Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE QUATRIÈME

DES FAUTES DE DISCIPLINE DES AVOCATS OU OFFICIERS MINISTÉRIELS, COMMISES OU DECOUVERTES A L'AUDIENCE OU HORS DE L'AUDIENCE. ATTAQUES CONTRE LE GOUVERNEMENT, ETC.

(Décret du 30 mars 1808, Ordonnance du 20 novembre 1822).

Décret du 30 mars 1808.

ARTICLE 103.

« Dans les Cours et dans les tribunaux de première instance, chaque Chambre connaîtra des fautes de discipline qui auraient été commises ou découvertes à son audience.

Les mesures de discipline à prendre sur les plaintes des particuliers ou sur les réquisitoires du ministère public, pour cause de faits qui ne se seraient point passés ou qui n'auraient pas été découverts à l'audience, seront arrêtées en assemblée générale à la Chambre du conseil après avoir appelé l'individu inculpé, etc., etc. » (V. Loi du 30 juillet 1870).

Décret du 10 décembre 1810 (abrogé) (1).

(1) En 1801, l'Ordre des avocats n'était plus qu'un grand souvenir. La Constituante l'avait détruit en un instant.

C'est pendant le Consulat à vie que le Barreau est rétabli, d'une façon indirecte, comme détournée, par un décret du 2 nivôse an XI (janvier 1803) concernant le costume des gens de loi et avoués.

Mais bientôt, en présence de la justice compromise par la tourbe immonde des défenseurs officieux, il fallut songer à réorganiser l'ordre des avocats. Ebauchée

Ordonnance du 20 novembre 1822 (1).

ARTICLE 16.

« Il n'est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, au droit qu'ont les tribunaux de réprimer les fautes commises à leur audience par les avocats.

ARTICLE 43.

« Toute attaque qu'un avocat se permettrait de diriger, dans

dans la loi du 18 mars 1804, continuée dans le Code de procédure civile, cette euvre s'acheva dans le décret du 10 décembre 1810.

Dans son discours à la conférence, le 17 novembre 1900, M. le bâtonnier Devin a rappelé ces diverses étapes :

<< L'Empereur avait peu de goût pour le Barreau. Ce grand homme d'action se défiait de la pensée et de la parole, ou ne les tolérait que disciplinées et soumises. Il devait tenir pour suspecte une profession dont l'indépendance est le caractère essentiel et qui a pour mission de tout dire dans les limites de la loi.

« Il ne manquait pas, d'ailleurs, de griefs personnels contre les avocats. La fermeté avec laquelle Bonnet et ses confrères avaient défendu Moreau et ses co-inculpés, l'irritèrent à tel point qu'il voulut déporter ces factieux. Cambacérès et Regnault de Saint-Jean-d'Angely obtinrent avec peine qu'il se contentât d'une simple réprimande. Napoléon se souvenait encore du plébiscite de 1804 où, sur deux cents suffrages exprimés au Barreau de Paris, trois seulement s'étaient prononcés pour l'établissement de l'Empire.

« Aussi, quand le projet de 1810 lui est soumis, éclate-t-il en violences : « Ce décret est absurde. Il ne laisse aucune prise contre les avocats. Ce sont des artisans de crime et de trahison. Tant que j'aurai l'épée au côté, jamais je ne signerai un pareil décret. Je veux qu'on puisse couper la langue à un avocat qui s'en sert contre le gouvernement ».

« Le texte définitif réalise, en les atténuant, ces menaces. Il multiplie les précautions et les rigueurs.

Le serment vise l'obéissance aux Constitutions de l'Empire et la fidélité à l'Empereur. Enfin, le Grand-Juge, ministre de la justice, reçoit, à côté des Tribunaux, le droit d'infliger, de sa seule autorité, toutes les peines disciplinaires à l'avocat « qui se permettrait d'attaquer dans ses plaidoiries ou ses écrits, les principes de la Monarchie et les Constitutions de l'Empire ».

<< Sous un tel régime, il ne pouvait être question d'élections libres. Les avocats ne sont admis qu'à désigner pour le Conseil trente candidats. Le procureur général choisit quinze membres et nomme le Bâtonnier.

