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Non. Il suffira que les propos outrageants soient tenus.

A la différence de ce qui a lieu pour les diffamations contre les personnes qualifiées, mais comme pour les injures, la preuve des imputations n'est jamais admissible en matière d'outrages justiciables des tribunaux correctionnels. Il n'y a donc pas à surseoir (1).

La plainte préalable de la personne outragée n'est pas nécessaire pour l'exercice de l'action publique (2).

La prescription des délits de presse est de trois mois (Loi de 1881, art. 65); elle est de trois ans pour les outrages (art. 638, Code d'Instruction).

L'outrage a lieu, d'ordinaire, en présence de la personne offensée, à la différence de la diffamation, de l'injure, par voie de presse ou par écrit (3). Cependant nous verrons plus loin que la présence peut être suppléée par la connaissance.

La doctrine et la jurisprudence sont d'accord pour proclamer que l'excès de pouvoir ou l'irrégularité commis, ne peuvent être considérés comme une cause justificative des outrages adressés à un fonctionnaire ou à un agent, dont la qualité n'est ni méconnue ni contestée, et qui accomplit un acte de sa charge (4). Les articles 222 et suivants

(1) Grellet-Dumazeau, t. I, no 348, t. II, no 660. Bourguignon, sur l'article 222. Legraverend, t. II, p. 375, C., 27 juin 1811, 9 mai 1850, 3 août 1850. Nancy, 21 mars 1876.

Il en est autrement en Hollande (article 271 du Code Pénal). D'après cet article, << il n'existe ni outrage, ni écrit outrageant pour autant que l'auteur a agi manifestement (Klaarblijkelijk heeft gehandeld) dans l'intérêt général ou pour une défense nécessaire ».

Mais la preuve doit être admise au point de vue de savoir si l'outrage et les faits imputés se rattachent ou non à la fonction. C., 31 janvier 1877.

(2) Faustin Hélie, t. III, p. 116. C., 2 février 1827, 7 septembre 1849, 19 janvier, 1850, 30 décembre 1858. 5 juin 1890,

(3) Merlin, Quest., vo Injures. Legraverend, t. II, p. 344. De Grattier, t. II, p.69 no 13. Bories et Bonassies, no 65, 66. Carnot, sur l'article 222. Bourguignon, idem. Chassan, t. I, p. 452. C.... 9 février 1809, 5 septembre 1812, 26 mars 1843. Cpr. C., 23 frimaire an XIV, 10 juillet 1808. 28 mars 1813.

(4) Il en doit être surtout ainsi, quand il agit dans la limite des ordres donnés par son supérieur hiérarchique. Toute théorie contraire aurait pour conséquence de laisser les citoyens libres de se soumettre ou de s'opposer aux actes des agents de l'autorité, selon qu'ils les jugeraient plus ou moins légaux. Ce serait une perpétuelle menace à la paix publique et un encouragement au désordre.

Ainsi jugé que l'outrage envers un huissier est punissable lorsqu'il lui est adressé au moment où il procède au récollement des meubles saisis, encore bien que cette opération soit nulle comme faite un jour de dimanche sans la permission du juge.

C., 20 février 1830. De Grattier, t, I, p. 210 note 2. Chassan, t. 1, p. 461, note 1. Cpr., aussi C,, 12 juin 1834.

On ne peut davantage excuser l'outrage, en prétendant que l'agent ou le fonc

sont donc applicables, bien que les magistrats, fonctionnaires ou - agents, ne soient pas revêtus de leurs costume, uniforme ou insignes, . lorsqu'il est certain que l'offenseur connaissait la qualité de son interlocuteur.

La provocation ne peut pas davantage être invoquée comme cause justificative. Il n'y a là qu'une circonstance atténuante (1).

En matière de diffamation ou d'injures prévues par la loi du 29 juillet 1881, la publicité exigée doit être réalisée par l'un des moyens énoncés dans l'article 23. Au contraire, la publicité qui n'est pas d'ailleurs toujours nécessaire en matière d'outrages (art. 222 et suiv. du Code pénal) — est plus large, et peut résulter de circonstances qui ne suffi raient pas d'après la loi de la presse.

L'article 11 de la loi du 27 juillet 1849 interdisant le compte rendu des procès pour outrages est abrogé par l'article 68 de la loi sur la presse, mais, comme le compte rendu des procès en diffamation et en injure ou la preuve est prohibée est interdit, il s'ensuit qu'il en est de même, pour les affaires d'outrage (2).

Le défaut de précision des faits ne peut entraîner la nullité de la citation en matière correctionnelle, qu'autant qu'il porte atteinte à la défense du prévenu. Il en est différemment, nous le savons, au cas de presse.

