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rompre par promesses, offres, dons ou présents, l'une des personnes de la qualité exprimée en l'article 177, pour obtenir soit une opinion favorable, soit des procès-verbaux, états, certificats ou estimations contraires à la vérité, soit des places, emplois, adjudications, entreprises ou autres bénéfices quelconques, soit tout autre acte du ministère du fonctionnaire, agent ou préposé, soit enfin l'abstention d'un acte qui rentrait dans l'exercice de ses fonctions, sera puni des mêmes peines que la personne cor rompue; toutefois, si les tentatives de contraintes ou corruption n'ont eu aucun effet, les auteurs de ces tentatives seront simplement punis d'un emprisonnement de trois mois au moins et six mois au plus, et d'une amende de 100 francs à 300 francs.

La menace, prévue par l'art. 179 du Code pénal, s'entend de la menace directe, personnelle, capable d'inspirer à celui auquel elle s'adresse la crainte fondée, de la voir se réaliser et de nature à être exécutée par la personne qui menace.

Si l'accomplissement de cette menace est indépendant de la volonté de celui qui veut contraindre un fonctionnaire à remplir ou non un acte de sa fonction; si le prévenu se borne à exposer, dans un écrit, les conséquences naturelles qui résulteraient du fait par le fonctionnaire de dresser procès-verbal, on ne saurait voir en pareille circonstance la pression coupable que réprime l'article 179 Code pénal (1). Il est évident qu'il y a délit impossible lorsque la contrainte tentée sur le fonctionnaire ne pouvait fatalement obtenir de résultat..

Il en est ainsi, lorsque la lettre destinée à assurer l'abstention de l'agent verbalisateur a été remise à celui-ci, après l'envoi à ses supérieurs du procès-verbal. En effet, la suite à donner au procès-verbal n'appartient plus à son rédacteur, lequel est entièrement dessaisi, et ne peut par conséquent exercer une influence quelconque sur la solution à intervenir. La menace, étant donc inutilement faite, ne saurait tomber sous le coup du dernier alinéa de l'art. 179, puisqu'il ne dépend plus du fonctionnaire, sur la personne duquel la contrainte a été exercée, de se laisser contraindre. Il y a tentative d'une chose impossible (2).

(1) Rapprocher de la loi du 2 août 1875.

(2) Comp. C., 2 avril 1875, et la discussion de la loi du 13 mai 1863. V. Blanche, t. III, no 433; Ortolan, Eléments de droit pénal, 2o éd., no 1001 et suiv.; Haus,

ARTICLE 184, § 2.

« 2° Tout individu qui se sera introduit à l'aide de menaces ou de violences dans le domicile d'un citoyen sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 francs à 200 francs ».

Il s'agit de menaces ou de violences, quelles qu'en soient la nature et quel qu'ait été le résultat.

ARTICLE 219.

3° Seront punies comme réunions de rebelles, celles qui auront été formées avec ou sans armes et accompagnées de violences ou de menaces contre l'autorité administrative, les officiers ou les agents de police, ou contre la force publique :

1° Par les ouvriers ou journaliers dans les ateliers publics et les manufactures;

2o Par les individus admis dans les hospices;

3o Par les prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés (1).

ARTICLES 223 A 225, 260 DU CODE PÉNAL.

3° Nous les avons étudiés plus haut (2).

§ 2. Du Chantage.

ARTICLE 400, § 2 DU CODE PÉNAL (3).

L'article 400, § 2, est ainsi conçu :

« Quiconque à l'aide de la menace, écrite ou verbale, de révé

Principes généraux du droit pénal belge, 2e éd., t. I, no 458 et suiv. Trib. de Chambéry, 12 juillet 1888.

La contrainte par menaces, prévue par l'art 179 C. pén., doit être de telle nature qu'il soit au pouvoir de l'agent d'exécuter ou de faire exécuter cette menace. (1) V. article 20 de la loi du 15 juillet 1845.

(2) V. suprà, no 336 à 341, 343.

(3) Cette disposition, empruntée à la loi anglaise, a été introduite par la loi du

lations ou d'imputations diffamatoires, aurait extorqué ou tenté d'extorquer, soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou remise d'obligations, dispositions ou décharges, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50 francs à 3.000 francs ».

366. Les instructions envoyées par la chancellerie aux parquets, le 30 mai 1863, mettent en relief les caractères du chantage (1).

13 mai 1863. Antérieuremént, on regardait comme constitutive d'escroquerie la menace d'imputation d'un fait faux, faite dans le but d'obtenir un profit illegitime. Mais la menace de révéler un fait vrai n'était pas considérée comme punissable. L'article 400, § 2, a comblé cette lacune.

