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circonstances, le véritable sens des écrits ou des propos pour en déterminer la portée (1).

Il n'est pas nécessaire que la menace, si la personne menacée ne peut avoir aucun doute sur la nature de cet attentat (2).

l'attentat soit formellement énoncé dans

Il ne faut pas cependant considérer comme menaces, les avis mensongers et alarmants, qui seraient donnés même par écrit, d'un complot imaginaire d'incendie. Quelque repréhensibles que soient ces lettres et quelle que soit la malveillance qui les a dictées, elles diffèrent de la menace (3).

3o Ordre de déposer une somme d'argent ou condition. La menace faite sous condition comprend, dans la généralité de ses termes, la menace sous condition de ne pas faire, de s'abstenir, comme celle de faire (4).

Le législateur n'a nulle part exigé, pour que la menace avec ordre ou sous condition soit punie, que l'ordre donné soit injuste et que la condition soit préjudiciable au droit de celui à qui la menace est adressée. Admettre une telle restriction serait méconnaître le caractère du délit. Le délit ne peut dépendre du plus ou moins de fondement du droit dont l'exercice est troublé par la menace. Il n'est jamais permis de se faire justice à soi-même, et la menace qui révèle l'intention de recourir au crime doit être réprimée pour le prévenir.

Sans doute, si l'auteur de la menace n'y a eu recours que pour la défense d'un droit légitime, il y aura là un motif d'atténuation. Suivant les circonstances mêmes, les tribunaux pourront être conduits à ne pas reconnaître chez l'auteur de la menace l'intention coupable, condition nécessaire de tous les délits, mais c'est là tout (5).

Faut-il, pour que les délits de menaces des articles 305 et suivants soient punissables, que leur auteur ait l'intention de les réaliser (6) ?

(1) C., 19 décembre 1863 : « Tu sauras ce que c'est que de moi ».

(2) Bruxelles, 10 août 1820.

(3) C., 17 novembre 1848.

(4) C., 1er février 1834. Lyon, 11 mars 1884. Limoges, 9 janvier 1851. Bordeaux, 27 février 1834 et 1er février 1837. Rouen, 29 février 1844. Toulouse, 29 juillet 1871.

Mais la menace punissable ne comprend pas la défense de faire une chose illicite. Morin, Dictionnaire de Droit criminel, vo Menaces.

(5) C., 19 décembre 1863. Cpr. Trib. de Lyon, 13 juin 1884. inédit.

(6) V. pour l'affirmative Chauveau et Hélie, t. IV, p. 4. Morin, Répertoire du Droit criminel, vo Menaces, no 4.

Bordeaux, 28 janvier et 15 avril 1835. Toulouse, 29 juillet 1871. Paris, 13 décembre 1883. Cpr. C., 18 septembre 1851 (dans ses motifs).

V. pour la négative (c'est là notre opinion):

Bordeaux, 8 août 1867. Rapport de M. le conseiller Gast, précité. Tribunal de

Cela n'est pas nécessaire. La seule chose à envisager c'est l'atteinte à la sécurité. Cette atteinte existe par ce seul fait qu'on a reçu la menace. Celle-ci, tend par elle-même à faire croire à la résolution de commettre un acte de violence. Aussi, il importera peu que celui qui a menacé de mort soit porteur d'un fusil non chargé (1).

Bien qu'une tentative de meurtre ait été précédée de menaces de mort et qu'il soit certain que le crime ait été inspiré par le même mobile que les menaces, le tribunal correctionnel peut être saisi, sépa rément, au sujet de ces dernières. L'article 227 du Code d'instruction criminelle détermine la connexité et celle-ci ne se rencontre pas dans l'espèce (2).

-

§ 2. Deuxième ordre de menaces. Article 306 du Code pénal,

18 § 2, L. 15 juillet 1845.

379. Lorsque la menace, écrite, d'attentats contre les personnes (énumérés dans l'article 305) ou d'incendie n'est accompagnée d'aucun ordre ou condition, elle est punie des peines de l'article 306, ou s'il y échet, de l'article 18 § 2 de la loi du 15 juillet 1845 (3).

$3.

380.

Troisième ordre de menaces. Article 307 du Code pénal.

Quand la menace de l'article 305 précité, de la loi du 15 juillet 1845 et de l'article 436 du Code pénal est simplement verbale, elle n'est punissable qu'autant qu'elle est accompagnée d'ordre ou de condition.

Corbeil, 5 janvier 1883. Lyon, 11 mars 1884. Cpr. C., 20 mars 1807. Douai, 13 novem bre 1861.

(1) Bordeaux, 8 août 1867. Toulouse, 19 juillet 1871.

(2) C., 20 juillet 1882. V. no 88.