Lorsqu'une poursuite pour outrage contre un fonctionnaire a été écartée, il n'appartient pas au tribunal de changer d'office la qualifi

tionnaire public n'auraient pas, avant leur entrée en fonctions, rempli les formalités prescrites par la loi (notamment défaut de serment).

Merlin, Répertoire, vo Injure, § 2. no 9 bis. Chauveau et Hélie, t. III, n° 836. Blanche, t. IV, no 93. Chassan, t. I, no 567. De Grattier, t. II, p. 70.

C., 26 juin 1851, 5 janvier 1856, 5 avril 1860, 12 juillet 1883. Grenoble, 8 mai 1874.

Ces principes ne cessent d'être applicables qu'au cas où l'acte serait d'une illėgalité telle, qu'il ne pourrait être considéré comme accompli pour l'exécution des lois ou des ordres de l'autorité. Il y aurait alors illégalité flagrante.

Bourguignon, sur l'article 222. Blanche, t. IV, nos 41, 81, 99, 120, 133. Chauveau et Hélie, t. III, nos 942 et suiv. Villey, Droit criminel, 2o édition, p. 86 et 87.

C., 21 prairial an X, 1er avril 1813, 22 août 1840, 29 mai 1855, 22 août 1867. Paris, 20 janvier 1882.

(1) Tribunal d'Orthez, 27 février 1891. Cpr. C., 12 janvier 1884. C., 28 août 1841, 19 août 1842. 4 janvier 1862. 18 octobre 1894.

Cpr. article 65 du Code pénal. V. Blanche, t. IV, no 121. De Grattier, t. I, p. 191, n 9.

La rétractation même immédiate de l'outrage et les regrets exprimés n'ont d'influence que pour atténuer.

Ortolan, t. II, no 1716,

(2) V. tome I, p. 51.

cation pour y substituer la diffamation ou l'injure publiques contre un particulier (1).

Les tribunaux sont souverains pour apprécier si les outrages ont été adressés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, et, dans ce dernier cas, s'ils sont reçus personnellement, non plus comme fonctionnaire, mais comme particulier (2).

(1) V. suprà, article 60, t. I p. 508 et ss.

Lorsque la citation introductive d'instance devant la juridiction correctionnelle contient les éléments d'un délit d'outrage, réprimé par l'article 224 du Code pénal, cette juridiction est compétente pour statuer, alors même qu'il est reconnu par le Tribunal que les faits ont été inexactement qualifiés par la citation et qu'ils constituent seulement une contravention d'injures simples. La compétence du Tribunal correctionnel existe, alors même qu'elle aurait été déclinée par le prévenu, s'il résulte de la décision que le caractère légal des faits n'a été établi que par l'instruction faite à l'audience.

(2) C., 23 mars 1848, 27 août 1858, 11 novembre 1858, 30 décembre 1858, 6 août 1875.

Sous chacun des articles 222 à 225 du sions judiciaires relatives aux actes qui tions.

Code pénal, on trouvera d'autres déciconstituent ou non l'exercice des fonc

CHAPITRE DEUXIÈME.

SUITE DES ARTICLES 222 § 1er et 223 DU CODE PÉNAL.

§ 1er.

Examen spécial de l'article 222, § 1er du Code pénal.

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de l'outrage. Le sens et la portée de cet article sont nettement précisés dans un remarquable arrêt de la Cour de cassation (1). Il prévoit et punit, nous l'avons dit:

1. Les outrages par paroles, publics ou non publics, adressés à des magistrats ou à des jurés, dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de cet exercice (2) ;

2o Les outrages par écrits, dessins, non publics, adressés à des magistrats ou à des jurés, à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions (3);

3o Les outrages par paroles commis envers les magistrats ou les jurés à l'audience. V. infrà no 347.

L'article 222 § 1er du Code pénal réprime les outrages tendant à inculper l'honneur ou la délicatesse du magistrat » auquel ils sont adressés.

La Cour suprême a eu, bien des fois, à déterminer le sens de ces expressions, et elle considère comme rentrant dans les termes de notre

(1) C., 20 mars 1875. Chauveau et Hélie, t, III, p. 110.

(2) Cpr. Chauveau et Hélie, t. III, no 970. Favard, Répertoire, v0 Injures, § 2, no 10. Parant, p. 135. Chassan, t. I, no 513. De Grattier, t. II, p. 56.

La publicité peut résulter de toute espèce de moyens (L'article 23 de la loi de Presse ne s'applique pas ici). V. le chapitre qui précède page 511.

