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1o ARTICLE 92.

412. L'enrôlement illicite que prévoit notre article 02 s'adresse non à des militaires, mais à de simples citoyens. Par là, il diffère de l'embauchage. (V. nos 227, 276).

Mais, c'est l'article 77 du Code pénal, qui serait applicable en cas d'enrôlements de simples citoyens (français ou étrangers), faits pour une puissance en guerre avec la France (1).

Notre article 92 ne distinguant rien quant au but de l'armement, il n'y a qu'à tenir compte du fait même, mais à la condition toutefois que l'intention criminelle soit établie, ce qui amène ainsi, à rechercher si cet armement a pu être nuisible (2).

L'article 92 exige un commencement d'exécution. La tentative est punie aussi (3).

En ce qui concerne les militaires, l'article 92 est remplacé par l'article 206 du Code de justice militaire. Cpr. no 276.

2o ARTICLE 93 DU CODE PÉNAL.

413. Emploi illégal de la force armée. Cet article comprend trois hypothèses distinctes: 1° Prise, sans droit ou motif légitime, du commandement d'un corps d'armée, d'une troupe, d'une flotte, d'un escadre, d'un bâtiment de mer, d'une place forte, d'un port, d'une ville; 2o Rétention, conservation, contre l'ordre du gouvernement, d'un commandement militaire quelconque 3o Maintien par les commandants, d'une armée ou d'une troupe rassemblée après que le licenciement ou la séparation en auront été ordonnés.

L'article 228 du Code de justice militaire, remplace, en ce qui concerne les militaires, l'article 93. V. no 418 bis, note.

3o ARTICLE 94 DU CODE PÉNAL.

414. L'article ne s'applique que moyennant trois conditions. Il

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(1) V. n° 422.

(2) C., 13 février 1823. Cpr. et sens divers, Chauveau, Hélie et Villey, t. II, no 487. Sebire et Carteret, Encyclopédie du droit, vo Attentats politiques, no 107. (3) C., 13 février 1823.

:

faut 1° Qu'il s'agisse de personnes pouvant disposer de la force publique; 2o Lesquelles en ont requis l'action contre la levée des gens de guerre ; 3o Et que cette levée ait été légalement autorisée.

La tentative ordinaire est punissable.

Cet article vise à la fois les militaires et les non militaires (1).

415.

§ 4. ARTICLE 95 DU CODE PÉNAL.

- Incendie ou destruction par la mine, des propriétés appartenant à l'Etat. L'article 95 punit tout individu qui aura incendié ou détruit par l'explosion d'une mine, des édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux ou autres propriétés appartenant à l'Etat. La peine est celle de la déportation dans une enceinte fortifiée.

Il faut rapprocher notre article, de l'article 435 du Code pénal, modifié par la loi du 18 décembre 1893 (2). Dans celui-ci c'est la peine

(1) V. nos 68, 223, 418 bis.

(2) Art. 435.- « La peine sera la même, d'après les distinctions faites en l'article précédent, contre ceux qui auront détruit volontairement en tout ou en partie, ou tenté de détruire par l'effet d'une mine ou de toute substance explosible, les édifices, habitations, digues, chaussées, navires, bateaux, véhicules de toutes sortes, magasins ou chantiers, ou leurs dépendances, pont, voies publiques ou privées et généralement tous objets mobiliers ou immobiliers de quelque nature qu'ils soient.

« Le dépôt, dans une intention criminelle, sur une voie publique ou privée, d'un engin explosif sera assimilé à la tentative du meurtre prémédité.

<< Les personnes coupables des crimes mentionnés dans le présent article seront exemptes de peine si, avant la consommation de ces crimes et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les auteurs aux autorités constituées, ou si, même après les poursuites commencées, elles ont procuré l'arrestation des autres coupables.

<< Elles pourront néanmoins être frappées, pour la vie ou à temps, de l'interdiction de séjour établie par l'art. 19 de la loi du 27 mai 1885. »

Le rapporteur au Sénat, M. Camescasse a dit : « Le Code pénal, dans l'art. 434, punit de mort l'incendie volontaire d'une maison habitée. La peine capitale est également édictée par l'art. 435 contre ceux qui, dans ce but, se servent d'une mine. Nous disons aujourd'hui, et la rigoureuse précision de la loi pénale nous l'impose, que « l'usage d'un explosif » est identique à l'effet d'une mine comme l'entendait le Code pénal.

C'est ce que faisait ressortir M. Dulau à la Chambre : « En cas de destruction à l'aide d'explosifs, le projet de la commission applique les peines de l'incendie volontaire; mais, en outre, procédant à une refonte complète de l'art. 435 Code pénal, il assimile la destruction partielle à la destruction totale et comprend, dans une énumération qu'il s'est efforcé de faire complète, tous les objets mobiliers ou immobiliers susceptibles d'être détruits par explosion, aussi bien les édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers, que leurs dépendances, que les habitations, digues, chaussées, véhicules de toutes sortes, ponts, voies publiques et privées ».

TOME II

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de mort. On a voulu en finir avec les attentats des Ravachol et des autres anarchistes. Ce crime n'a rien de politique.

La distinction à faire quant à l'application respective des articles 95 et 435 du Code pénal tiendra donc à la nature des actes à réprimer. Le crime prévu par l'article 95 peut être déféré à la Haute-Cour. En principe la Cour d'assises est compétente (1).

M. Camescasse a fait aussi remarquer: « Que le dépôt d'un engin explosif sur une voie publique ou privée est une tentative criminelle dans le sens de la loi pénale. Nous le disons, parce que cette forme nouvelle des attentats à l'aide d'explosif parait familière à ces malfaiteurs qui attaquent, non une personne déterminée, mais frappent en aveugles les hommes et les choses comme pour détruire la société elle-même.

