est placé sous la rubrique des calomnies, injures,rėvėlations de secrets et figure ainsi à côté de délits qui, d'après votre jurisprudence même, exigent, d'une manière spéciale, l'intention de nuire. Mais si la révélation de secrets se rapproche sous quelques rapports de la calomnie, et si le législateur a été amené à les réunir ainsi sous une même rubrique, il ne suit pas de là que les éléments légaux de ces délits doivent être identiques. L'auteur de l'exposé des motifs de l'art. 378, pour définir le caractère et le but de cet article, parle bien de la causticité, des révélations indirectes, des anecdotes scandaleuses; mais il place en première ligne, l'indiscrétion d'autrui, c'est-à-dire la révélation qui n'est qu'indiscrète. Ne doit-on pas considérer comme un délit grave, des révélations qui souvent ne tendent à rien moins qu'à compromettre la réputation de la personne dont le secret est trahi, à détruire en elle une confiance devenue plus nuisible qu'utile, à déterminer ceux qui se trouvent dans la même situation à mieux aimer être victimes de leur silence que de l'indiscrétion d'autrui, enfin à ne rencontrer que des traîtres dans ceux dont l'état semble ne devoir offrir que des êtres bienfaisants et consolateurs ?.. Combien ne voit-on pas de personnes dépositaires de secrets dus à leur état, sacrifier leur devoir à la causticité... ali

Par secret, notre article 378, entend tout fait quelconque, qu'il soit nuisible on non (1).

Les faits secrets de leur nature tombent sous l'application de l'article 378; mais la divulgation, plus ou moins complète, qui viendrait à en être faite, par d'autres voies, au public, relèverait-elle le médecin, l'avocat, de l'obligation du secret ? Nous avons peine à l'admettre.

<< Et d'abord, que sera le genre de notoriété qui fournira cette excuse au médecin ? De simples bruits dans le public ou quelques nouvelles de presse suffiront-ils ? Faudra-t-il que tous les récits s'accordent ? Et si les faits sont contestés ou présentés au public d'une manière différente, devront-ils être encore considérés comme suffisamment divulgués ?

«Il serait bien difficile, dans ce système, de préciser le caractère que devrait avoir la notoriété des faits pour affranchir le révélateur des peines portées par l'art. 378. Mais cette notoriété, quels qu'en soient le caractère et le degré, ne saurait, semble-t-il, avoir cet effet. Quelle qu'elle soit, le témoignage du dépositaire du secret viendra toujours y ajouter quelque chose. Il transformera toujours en un fait certain et avéré ce qui n'avait été jusqu'alors qu'un fait, peut-être divulgué, mais livré à la controverse (2). »

menter la malignité par des révélations indiscrètes, des anecdotes scandaleuses, etc.., » Rapport de M. Tanon sous l'arrêt précité.

Il semble bien résulter de là que le législateur ne fait aucune distinction entre les révélations, selon l'intention qui les a dictées, et cette pensée est aussi conforme au texte même de l'article qui n'affranchit le révélateur de la sanction pénale qu'il édicte, qu'en un cas, celui où la loi l'oblige à se porter dénonciateur. V. en ce sens : Blanche, t. V, no 550; Rauter, t. II, no 503; Muteau, du Secret professionnel, p. 2 et suiv. (Locré, t. XXX, p. 494).

(1) En imposant à certaines personnes, sous une sanction pénale, l'obligation du secret, comme un devoir de leur état, le législateur a entendu assurer la confiance qui s'impose dans l'exercice de certaines professions, et garantir le repos des familles qui peuvent être amenées à révéler leurs secrets par suite de cette confiance nécessaire; et ce but de sécurité et de protection ne serait pas atteint si la loi se bornait à réprimer les révélations dues à la malveillance, en laissant toutes les autres impunies. Le délit existe dès que la révélation a été faite avec connaissance, indépendamment de toute intention spéciale de nuire.

(2)« La révélation du secret professionnel, outre qu'elle constitue un manquement à un devoir étroit, ne sera jamais indifférente, même dans le cas où le fait aurait été l'objet, non pas simplement de bruits, de nouvelles, de commentaires dans le public ou les journaux, mais d'une divulgation en quelque sorte officielle. Est-ce qu'un avocat pourra, après la condamnation de son client qui aura protesté jusqu'au bout de son innocence, révéler l'aveu qu'il lui aurait fait de sa culpabilité? Est-ce qu'après les débats en séparation de corps qui auraient révélé une maladie honteuse chez l'un des époux, le médecin serait autorisé à confirmer ce fait dans le public, par le poids d'un témoignage qu'on n'aurait pas reçu en justice? Il semble qu'en principe, la notoriété du fait, quel qu'en soit le carac

Peu importe même que la divulgation soit faite dans l'intérêt de la personne visée ou dans l'intérêt personnel du révélateur (1).

L'article 378 s'applique, non seulement aux médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes y dénommés, mais encore à toutes autres personnes, dépositaires par état ou profession, des secrets qu'on leur confie (2).

Et l'obligation du secret implique pour ceux qui y sont soumis, en vertu de l'article 378 du Code pénal, l'interdiction de révéler, même lorsqu'ils sont appelés à déposer en qualité de témoins, les secrets dont ils sont devenus dépositaires à raison de leur état ou de leur profession, et la justice ne peut demander un élément de preuve à une déposition faite en violation du secret professionnel.

Toutefois, il ne faut pas exagérer ce principe.

Tout témoin doit déposer sur les faits qui sont à sa connaissance et dont la preuve est recherchée par la justice, sauf dans le cas où le secret professionnel s'impose au témoin. Mais l'obligation de secret professionnel ne saurait être invoquée lorsqu'il s'agit non pas d'un secret, mais du fait matériel d'un dépôt portant sur des valeurs soupçonnées de former le corps d'un délit (3).

tère, ne puisse relever le médecin, l'avocat, du secret professionnel. Cpr. n° 205. Le médecin ou la sage-femme, qui doivent déclarer la naissance d'un enfant, dans les termes des articles 56 et 57. C. civ. et 346 C. pén., ne sont cependant pas tenus de faire connaitre le nom de la mère à l'officier de l'état civil: Cass. 16 septembre 1843 (S. 43. 1. 915); 1er juin 1844 (S. 44.1.670); 1er août 1845.

(1) C., 19 décembre 1885.

(2) Les directeurs et employés des administrations hospitalières doivent garder le secret sur les malades qu'ils reçoivent. C., 16 mars 1893. Les ministres du culte confesseurs. C., 20 janvier 1826, 4 décembre 1891; les avocats, C., 18 juin 1835, 24 mai 1862; les avoués: C., 11 mai 1844, 6 janvier 1855; les agents de change les greffiers assermentés; les notaires; C., 6 janvier 1855, 18 août 1882, rentrent dans les prévisions de notre article.

(3) C., 15 février 1901. Et, spécialement, un avoué peut, s'il a réellement reçu un semblable dépôt, le déclarer et en faire la remise au magistrat, sans dire de quelle personne et dans quelle circonstance il l'a reçu. (Même arrêt).

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