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On a voulu renfermer le débat dans la seule preuve d'un fait personnel à l'accusé.

Ainsi, dans les journées des 5 et 6 juin 1833 on avait arrêté un très grand nombre d'hommes derrière les barricades; tous porteurs d'armes; on ne pouvait prouver que le fait matériel. Toute démonstration de participation à un attentat était impossible. Cependant il était évident qu'on ne pouvait laisser impunis de tels faits et qu'on ne pouvait songer à leur appliquer des textes insuffisants. V. suprà p 744.

a. Commentaire de l'article 5.

L'article 5 punit, d'abord, la prise d'armes, laquelle est un fait personnel, individuel et réprime ensuite d'autres faits caractéristiques. Il n'y a pas à prouver un but, en dehors de la preuve : 1o de la prise d'armes, fait personnel à l'accusé et 2o de celle du mouvement insurrectionnel.

Jusqu'à preuve contraire, l'intention coupable résulte de ce triple fait, savoir: 1o un mouvement insurrectionnel; 2° présence de l'individu dans le mouvement; 3° présence en armes, ou en uniforme, ou avec des insignes, ou avec des munitions.

L'intention s'explique, se traduit par ces circonstances mêmes. Il y a, dans ces faits là une présomption de culpabilité qu'on ne pourra détruire que par la preuve que l'on était là par hasard, qu'on venait de la chasse par exemple, qu'on a subi une contrainte, ce qui indique un accident ou une cause légitime d'excuse.

Au sujet du port d'armes ou de munitions nous n'avons pas besoin d'entrer dans des développements nouveaux (1).

La loi vise aussi le port d'un uniforme ou d'un insigne civil ou militaire (2).

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(1) V. nos 385, 389.

(2) Le rapport de M. Dumon à la Chambre des députés sur la loi du 24 mai 1834 en est le meilleur commentaire ; -« Nous avons assimilé, dit-il, au port d'armes dans un mouvement insurrectionnel le port d'un uniforme ou d'un insigne civil ou militaire. C'est une trahison, si le costume appartient à juste titre à celui qui le porte; c'est la simulation d'une trahison, si le costume était usurpé; dans les deux cas, c'est un encouragement et un appui donné à la révolte c'est un moyen de persuader que la garde nationale ou l'armée, que l'autorité ou la force publique sont du côté des insurgés. »

« L'usage d'un costume de convention rentre dans les prévisions de l'art. 9.qui a en vue ceux qui, au moyen de signes ou insignes quelconques, faciliteraient la réunion des forces de l'insurrection. » — Dalloz, v° Armes, no 94.

La peine qui est celle de la détention (1), devient la peine de la déportation, lorsque les individus porteurs d'armes apparentes ou cachées ou de munitions, étaient revêtus d'un uniforme, d'un costume ou d'autres insignes civils ou militaires.

Ceux qui ont fait usage de leurs armes sont punis de mort, de la déportation dans une enceinte fortifiée (2).

Il n'y a pas pour déterminer la culpabilité, à distinguer si l'inculpé a été arrêté dans le mouvement ou arrêté depuis. Toutefois les art. 100 et 213 du Code pénal sont applicables et on exonère ceux qui se sont retirés volontairement du mouvement avant la défaite de l'insurrection.

b. Commentaire des articles 6 et ss.

Les dispositions des articles 6, 7, 8, 9, 10 sont relatives aux individus qui dans un mouvement insurrectionnel se seraient violemment emparés d'armes et de munitions, ou qui auraient envahi des maisons, occupé des postes, élevé des barricades, empêché la réunion de la force publique, détruit des télégraphes.

La pénalité des travaux forcés s'applique aux crimes des articles 6 et 7. C'est la détention pour ceux des articles 8 et 9.

Les circonstances essentielles du crime de l'article 7 étant l'envahissement, à l'aide de violences ou de menaces, dans un mouvement insurrectionnel, d'une maison habitée (3) ou servant à l'habitation, il faut que toutes ces circonstances soient réunies. A défaut de l'une d'elles, l'article 7 n'est pas applicable (4).

Il ne s'agit dans l'art. 5 que des costumes ou uniformes affectés aux autorités civiles ou militaires.

Le costume de garde national, une écharpe d'officier public, sont des insignes prohibés par l'art. 5. - La croix d'honneur, non, suivant M. Dumon, « Je la comprendrais, moi » Jui répondit M. Charles Dupin.

(1) Recidive: Détention de 20 ans à 40 ans (art. 56. C. pén.).

CIR. ATT. Prison, 1 à 5 ans et 5 ans de surveillance (art. 12 même loi).

Cette loi punit par ses art. 6, 7 et 8 des faits insurrectionnels qui n'ont avec les faits prévus par les lois sur la presse aucune analogie. - Les actes des art. 6, 7

et 8 ne sont que des faits de pillage d'armes et d'envahissement. (2) Le mot faire usage des armes est le mot légal, il se trouve dans l'article 381 du Code pénal. Il signifie au reste tirer des coups de fusil, donner des coups de sabre, suivant les armes qu'on porte...

(3) V. n° 417.

La loi s'est référée à l'article 390 du Code pénal pour la définition de la maison habitée ou servant à l'habitation.

(4) Nous avons signalé l'influence du port d'armes dans un mouvement insurrectionnel.

Quant à l'article 8, l'occupation des édifices publics qu'il prévoit est constitutive du crime. Pourvu que cette occupation ait eu lieu dans un mouvement insurrectionnel, et pour faire attaque ou résistance à la force armée, il n'est pas nécessaire qu'elle ait eu lieu avec violences.