(1)« Sous la Restauration, l'Ordonnance de 1822 marque sur le décret de 1810 un progrès considérable et un retour heureux aux franchises d'autrefois, Elle n'aban

ses plaidoiries ou dans ses écrits, contre la religion, les principes de la monarchie, la charte, les lois du royaume ou les autorités établies, sera réprimée immédiatement, sur les conclusions du ministère public, par le tribunal saisi de l'affaire, lequel prononcera l'une des peines prescrites par l'article 18, sans préjudice des poursuites extraordinaires s'il y a lieu » (1).

Observations préliminaires.

350. D'abord il faut remarquer que l'article 41 de la loi sur la presse, qui permet de suspendre les avocats ou officiers ministériels pour six mois, ne s'applique qu'aux faits diffamatoires concernant les parties en cause (2).

donne pas, cependant, toutes les précautions qu'un pouvoir ombrageux s'était ménagées.

<< Sans doute, le rapport du Garde des Sceaux contient un magnifique éloge du Barreau et paraphrase pompeusement les célèbres paroles de d'Aguesseau. Il annonce l'intention de rendre aux avocats « la plénitude du droit de discipline qui, sous les rois, élevait au plus haut degré l'honneur de cette profession et perpé- tuait dans son sein l'invariable tradition de ses prérogatives et de ses devoirs >>

<< Mais des restrictions fàcheuses ou gênantes subsistent. Le serment conserve un caractère politique. L'interdiction pour l'avocat de plaider hors de son ressort sans l'avis du Conseil de discipline, l'agrément du premier président et celui du Garde des Sceaux, n'est pas levé. Le Conseil de l'Ordre se trouve formé des anciens Bâtonniers et des anciens de chaque colonne. C'est le Conseil lui-même qui compose les colonnes et désigne le Bâtonnier.

<«< Notons, toutefois, l'article 45 qui « maintient expressément les usages observés dans le Barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l'exercice de leur profession ». Disposition capitale qui renouait la chaine des temps et suffisait à rendre à l'Ordre sa grandeur passée.

(1)« C'est seulement après la Révolution de Juillet, que l'Ordre obtient les satisfactions vainement demandées pendant quinze ans. Presque au lendemain de l'établissement du nouveau régime, l'un de ses conseillers les plus écoutés, Dupin ainé, témoignait de son attachement à l'Ordre dont il avait été le chef, en faisant rendre l'ordonnance du 27 août 1830. Elle portait que les Conseils de discipline et le Bâtonnier seraient élus directement, par l'assemblée générale, composée de tous les avocats inscrits au tableau, au scrutin de liste et à la majorité relative des membres présents. Elle reconnaissait aussi à tout avocat le droit de plaider sans aucune autorisation devant toutes les Cours et tous les Tribunaux du royaume ».

« Sous la seconde République, le serment redevient exclusivement professionnel. V. ce serment, t. I, p. 229, note.

« Sous le second Empire, le décret du 22 mars 1852 n'a touché qu'aux élections. La loi du 10 mars 1870, l'a abrogé et a restitué l'élection du Bâtonnier à l'assemblée générale de l'Ordre.

(2) V. suprà, no 5,

D'un autre côté, nous avons vu que les articles 10, 11, 90, 91 du Code de procédure civile, peuvent, dans certains cas, leur être appliqués (1).

Ils peuvent aussi être passibles des articles 222 et suivants du Code pénal, et 181, 504, 505 du Code d'instruction criminelle (2).

Le décret du 30 mars 1808 et l'ordonnance du 20 novembre 1822, complètent l'ensemble des règles de discipline à leur égard.

A. Décret du 30 mars 1808.

351. L'article 103 vise les officiers ministériels (avoués, huissiers) et les avocats.

Le pouvoir disciplinaire de police et d'ordre est accordé à toutes les juridictions ordinaires ou d'exception (justices de paix, conseils de guerre, conseil d'Etat, de préfecture, tribunaux de commerce, civils, correctionnels, cours d'appel et d'assises), mais les tribunaux d'exception ne connaissent pas des fautes découvertes à l'audience.

Les avocats ayant le droit de plaider devant tous les tribunaux et toutes les Cours d'appel, les fautes par eux commises dans les audiences sont susceptibles de la répression disciplinaire, ailleurs que dans le tribunal de leur résidence (3).