Le rapport de la Commission s'exprime ainsi : « Nous avons cru devoir nous occuper d'un genre d'extorsion qui s'accomplit à l'aide d'une contrainte morale. Le hasard, l'occasion, une confidence imprudente nous initient quelquefois à des secrets qui intéressent le repos des citoyens, l'honneur des familles, la paix du foyer domestique, et dont la révélation peut amener une poursuite criminelle ou causer un scandale. Il se rencontre des hommes assez vils pour profiter de la connaissance qu'ils ont de ces secrets, et pour menacer de les dénoncer ou de les répandre, si on ne consent pas à acheter leur silence. D'autres, plus éhontés ne savent rien qui puisse compromettre la personne qu'ils ont choisie pour victime: mais ils font naître des circonstances d'où puisse résulter le soupçon d'une action honteuse, et menaçant d'exploiter de simples apparences, ils arrachent à la faiblesse et à la peur, la rançon d'une calomnie dont ils promettent de s'abstenir. C'est ce qu'on appelle vulgairement le chantage... Le chantage doit-il être puni ? Nul ne le conteste, quand il procède par la menace de l'imputation d'un fait faux. On hésite, lorsqu'il agit par la menace de la révélation d'un fait vrai... Sans doute. la personne coupable d'un crime ou d'une faute ne mérite pas une grande sollicitude, et cependant, en cherchant bien parmi les exemples de chantage, que de vietimes intéressantes on pourrait rencontrer ? Ce n'est pas toujours à l'auteur de la faute que s'adresse l'extorsion, c'est quelquefois à sa famille, et celle-ci n'a certainement aucun tort... La diffamation ne divulgue ainsi quelquefois que des faits vrais, et cependant la loi n'hésite pas à la punir, sans se préoccuper de la vérité ou de la fausseté des allégations, ni de l'intérêt plus ou moins grand que la personne diffamée peut inspirer. (La preuve est admise aujourd'hui contre les fonctionnaires, etc. Art. 35, loi du 29 juillet 1881). Le chantage doit donc être puni... On dit que si l'imputation est calomnieuse, la menace est vaine et la crainte chimérique; cependant le danger de perdre sa réputation, si l'on est calomnié, n'est pas toujours une chimère : la calomnie ne laisse-t-elle pas toujours quelque chose après elle ?... Toutefois, il est bien entendu que la victime d'un crime ou d'un délit, qui transige sur l'exercice du droit de plainte ou de se porter partie civile, obtient la réparation du préjudice qui lui a été causé et ne fait rien qui soit illicite ».

Voir aussi art. 470 du Code pénal belge; art. 351 du Code pénal hongrois; art. 409 du Code penal italien; art. 318 du Code pénal des Pays-Bas, etc.

(1) « Exercée par des misérables pour qui notre législation pénale n'a pas de secrets, et dont toutes les manoeuvres sont calculées avec une effrayante habileté, l'extorsion par voie de contrainte morale a pris depuis longtemps, sous le nom vulgaire de chantage, des proportions vraiment inquiétantes. Quelquefois l'autorité, désarmée par l'imprévoyance de la loi, a dù assister, impuissante, à ces

Il y a un certain nombre d'années, un inspecteur général des prisons, qui a écrit des livres sur les voleurs, disait : « Les chanteurs sont de tous les escrocs, ceux qui exercent leur industrie avec le plus de sécurité. Je ne sache pas en avoir vu beaucoup en prison. Il y a de bonnes raisons pour cela. Il faudrait des plaignants. Et qui oserait se plaindre, alors que le coupable serait moins le dénoncé que le dénonciateur? On recule devant sa propre honte et l'on se tait (1) ».

compromis scandaleux par lesquels l'honneur des citoyens et le repos des familles alarmées transigeaient à prix d'or et sans sécurité pour le lendemain.

« Désormais, la confiance peut renaître dans le cœur de l'innocent que des apparences trompeuses avaient exposé à une accusation scandaleuse, du condamné repentant qui a expié son délit en subissant sa peine, ou du coupable d'une de ces fautes dont la prudence de la loi a abandonné le jugement à la conscience et à la morale.

«La loi nouvelle atteindra, en effet, la menace brutale ou habilement dissimulée, directe ou indirecte, expresse ou cachée sous des réticences transparentes, qu'elle ait ou non obtenu le résultat que s'est proposé l'agent de l'extorsion.

<«< Mais le ministère public doit se faire un devoir d'apporter dans une matière aussi délicate une réserve et des ménagements tout particuliers. Il faut éviter qu'une intervention irréfléchie vienne précipiter des révélations qu'il importerait de prévenir plus encore que de réprimer. L'intérêt privé peut avoir tout à perdre et la morale publique n'a peut-être rien à gagner à l'éclat d'un scandale prémédité.