(3) Blanche, t. IV, no 84. V. le chapitre qui précède page 513.

Cpr. C., 23 novembre 1871, 15 mars 1875, 20 mars 1875,24 juillet 1875.

Par écrits, la loi entend : les manuscrits et les imprimés, quels qu'ils soient.

Ainsi jugé pour un exploit d'huissier à un préfet, C,, 10 août 1883, pour un acte de récusation. C., 1er avril 1887. etc.

Les dessins comprennent les emblèmes, gravures, photographies, lithographies, etc.

article: Toute expression de mépris, de nature à diminuer le respect des citoyens pour l'autorité morale du fonctionnaire, et pour le caractère dont il est revêtu, et tendant, dès lors, à inculper son honneur et sa délicatesse. On le voit, la définition est très large (1).

A plus forte raison en est-il ainsi, pour les articles 224, 225 du Code pénal. Il n'est pas nécessaire que le propos tenu soit accompagné d'invective, d'injure ou d'expression outrageante.

Etant donnée la définition si large de l'outrage, telle qu'elle résulte de la jurisprudence, nous nous bornerons à citer en note un certain nombre d'espèces (2).

(1) C., 6 septembre 1850, 22 février, 8 mars, 17 mars 1851, 3 août 1854, 25 juin 1855, 22 août 1878. Contrà, Chassan, t. I, no 565. Chauveau et Hélie. t. III, no 969. Morin, v Outrages et violences, no 6. Carnot, s/ l'article 222, no 10. Nicias Gaillard article dans la Revue critique de jurisprudence, t. I, p. 262.

Ces auteurs enseignent qu'il ne suffit pas que le propos soit outrageant ou injurieux; il doit encore inculper l'honneur et la délicatesse.

(2) Ainsi le fait d'un reporter de journal de parler à un juré d'une affaire qui va être jugée, de façon à laisser entendre que ce juré est susceptible de manquer gravement à son devoir. C., 8 mai 1891. V. Paris, 24 novembre 1891. Cpr. C., 8 mai 1856, 28 avril 1867.

De même pour les expressions :

Je vous emmer... C., 6 septembre 1850, 8 mars 1851, 17 mars 1851. Ce jugement mérite d'être encadré. C.. 3 août 1854 (S. V., 54, 1, 745); 25 juin 1855. Vous êtes une canaille, C., 19 janvier 1850, 22 février 1851. Vous êtes condamné d'avance, et il est inutile de vous défendre. C., 13 avril 1853, 29 juin 1883. Jamais il n'y a eu un jugement plus mal rendu. C.. 28 mars 1856. C'est par inadvertance et une légèreté singulières que vous (Préfet) avez pris cet arrêté. C., 10 août 1883. Vous êtes un polisson. C., 13 mars 1823, 29 juin 1883. A bas le maire ! Nous ne voulons pas de lui. Vive l'adjoint! C., 22 décembre 1814. Vous êtes un maire indigne de vos fonctions. C.. 10 mai 1845.

Le procureur de la République a envenimé cette affaire, dans un but de vengeance personnelle. C., 20 décembre 1867. Vous en avez menti, vous êtes un gredin. C., 8 décembre 1849. Vous en avez été réduit comme maire à vous adjoindre un Vinay (homme taré). C., 10 mai 1845. La justice est relative. Vous êtes un juge <<< travaillé »> « gagé ».

Je me moque de vous (à un maire), bientôt vous ne pourrez aller pisser sans mon autorisation. C., 22 août 1878. Vous n'êtes pas à la hauteur de votre dignité (dit à un maire). C., 23 août 1844. Je ne vous reconnais pas comme maire; je ne reconnais comme maire que M..., et nous verrons. Grenoble, 8 mai 1874 (P., 74, 1021).

Je me moque du préfet et de ses arrêtés; il est payé, et moi je ne le suis pas. C., 27 mai 1876,

Vous devriez être honteux d'avoir choisi un tel expert; vous êtes plus porté pour un garde que pour un propriétaire.

Vous oubliez la loi et commandez à vos justiciables de la mettre de côté, pour suivre vos ordres; vous créez des procès et vous faites de l'oppression. C., 10 août 1867. Vous n'avez gagné votre procès qu'en faisant des cadeaux aux magistrats. C., 17 août 1865. Vous avez été violent, persécuteur et animé d'un esprit jaloux, dans les actes de votre administration municipale. C., 23 mars 1860.

Vous êtes venu dans mon habitation avec la gendarmerie pour violer mon domicile; je ne me serais pas abaissé à vous faire appeler. C,, 7 novembre 1856. Pour

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