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La Théorie

ble de la Pratique,

faire des fautes, fi fa tête n'étoit la conductrice de fa main? En effet pour marcher furement il faut avoir des yeux clairs voyans & des jambes fouples & agiles, l'un fans l'autre eft infuffifant. Un aveugle, par exemple, qui aura de bonnes jambes & qui fera mené par un conducteur éclairé & fidéle, ne laifferoit pas de trembler en marchant, parce que la lumiére fera féparée de la puiffance qui le fait marcher : de même quelque expérience qu'un Chirurgien puiffe avoir, s'il n'a pas la connoiffance qui le doit regler dans fon ouvrage, il travaillera en aveugle; & s'il n'eft pas bon Théoricien, il ne fera jamais bon Praticien habile.

Il faut donc que le Chirurgien pofféde l'une & eft infepara l'autre de ces deux parties de la Chirurgie. La premiere s'acquiert par la connoiffance des maladies qui arrivent à l'homme, & la feconde par l'habitude que l'on contracte à bien exécuter toutes les opérations qu'elles peuvent demander pour être guéries. Celle là a été renfermée par le fameux Guidon dans fix Traitez, dont le premier parle des tumeurs, le fecond des playes, le troifiéme des ulcéres, le quatrième des fractures, le cinquié me des luxations, & le fixiéme des maladies qui ne font point comprises dans les cinq Traitez précedens, comme la teigne, la goutte, la vérole, la pefte & beaucoup d'autres, dont l'intelligence, auffi-bien que de celles que je viens de rapporter fait ce qu'on appelle la Théorie Chirurgicale, fur laquelle doit être fondée la feconde partie qu'on nomme la pratique.

Je fuppofe donc que tous ceux qui font ici préfens, ont déja ces premieres connoiffances de la Chirurgie ; & je me borne dans ce Cours à ne vous entretenir que de ce que chacun entend par les opérations Chirurgicales que je prétens vous démontrer toutes, & qui rempliront abondamment tout le tems qu'on a coutume de donner à ces Leçons publiques.

bon Chirur

gien, il faut

mifte.

Tout le monde fçait l'obligation indifpenfable, Pour être dans laquelle eft le Chirurgien d'être informé de l'Anatomie avant que d'entreprendre de connoître être Anatoles maux aufquels nous fommes affujettis & de fe hazarder de faire aucune opération. La connoiffance de la structure de nos corps eft la base & le plus ferme appui de la Chirurgie, auffi lui a-t'on donné le premier rang entre toutes les fciences qui forment un habile Chirurgien. C'est pourquoi nous commençons toutes. les années nos inftructions par les démonftrations Anatomiques, afin de difpofer nos Auditeurs à affifter avec fruit aux Opérations de Chirurgie qu'on démontre dans la fuite.

On doit entendre par opération de Chirurgie une prudente & méthodique application de la main fur le corps de l'homme pour lui conferver ou lui rendre la santé.

Toutes les opérations de la Chirurgie fe redui- Quatre fortes d'opérafent fous quatre espéces, dont la premiere rejoint tions. ce qui a été féparé, & fe nomme Synthèse; la feconde divife les parties dont l'union eft contraire à la fanté, & celle-là s'appelle Diérèfe; la troifiéme qu'on a comprise par le mot d'Exérèse, ôte ce qui eft étranger; & la quatriéme qu'on appelle Prothèle, ajoute ce qui y manque.

La Synthèse eft une opération qui réunit & remet ce que c'eft avec adreffe les parties de notre corps divifées ou que Synthète déplacées contre le cours ordinaire de la nature. Elle eft de deux fortes, ou commune ou particuliére la premiere fert à toutes les opérations, c'eft à cellelà qu'on rapporte l'application des attelles, des compreffes, des bandages, la bonne fituation de la partie malade, & généralement tous les inftrumens & toutes les maniéres qui peuvent contribuer à rétablir ou à rafermir les parties chacune en fon lieu La feconde s'exerce tant fur les parties molles, que fur les parties dures; celles des parties molles fe fait

Définition

en deux maniéres; fçavoir, fans division, & alors elle s'appelle taxis, c'eft-à-dire arrangement; ou bien avec divifion & on la nomme raphe ou future. Celle des parties dures a auffi deux espèces, puifqu'elle s'applique à raffembler les os rompus, & à remplacer les os luxez ou difloquez. (a) Cette opération a la prééminence fur les autres, parce qu'outre qu'elle eft la plus. néceffaire, elle ufe encore des moyens les plus fimples pour reftituer au corps humain cette intégrité des parties qu'il a reçûe de l'Auteur de la nature.

