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CHAPITRE DEUXIÈME

EXAMEN DES ARTICLES 10, 11 DU CODE DE
PROCÉDURE CIVILE

348. Ces articles contiennent en faveur des juges de paix, une protection spéciale, qui existe concurremment avec celle des articles 504, 505 du Code d'instruction criminelle, et 90 du Code de procédure civile (1).

Mais les articles 10 et 11 ne s'appliquent qu'aux parties en cause (2). L'individu qui, cité devant le juge de paix, insiste à l'audience pour que son affaire soit retenue, est une partie en cause.

Les avocats ou avoués, lorsqu'ils plaident leur propre cause, ne doivent être considérés que comme parties (3).

Si les actes de trouble, de tumulte, etc., étaient reprochables à des assistants, ce serait l'article 504 qu'il faudrait invoquer (4).

Le juge de paix, si les parties enfreignent le respect qui est dû à la justice, peut condamner à une amende de 10 francs au maximum, avec affichage du jugement, en autant d'exemplaires qu'il existe de communes dans le canton (5).

(1) V. nos 99 et 100.

(2) C., 24 mai 1862.

La doctrine contraire aboutirait contre le vœu du législateur, à l'impunité des actes d'irrévérence que le droit commun ne réprime pas et qu'un plaideur prudent aurait réservés pour le moment où le rôle vient d'être épuisé. Le moyen de nullité pris de la violation des droits de la défense, en ce que la parole n'aurait pas été donnée à l'inculpé, devant le juge du premier degré, pour s'exprimer et se défendre ne peut être reproduit devant la Cour de cassation s'il n'a été proposé aux juges d'appel. C., 14 janvier 1898.

(3) C., 1er mars 1877. 29 juin 1877. Cpr. Metz, 21 mai 1820.

Mais au cas où la condamnation est prononcée pour fautes commises à l'audience, V. C., 23 avril 1850.

(4) Faustin-Hélie, no 2380. Berriat St-Prix: Trib. de police, no 155.

(5) C., (ch. réun.), 25 juin 1855.

Le juge de paix ne peut prononcer les peines édictées par les articles. 10, 11, qu'autant que les faits se passent à l'audience (1).

Il doit entendre l'inculpé, à défaut de quoi la condamnation manquerait de base légale (2).

Dans le cas d'insulte ou d'irrévérence grave, le juge de paix dresse procès-verbal et peut condamner à un emprisonnement de trois jours au plus (3).

Ces jugements sont, en tous cas, exécutoires par provision, ce qui ôte tout intérêt pratique à l'appel.

Bien entendu, si les insultes ou irrévérences ont le caractère d'un outrage, d'injures, s'il y a des voies de fait, le juge de paix, par application des articles 181 et 505 du Code d'instruction criminelle, pourra, même en audience civile, infliger des peines correctionnelles en se basant sur les articles 222 et autres du Code pénal (4).

Le procès-verbal dressé par le juge, pour constater les irrévérences ne peut être, quant à la matérialité des faits, débattu par la preuve contraire. Il fait foi jusqu'à inscription de faux (5).

En cas d'annulation, par la Cour de cassation (6), d'un jugement d'un juge de paix, qui a statué séance tenante, sur un délit commis à son

(1) Carré, Q: 50. Bioche, v° Juge de Paix. no 171. Carré C., ann., article 11, n° I, V. cependant Chauveau Q: 50.

Lorsque des paroles irrévérencieuses, prononcées par l'inculpé à l'égard du juge de police, se rattachent de la manière la plus directe au jugement qui vient d'être prononcé et n'en ont point été séparées par un laps de temps appréciable, elles peuvent régulièrement être considérées comme prononcées, l'audience tenant

encore.

(2) Trib. corr. de Bordeaux, 7 août 1868. Cpr., C. 20 juin 1855.
(3) C., 29 juin 1877. V. Locré, t. XXI, p. 44. Cpr. C., 20 juin 1855.

(4) C., 3 août 1854, 25 juin 1855. C., 14 décembre 1889. La Loi sur la Presse ne peut paralyser la répression. C., 4 mai 1888.

(5) C., 29 juin 1877. Trib. d'Avallon, 11 novembre 1884. Gazette du Palais, du 26 février 1885.

(6) Le juge de paix, jugeant au civil, qui fait application à une partie des articles 10 et 11 du Code de procédure civile, pour réprimer l'irrévérence grave que cette partie a commise envers lui, fait office de juge de simple police et prononce une condamnation pénale à raison d'une contravention: sa décision infligeant une peine d'emprisonnement ou une amende excédant cinq francs est susceptible d'appel, aux termes de l'article 172 du Code d'instruction criminelle, devant le Tribunal correctionnel.C. 3 novembre 1899.