<< D'ailleurs, il ne faut pas exagérer la portée d'une loi dont le bienfait dépendra de la sagesse de son application. Les mots « imputations diffamatoires » dont la jurisprudence fera du reste l'interprétation, n'imposent pas au ministère public l'obligation de poursuivre, sans examen, tous les cas qui pourraient rentrer dans l'article 13 de la loi du 17 mai 1819 (aujourd'hui article 29 de la loi du 29 juillet 1881) ». Exposé des motifs.

L'article 400 § 2, ne prononce pas le mot de chantage, cette dénomination quelque peu vulgaire est pourtant adoptée dans la pratique par tous les auteurs. Jules Favre protestait contre elle, regrettant de l'avoir rencontrée dans le rapport.

(1) Dans la troisième édition (1877) d'un livre publié par un ancien chef de division à la préfecture de police, M. Lecourt, on lit: « Les cas de chantage où la police intervient et qui ont été amenés par la cupidité voulant exploiter les faiblesses d'un homme, s'élèvent dans Paris à cinq cents environ chaque année ». Jugez du nombre des chantages où la police n'intervient pas !

Il y a quarante ans, il fallait des occasions extraordinaires, le testament d'un homme bizarre, une série d'incidents inattendus, quelque piste ouverte et suivie par hasard dans un procès scandaleux, pour retrouver les exploits des maitres chanteurs. Ainsi un vieux célibataire dont les papiers étaient mieux rangés dans son àge mûr, que ses mœurs ne l'avaient été dans sa jeunesse, laissait en guise de fortune à ses héritiers un cahier fort régulièrement tenu. On y trouva jusqu'à cinq cent seize mentions de sommes versées sur menaces de scandales. On y lisait des mentions comme la suivante: « A un monsieur que je ne connais pas mais qui a promis de ne plus m'importuner: 300 francs ». Trois cent dix mille franes avaient été ainsi engloutis. On faisait de lui comme on fit d'un homme de science très haut placé, à une certaine époque, dans l'estime des savants : « on se le repassait », on se le revendait comme une clientèle, en se retirant des affaires. Il avait subi et payé ces obsessions, sans même essayer de résister.

Les journaux, en 1897, ont raconté les mésaventures du vice-amiral de X...

La contrainte morale est aussi vieille que le monde ; le chantage, dans sa plus large acception, embrasse l'exercice et l'abus de toute violence ou contrainte morale. La menace de la révélation d'un fait quelconque, d'une défaillance, d'une faiblesse, d'un délit, a toujours été employée par les gens sans honneur, pour déterminer par la crainte, un acte que, librement, spontanément, on n'aurait pu obtenir. La loi pénale ne frappe que la menace de révélation d'imputations diffamatoires sous certaines conditions. Aussi que de faits impunis!

Dans l'expression des gens du monde, au contraire, il y a chantage dès qu'il y a une intimidation morale, relative à des faits quelconques, même non délictueux. Mais ce n'est pas là l'acception juridique.

A ce point de vue général, il y a une infinie variété de faits de chantage (1). Il est presque impossible de les cataloguer.

Les directeurs de théâtres ont cherché vainement à réagir contre les intimidations de certains publicistes au sujet des billets de faveur tant recherchés (2). Ils ont dû se rendre.

Quant aux institutions politiques, elles sont exposées, nous le voyons tous les jours, à une espèce de chantage des partis. Mais cela est tellement connu qu'on est impardonnable de s'y laisser prendre. Tel parti, par exemple, vote pour Félix Pyat ou pour Boulanger, puis il trouve dans l'élection, lorsqu'elle est faite, des griefs nouveaux contre la République qu'il accuse.

Le chantage a lieu surtout de la part des politiciens vis-à-vis du gouvernement pour des places, des faveurs, en échange de leurs suffrages.

Mais n'y a-t-il pas un chantage international plus terrible encore?

Aujourd'hui, les affaires de chantage sont innombrables; d'abord la victime n'a plus la pudeur d'autrefois, et on est bien près de se vanter de tel ou tel écart dont jadis on eût rougi.

(1) Esau qui cédait son droit d'âinesse pour un plat de lentilles était victime d'un chantage indirect.

Un artiste connu nous disait un jour en parlant d'un critique influent : « On peut voir, en lisant son Salon, les peintres qui lui ont donné des tableaux, ceux qui lui en ont promis et ceux qui lui en ont refusé ».

Pour l'actrice fière de sa beauté et de son talent, pour la courtisane adulée, le silence systématique, la louange perfide sont des moyens de chantage.

Il en est de même pour le grand monde, ses réceptions, ses fêtes, ses diners. Voir à cet égard les détails très intéressants du livre de M. Lejeune-Vilars : « Les coulisses de la presse » sur les chantages des journaux vis-à-vis du monde de la galanterie et du monde aristocratique.

V. Proal: Les crimes passionnels (chantage d'amour, calomnie contre la femme qui résiste).

(2) Trib. corr. de la Seine, 26 janvier 1886.

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