«Toute la loi est donc dans ces deux points :

«< 1° Tout engin explosif est assimilé à la mine;

2o Le dépôt de tout engin explosif sur une voie publique ou privée dans une intention criminelle est déclaré tentative d'assassinat.

« A cet égard, il a été observé que la disposition de ce paragraphe n'était pas à sa place dans l'art. 435, puisque cet article ne vise que les dommages causės criminellement aux propriétés, et non aux personnes. Mais, si la place parait mal choisie, le fond est clair et répond bien aux nécessités que révèle une cruelle expérience.

«La fin du nouvel art. 435 exempte de peine celui qui avant la consommation du fait en aura révélé les auteurs à l'autorité. L'intérêt social et la protection de l'ordre social imposent cette disposition, qui existait déjà pour crime de fausse monnaie et qui est amplement justifiée par le danger extraordinaire qui menace la vie des citoyens ».

Quant à la menace d'incendie ou de détruire par l'effet d'une mine ou de toute substance explosible prévue par l'art. 436 du Code pénal, voir no 377.

Militaires. La destruction par incendie, explosion d'une mine, d'édifices, bâtiments, ouvrages militaires, des magasins, chantiers, vaisseaux, navires ou bateaux à l'usage de l'armée est punie par l'article 251 du Code de justice militaire L'incendie d'une tente habitée, doit être réprimé, non par cet article, mais par les articles 390 et 434 du C. pénal, C., de révision d'Alger, 23 juin 1890.

(1) La Cour d'assises est seule compétente pour les crimes prévus par l'article 435. Ces crimes ne sont pas politiques. Ils constituent au plus haut degré des erimes de droit commun. V. nos 23 et ss., 399.

TITRE TROISIÈME

DES BANDES ARMÉES ET DES MOUVEMENTS

INSURRECTIONNELS

CHAPITRE PREMIER

BANDES ARMÉES

416.

ARTICLES 96 A 101 DU CODE PÉNAL.

Les dispositions des articles 96 du Code pénal s'appliquent aux bandes armées, c'est-à-dire à toutes les associations hiérarchiquement organisées et pourvues d'armes, créées, en vue de commettre un crime contre la sûreté de l'Etat (1).

(1) Les attentats spécifiés dans les articles 87, 91, c'est-à-dire qui ont pour but de détruire ou de changer le gouvernement, d'exciter la guerre civile en armant ou portant les citoyens ou habitants, à s'armer les uns contre les autres ; de porter la dévastation, le massacre et le pillage, dans une ou plusieurs communes, de s'attaquer à l'autorité du président de la République, restent passibles des peines de l'article 97.

V. Garraud, t. II, no 340. Contrà en ce qui concerne l'autorité du président de la République. C., 17 février et 2 avril 1849.

Quant aux attentats commis par des bandes armées pour changer l'ordre de successibilité au trône, ou contre la vie, et la personne du chef de l'Etat ou des membres de sa famille les dispositions de la loi du 10 juin 1853 (articles 86 et 87 du Code pénal), sont implicitement abrogées. V. Garaud, loco citato.

Le seul fait de l'existence de ces associations, indépendamment de toute manifestation, constitue le crime. Ce n'est donc pas le fait de la sédition qui est puni, et nos articles visent simplement les membres de telles associations, lesquels sont passibles de répression, en qualité de 1o chefs; 2o soldats; 3o complices.

Il est des cas où l'on pourra se demander, s'il faut appliquer les articles 96 et suivants, ou la loi du 24 mai 1834 (articles 6 à 9), ou bien, encore si les deux incriminations peuvent être cumulées.

Les articles 96 et ss. seront applicables lorsque, entre les faits matériels et extérieurs et les attentats que le Code pénal a eu en vue de punir, il existera une relation.

Trois éléments sont essentiels et doivent se trouver réunis : 1o L'organisation; 2o le port d'armes ; 3° le but politique.

1o Organisation. Les bandes armées se distinguent des attroupements, visés par la loi du 7 juin 1848. Ces réunions ne supposent aucune organisation préalable. Il en est de même des réunions séditieuses (articles 209 et ss. du Code pénal), des attroupements relatifs aux élections (décret des 2-21 février 1852), des réunions en vue du pillage, etc. (article 440 et ss. du Code pénal).

Comme le dit Carnot, les articles 96 et 99 visent une association avec des directeurs, un commandant en chef, des complices L'art. 97 prévoit des emplois accessoires (1).

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2° Port d'armes. Pour qu'il y ait crime de sédition, il faut que la bande soit armée L'article 101 du Code pénal énumère ce qu'il faut entendre par armes (2).

Il n'est pas nécessaire que tous les individus composant la bande soient armés. On recherchera, en fait, seulement, si la bande était suffisamment armée.

3 But politique. Dans les cas prévus par l'article 96, la loi prévoit et punit l'acte simplement préparatoire, résultant du seul fait de l'organisation de la bande. Il suffit que les coupables aient eu en vue, un seul des faits visés dans l'article 96. En parlant de propriétés appartenant à une généralité de citoyens, l'article 96 entend les propriétés

(1) Ainsi donc le législateur suppose qu'il s'est produit des levées d'hommes et que les troupes levées ont reçu une organisation; enfin qu'elles opèrent ou se préparent à agir d'après les ordres d'agents supérieurs chargés de diriger leurs 'mouvements.

Le nombre d'hommes dont se compose la bande n'est pas déterminé par la loi. Il y a là une question d'appréciation, selon les circonstances.

(2) V. n° 382.

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