Le ministère public qui poursuit le propriétaire d'une maison, habitée ou non, en soutenant que ce propriétaire a donné son consentement à l'occupation, doit établir que ce propriétaire connaissait le but que se proposaient les insurgés.

Parmi les divers faits relevés par l'article 9, figurent « le port de drapeaux ou autres signes de ralliement ou tout autre moyen d'appel ». Le port de drapeaux noirs, rouges; des emblèmes, etc., est donc un élément du délit de l'article 9 (1).

Observation générale. L'excuse de l'article 100 du Code pénal n'est pas applicable (2).

Ici, il s'agit d'un fait plus grave: « Les insurgés, a dit le rapporteur, ne doivent pas toujours à des approvisionnements clandestins, les armes dont ils sont munis, au moment de l'insurrection. Le pillage des boutiques, le désarmement des gardes nationaux et des soldats, leur fournissent celles qui leur manquent encore. Ici, la violence personnelle aggrave et domine le fait de rebellion. »

Il est certain que ce n'est pas le commerce proprement dit qui donnait alors des armes aux émeutiers. Les artisans du désordre n'achètaient pas autrefois des armes. Ils se servaient de celles qui étaient confiées pour la défense des lois ou qui avaient été pillées dans les magasins et dans les arsenaux.

La peine n'est plus celle de la détention, peine politique. C'est celle des travaux forcés à temps, c'est-à-dire de droit commun. La Cour d'assises a compétence. L'article 463 est applicable. Les peines de la récidive peuvent être encou

rues.

(1) En dehors de tout attroupement et mouvement insurrectionnel nous savons que le port de ces drapeaux et emblêmes n'est pas prévu dans nos lois et qu'il a fallu des arrêtès préfectoraux pour l'interdire. V. suprà, no 219,

(2) V. suprà p. 757, note 1.

LIVRE TROISIÈME

DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LA SURETÉ

EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT (1)

TITRE PREMIER

TRAHISON ET ESPIONNAGE

CHAPITRE PREMIER

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

418.

Nous avons maintenant à nous occuper de la trahison, de la conspiration et de l'espionnage.

Les idées féodales du passé règnent encore quelque peu, au sujet de

(1) La révélation des crimes contre la sûreté extérieure de l'Etat, peut dans certains cas permettre d'invoquer l'immunité de l'article 108 du Code pénal, V. n° 399 bis note.

la haute trahison. Autrefois la haute trahison c'était tout ce qui était entrepris contre le prince et contre ses pouvoirs (1). Aujourd'hui, qu'il n'y a plus de lèse-majesté, il faut rendre à la haute trahison sa vraie signification elle concerne la Patrie et les devoirs envers l'État, ou la souveraineté populaire, mais dans ces derniers cas elle implique l'idée de la qualité de fonctionnaire, d'agent du pouvoir.

418 bis.

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Pour tout ce qui concerne les faits prévus par l'art. 75, 80 à 83 du Code pénal, une première observation essentielle, c'est qu'ils s'appliquent uniquement aux non militaires (2).

Mais, il faut bien remarquer que (sauf en ce qui concerne l'art. 76) les articles 63 et 64 du Code de justice militaire, décident qu'au cas de guerre déclarée les individus, même non militaires, qui se sont rendus coupables des faits prévus par les articles 75, 80 à 82 sont justi

(1) Les exemples de trahison sont hélas trop nombreux dans l'histoire. Il suffira de citer après le connétable de Bourbon, le prince de Condé, Bourmont, Bazaine etc.

Du beau livre du duc d'Aumale sur l'histoire de la maison de Condé, on pourrait détacher, pour les placer dans un manuel de haut enseignement civique, les belles pages dans lesquelles le prince se prononce sur la trahison de Condé. A ceux que les circonstances, mauvaises conseillères, pourraient pousser au crime contre la patrie, il trace le chemin et montre de quel côté la conscience doit chercher sa lumière. Lui-même est en exil; il se juge innocent, et sa situation donne à ses paroles l'autorité d'une sentence. Rien à ses yeux n'atténue la fante de Condé. Il louera, chez le prince, l'homme de guerre incomparable, mais en lui il condamnera sans réserve le factieux qui, pour une offense toute personnelle, s'est tourné contre son pays. Aussi le duc d'Aumale pouvait dire à Bazaine: << Monsieur il restait la France »,

Condé a racheté sa faute par son repentir et par ses victoires. Dans la galerie où sont représentées ses actions on a placé, par son ordre, à côté de ses trophées un tableau dans lequel il a devancé les sévérités de l'histoire.

(2) Le port d'armes contre la France, reproché à un militaire, est prévu et puni par l'article 204 du Code de Just. milit. qui prononce la peine de mort, alors que quand il s'agit d'un civil c'est la déportation dans une enceinte fortifiée (article 75).

Le fait par un militaire de livrer le secret d'une opération d'une expédition ou d'une négociation tombe sous l'application de l'article 205 du Code de Just. militaire terrestre et 262 du Code de Just. milit. maritime.

Le militaire qui livre à l'ennemi les plans de fortifications, arsenaux, ports, ou rades, est puni de mort par les articles 205 et 263 précités.

La loi militaire considère comme une sorte de trahison la capitulation avec l'ennemi et la reddition de la place, sans avoir épuisé tous les moyens de défense dont le gouverneur commandant disposait et sans avoir fait tout ce que prescri vaient le devoir et l'honneur, article 209. V. aussi pour la capitulation en rase campagne, article 210. Cette règle s'étend depuis le général en chef jusqu'au caporal commandant à 2 hommes seulement.

Quant à la révolte V. article 217, à la violation de la consigne, article 219. Consulter : Revue des grands procès contemporains, no 1 de 1901 : L'attentat de Strasbourg.

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