La Diérèse est une opération qui divife & fépare de la Diérète. les parties dont l'union & la continuité eft un obftacle à la guérison, ou qui font jointes & collées enfemble contre l'ordre naturel. Cette opération fe pratique en quatre maniéres ; fçavoir, en entamant, en piquant, en arrachant & en brûlant: ces quatre efpéces de divifions conviennent également aux parties molles & aux parties dures, & cela s'exécute en tant de différentes circonftances, que la fubdivifion que je vous en ferois, vous feroit plus ennuyeufe qu'utile, puifque j'efpere vous les faire voir toutes dans le cours de ces opérations. (b)

(a) Quelques-uns aiment mieux divifer la Synthèse en Synthèse de continuité &en Synthèse de contiguité. La fynthéfe de continuité a pour objet les divifions contre nature,qui font de deux efpéces; fçavoir, les plaies & les fractures.La fituation de la partie malade,le bandage, l'agglutination & la future font les moyens que la Chirurgie employe quelquefois feparement & quelquefois enfemble.La fynthese de contiguite a pour ob jet le déplacement des parties, comme les hernies, les luxations, la chute de la matrice, celle du vagin & de l'anus.La premiére rétinit ce qui a été divifé,la feconde re met dans la fituation naturelle ce qui a été déplacé.

(6)On peut divifer la diérèse en commune & en particuliére.La diérèse commune renferme toutes les opérations où l'on ne divife les parties que pour parvenir à quelque fin. Telle est l'incifion que l'on fait pour tirer

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rêfe.

l'Exé

L'Exérèse est une opération qui retranche & tire ce que c'eft hors du corps les chofes qui lui font fuperflues ou que nuifibles & étrangères. Cette opération fe fait en deux maniéres, ou par extraction, comme lorfque l'on eft obligé de tirer des chofes engendrées naturellement dans le corps, & qui pourtant lui font devenues étrangères, comme un enfant mort; ou de l'urine retenue; ou par détraction, quand on ôte du corps les chofes contre nature qui ont été introduites du déhors; on en vient à bout foit en failant playe, foit fans faire playe, comme lorfque les matiéres fe font fourées dans des cavitez qui ont des issues affez larges, telles que celles du nez, des oreilles, &c. Enfin pour bien exécuter ce que l'Exérèse demande; il faut examiner, 1°. quelle eft la partie dont on veut tirer quelque chofe. 2°. quels font les corps étrangers que l'on veut faire fortir, & 3°. quels font les inftrumens qu'on y peut employer.

de la Pro

La Prothèse eft le quatriéme genre d'opération Définition
de Chirurgie par lequel on ajoute au corps quel-thère.
que inftrument qui fupplée à des parties qui lui
manquent; ces défauts viennent ou naturellement
comme quand quelque partie manque à un enfant
dès fa premiére formation; ou par accident, com-
me quand on a perdu à l'armée un œil, un bras
ou une jambe; dans ce cas-là l'on a recours à quel-
que organe qui repare la partie dont on eft mal-
heureufement privé. On tire quatre utilitez dif- Utilité de la
férentes de la Prothèse, la premiére regarde la Prothése.
néceffité de quelque action, comme d'ajouter une
jambe de bois pour marcher; la feconde eft pour

les pierres hors de la veffie; telle eft auffi celle que
l'on fait à la poitrine pour évacuer les fluides épanchés
fur le diaphragme, &c. La Diérèfe particulière a pour
but la féparation des parties dont l'union eft contre
nature. Elle remedie, par exemple, à l'imperforation
de l'anus,à celle du vagin dans les femmes, & du gland
dans les hommes, &c.
A iv

Quel ordre

il faut tenir pour démon

rations.

rendre à quelque partie fon ufage, ou pour en faciliter l'action, comme quand on applique à lai voute de l'intérieur de la bouche de ceux qui ont le palais rongé ou percé une petite platine d'argent ou de plomb, fans quoi ils ne pourroient parler que du nez, & n'avaleroient qu'avec peine; la troifiéme pour l'ornement, comme quand on enchasse dans l'orbite un œil de verre peint & figuré de même que le naturel ; & la quatriéme pour redreffer la mauvaise conformation de quelque partie; c'eft dans ce deffein qu'on fait porter un corfelet de fer à de jeunes enfans dont l'épine & les côtez le déjettent & prennent une courbure vicieuse.

Sous ces quatre efpéces d'opération font comprifes toutes celles que j'ai à vous faire voir, mais trer les opé l'on ne convient pas fur l'ordre que l'on doit tenir pour les démontrer; les uns, dont Thevenin eft du nombre, veulent que l'on commence par celles qui appartiennent à la Synthèfe, que l'on continue par celles qui regardent la Diérèle, enfuite que l'on vienne à celles qui dépendent de l'Exérèfe, & que F'on finiffe par celles que la Prothèse ordonne de faire; les autres, parmi lefquels eft Fabricius d'Aquapendente, font préceder à toutes les autres opé rations celles qui fe pratiquent fur la tête; ils paffent après à celles de la poitrine, & defcendent à celles du ventre pour finir par celles des extrêmitez ; &, d'autres enfin prétendent que pour garder le fujet affez de tems, il faut fuivre l'ordre Anatomique le plus ufité, & pour cet effet commencer par le bas : ventre, afin de le vuider incontinent après que l'on aura achevé les opérations qui fe font à cette région, d'où l'on montera à la poitrine, & de-là à la tête, refervant les extrêmitez pour les dernieres. Ce fera auffi cet ordre que nous tiendrons comme étant & le plus commode pour la confervation de notre fujet, & le plus fuivi dans les démonstra tions publiques.

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