Les fautes d'audience consistent, non seulement dans des paroles ou des écrits, mais encore en manquements de tout genre, par exemple en mauvaise tenue, défaut de déférence (4).

Les peines sont celles de l'injonction d'être plus exacts ou circons pects, la défense de récidiver, la condamnation aux dépens du procès, la suspension temporaire, l'impression et l'affiche du jugement. La destitution des officiers ministériels peut même être provoquée dans les cas les plus graves (article 102 du décret).

Généralement, et à moins que la faute ne soit grave, les tribunaux procèdent au préalable par avertissement et invitent à la rétractation ou à la modification dans l'attitude prise (5).

(1) V. suprà, nos 349 et 350.

(2) V. nos 99, 100. etc.

(3) Les tribunaux devant lesquels les fautes sont commises ou découvertes sont seuls compétents. C., 29 décembre 1845. Et ils ne le sont qu'à l'égard des avocats ou officiers ministériels qui exerceront devant eux ou seraient attachés à leur juridiction. Chassan, t. II, p. 569.

(4) Cpr. C., 18 novembre 1852. Morin, nos 157 bis, 158.

(5) Morin, no 154. Un avocat ne peut, sans s'exposer à une pénalité discipli naire, censurer dans sa plaidoirie soit les actions, soit les paroles, soit surtout

Si une faute est relevée, on procède sommairement; les témoins sont entendus s'il y a lieu, l'inculpé interrogé et admis à se défendre (1). Si l'infraction commise à l'audience par un avocat est un délit, il peut être condamné, cumulativement, aux peines de ce délit et aux peines disciplinaires (2).

L'appréciation des faits d'audience échappe à la censure de la Cour de cassation (3).

Les tribunaux doivent se prononcer, au plus tard, en statuant sur l'affaire même, à l'occasion de laquelle il y a lieu à répression disciplinaire. Leurs décisions sont susceptibles d'opposition, si elles sont par défaut, ou d'appel quand il y a interdiction temporaire ou radiation. Dans certains cas, pour violation de la loi, le pourvoi en cassation est permis (4).

Le droit accordé par l'article 103, § 1, du décret de 1808 peut être exercé de plano par le ministère public, et le tribunal peut aussi se saisir d'office (5).

La disposition du § 2 de l'article 103 permet encore aux tribunaux et aux Cours d'appel d'apprécier les faits extérieurs, les fautes des officiers ministériels, hors de l'audience (par exemple, les injures, diffamations, etc., proférées par eux) (6).

Mais quand il s'agit des avocats, les tribunaux de première instance ne peuvent en connaitre. C'est alors au conseil de discipline de l'ordre ou à défaut à la Cour d'appel, siégeant toutes chambres réunies, en la Chambre du Conseil à en connaître. Si le eonseil de l'ordre refuse de statuer ou si la peine paraît insuffisante, les procureurs généraux relèvent appel. Ces magistrats ont le droit de poursuite.

les intentions du magistrat qui occupe à l'audience le siège du ministère public. Il ne peut pas prendre sa personne à partie, jeter sur lui le blame, etc. V. Paris, 17 février 1860. G., 7 avril 1860. Cpr. C., 29 juillet 1819, 25 janvier 1834.

(1) Il n'est pas nécessaire que les paroles prononcées par l'avocat soient parvenues aux oreilles des juges, leur audition par le public suffit. C., 24 décembre 1836.

(2) Chassan, t. I, p. 90. Grenoble, 26 décembre 1828.

(3) C., 25 janvier 1834, 29 août 1844, 7 avril 1860.

Mais si l'arrêt attaqué se fondait uniquement sur des considérations de droit, il pourrait être revisé. C., 19 août 1844.

De même la décision serait annulable si elle n'affirmait que l'intention de l'inculpé et ne précisait pas en quoi consiste le manquement. C., 21 mai 1878. V. Morin, t. II, no 826.

(4) C., 6 août 1844.

(5) C., 28 avril 1820, 8 janvier 1838, 6 août 1844. Limoges, 3 février 1847. Bastia, 15 juillet 1857.

(6) Caen, 8 janvier 1830. C., 27 novembre 1838, 8 mars 1847. Contrà, les auteurs ci-après à la note qui suit.

« PreviousContinue »