(3) Dans le courant de l'année 1884 un journal de Paris, le Cri du Peuple n'a pas craint de publier un article intitulé Le Talion, dans lequel rappelant l'assassinat de l'agent Vizentini, jeté à la Seine le 17 mai 1871, il déclarait que le même sort devait être réservé aux agents de la préfecture de police, chargés de surveiller les anarchistes dans les réunions publiques. En conséquence chaque jour, depuis ce moment, paraissaient dans le journal les noms, adresses et signalements de divers agents lesquels en même temps étaient soigneusement filés par une sorte de contre-police organisée par la rédaction du Cri du Peuple. Ce sont là des faits intolérables que l'article 306 et ss. du Code pénal permet de réprimer.

Mais, dès l'instant qu'elle est assortie de ce dernier élément, il n'y a pas à se préoccuper de ce qu'elle aurait été proférée publiquement (1). Tout ce que nous avons dit sous l'article 305 est applicable ici, en ce qui concerne l'intention.

La jurisprudence offre des exemples de menace verbale, rentrant dans les prévisions de l'article 307 (2).

Pour constituer le délit de menaces verbales sous condition, il n'est pas nécessaire que les menaces aient eu lieu directement ou que leur auteur ait chargé quelqu'un d'en informer la personne menacée ; il suffit que, proférées devant un tiers, elles aient pu parvenir et soient, en effet, parvenues à la connaissance de celui qu'elles concernaient (3).

$4.

Quatrième ordre de menaces. Article 308.

381. La menace des attentats contre les personnes énoncés en l'article 305 ou d'incendie, faite par écrit ou verbalement et sous ordre et condition, prévue et punie par l'article 307 est grave et le législateur a dû avant tout songer à la réprimer, comme nous venons de le voir.

Mais à côté des attentats proprement dits, il y a des voies de fait, des violences moindres dont la perspective peut aussi impressionner. C'est à cela qu'a pourvu l'article 308 (4).

(1) C., 8 février 1884. Lyon, 14 mars 1884. Alger, 18 février 1899.

(2) Par l'arrêt ci-dessus, la Cour de Lyon a jugé que la condition de ne pas faire se retrouvait dans ces mots adressés à des agents de police : « Si vous revenez dans mon bureau, j'ai un révolver et vous brûlerai la cervelle ».

Déjà la Cour de Rouen (le 29 février 1844) avait décidé de même pour ces paroles « Viens donc... je te ferai sauter la boussole ». V. Cour de Bordeaux, 1er février 1837.

:

De même le propos : « Je te ferai passer le goût du pain ». C., 20 octobre 1892.

Un arrêt de la Cour de Bordeaux, du 28 janvier 1835, a jugé qu'il n'y avait pas condition dans ces mots : « Si tu avances je te tue ». C'est là une erreur grave. (3) C., 1er février 1834. Orléans, 3 mai 1852. Toulouse, 5 avril 1873. C., 20 juillet 1882.

(4) Les motifs de cette disposition ont été exposés ainsi qu'il suit lors de la réforme de 1863:

« Il suffisait, avec l'ancienne législation, pour échapper aux peines légales, d'entourer la menace d'une forme un peu vague ou de ne la faire peser que sur un fait qui ne soit puni que d'une peine correctionnelle. Or, pense-t-on qu'un homme menacé, par exemple, d'être roué de coups ou d'être souffleté publiquement, s'il ne se soumet pas à telle ou telle exigence, ne puisse éprouver un trouble sérieux, et ne convient-il pas, même dans ce cas, de lui offrir la protection de la loi? Si on la lui refuse, il ne la demandera qu'à lui-même. il portera des armes, et de graves accidents pourront quelquefois s'ensuivre... >>

C'est sous l'article 308 qu'il faudra placer, en dehors des menaces de coups et blessures même fort graves, les menaces de rapt, de viol, d'attentats emportant seulement la peine des travaux forcés à temps (1).

(1) Il a été jugé que la menace faite à un huissier de lui couper les jambes avec une serpe n'équivaut pas à la menace d'assassinat prévue par l'article 305. C'est une décision d'espèce. Limoges, 9 janvier 1851.

DEUXIÈME PARTIE

DES ACTES MATÉRIELS

OU DES ENTENTES QUI LEUR SONT ASSIMILÉES

SURETÉ INTÉRIEURE ET EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Préambule.

Des paroles, des écrits, des imprimés, nous passons aux actes. Tout ce que nous avons étudié dans la première partie a trait aux infractions d'ordre moral, ici nous nous occupons des actes matériels et préparatoires.

Pour réprimer ceux-ci, l'Etat, le gouvernement, ont besoin d'avoir sous la main une force publique organisée. Cette force publique doit obéir aux réquisitions de l'autorité, se prêter aux répressions nécessaires, assurer le bon ordre, permettre les perquisitions, les contraintes. Nous nous occuperons d'elle au no 389 bis après avoir parlé des armes et poudres.

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