C'est à tort qu'on reprocherait, dans l'espèce, au Tribunal correctionnel de ne point avoir statué sur des conclusions d'incompétence, si son jugement déclare que la partie condamnée par le juge de paix, à une peine d'emprisonnement, avait le droit de se pourvoir en appel devant lui, et qu'ainsi son appel est recevable: cette formule contient en effet, l'affirmation motivée de la compétence du Tribunal. Même arrêt.

Le ministère public ne pourrait non plus, faute d'intérêt, demander la nullité du jugement statuant sur la compétence, par le motif qu'il n'a pas statué sur les dé

audience, c'est devant le tribunal correctionnel, et non devant un autre juge de paix, que l'affaire doit être renvoyée.

pens, puisque le prévenu dont l'appel était déclaré recevable, ne pouvait être condamné aux frais, non plus que le ministère public. C., 3 novembre 1899. Cpr. C., 24 mai 1867.

CHAPITRE TROISIÈME

EXAMEN DES ARTICLES 89, 90, 91 DU CODE DE
PROCÉDURE CIVILE

349.

L'article 89 du Code de procédure civile a été abrogé par

les articles 504 et 505 du Code d'instruction criminelle.

Mais l'article 90 conserve son effet. C'est une disposition générale, qui s'applique, aussi bien aux jugements disciplinaires, rendus par les tribunaux correctionnels, qu'à ceux qui émanent des tribunaux civils.

Il s'applique aux avocats (1), mais non aux agréés (2).

Les juges, en statuant, en vertu de l'article 90 ont la faculté de ne pas cumuler l'emprisonnement et la suspension. Ils peuvent même n'appliquer que la suspension (3).

En ce qui concerne l'article 91 du Code de procédure civile, cet

(1) C., 24 avril 1875. Cpr. C., 28 avril 1820. Sic: Favard, t. I, p. 250, no 3. Bioche, vo audience, no 27. Rousseau et Laisney, eod. verbo, nos 12 et 13. Carré, quest., 429. C. 10 février 1860.

La Cour de cassation a jugé que cet article était applicable aux avocats par ces motifs que le ministère des avocats, soit par son objet et le but auquel il se voue, soit par les conditions dans lesquelles il s'exerce, par le serment qui le précède et les insignes qui en sont l'attribut, constitue de toute évidence une fonction judiciaire. Nous ne pouvons qu'adhérer à la doctrine de cet arrêt; l'art. 90 n'a pas été fait, croyons-nous, en vue des avocats, mais il est certain que ceux-ci sont compris dans les mots : ceux qui exercent une profession près le tribunal, surtout si on se reporte à l'époque où fut fait le Code de procédure et aux sou. venirs encore récents des relations des avocats avec les anciens parlements.

Dans la pratique, quand la faute de l'avocat, commise ou découverte à l'audience, n'exige pas une répression immédiate, les tribunaux et cours en renvoient la connaissance au conseil de discipline de l'ordre. C. 28 décembre 1825, 21 février 1838. V. infrà no 350.

(2) Mais le tribunal de commerce ne peut condamner des agréés, à la peine de la suspension. Ceux-ci ne remplissent pas, auprès de lui, une fonction, dans le sens de la loi. Pau, 1er septembre 1818. Chambéry, 27 août 1813.

(3) Orléans, 25 février 1829. Bioche, vo audience, no 28. Rousseau et Laisney, eod, verbo, no 14.

article ne reste plus en vigueur que devant les Conseils de préfecture. Il est abrogé pour les autres juridictions (1).

Même devant les Conseils de préfecture, il est inapplicable aux avocats.

(1) C., 26 janvier 1854, 3 août 1854. C., d'Etat, 5 mars 1886. articles 13, loi du 21 juin 1865, 50, loi du 22 juillet 1889. De Larouverade, rapport s. C., 18 avril 1885, Pandectes, 86. 1, 63. Cpr. Wallon, Revue critique, 1886, p. 550. Chauveau et Hélie, t. III, no 846. Boitard, 11° édit., no 227. Morin. t. I, p. 153, no 154 et t. II, p. 144.

Dans tous les cas, une Cour d'appel est incompétente pour connaître du recours formé contre une décision du Conseil de Préfecture prononçant une condamnation à une peine correctionnelle contre un avocat pour outrages commis à l'audience envers les membres de ce conseil. C., 18 avril 1885.

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