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Multitude

'des opéra tions géuézales,

Extraction

cems.

m'a paru plus inftructif & plus commode pour les Etudians en Chirurgie.

Les Opérations générales font en affez grand nombre pour devoir nous occuper plus d'une Démonstration; mais comme je me fuis borné au nombre de dix, & que notre fujet ne fe pourroit pas conferver plus long-tems, je les renfermerai toutes dans celle-ci, & je n'oublierai pourtant aucune des circonftances qui leur font effentielles.

Je vais commencer par vous montrer comment il faut tirer ce qui refte affez fouvent dans le corps après les combats, comme des morceaux de fléches & de dards, des pointes d'épées, des bales de moufquet, des éclats de bombes & de grenades.

Nos premiers Chirurgiens ne nous ont parlé que des armes du de fléches, de dards & d'épées, parce que de leur tems on ne fe fervoit que de ces inftrumens dans les actions de guerre, c'eft pourquoi il ne faut pas s'étonner s'ils ne nous ont rien dit des canons, des moufquets, des bombes & des grenades: ces inftrumens leurs étoiens inconnut; la fureur des hommes ne les avoit pas encore inventez, & comme s'ils n'avoient pas eu affez de moyens de fe tuer les uns les autres, ils ont cru avoir befoin de forger ces derniers qui exterminent la moitié des hommes.

Quoique les fléches & les dards ne foient plus en ufage dans nos Armées, le Chirurgien doit être inftruit du moyen de les tirer, parce qu'il peut aller dans les Pays étrangers, où les peuples Barba res s'en fervent faute d'autres armes ; & il doit fçavoir que les fers de ces inftrumens reftez dans une plaie font plus difficiles à retirer qu'une bale de moufquet ou éclat de grenades, parce qu'on peut retirer ces derniers de la même plaie par où ils font entrez, & que les autres, à caufe de leur figure triangulaire, ne peuvent fortir que par une nouvelle plaie oppofée à leur entrée, quand ils font placés dans des endroits qu'on ne peut ou qu'on ne doit pas dilater.

Les fléches font envoyées de loing par le moyen d'un arc, les dards font lancez de près avec la main. Quand quelqu'un eft bleffé de l'un ou de l'autre de ces inftrumens, il faut tâcher de l'arracher de l'endroit où il eft enfoncé ; mais par les efforts qu'on fait pour l'avoir, ou la fléche se rompt, ou le fer du dard fe fépare du bout du bâton auquel il étoit attaché, parce que ces fers font faits d'une maniere qu'ils ne peuvent pas ordinairement revenir par le même endroit par où ils font entrez. C'eft au Chirurgien à connoître s'il les peut avoir par la plaie, & alors il la faut dilater avec le biftouri A. fans quoi il ne pourroit pas y réuffir; ou s'il doit avoir ce corps étranger par Raifon de la partie oppofite, alors il faut y faire une nou- dilater la velle plaie, & le pouffer dehors par le moyen de cet impulfoir B. la plaie étant suffisamment dilatée. Quand c'eft dans un bras ou dans une cuiffe, il ne faut point balancer à le faire paffer de part-en-part; enfuite on paffe dans la plaie un féton qui contribue à fa guérifon plus promptement que fi on l'avoit retiré par la plaie.

plaic.

dedans des

Quand un dard eft enfoncé dans la poitrine ou Difficulté dans le ventre, il n'eft pas aifé de le retirer: fi le d'extraire du bleffé fe contentoit de le foutenir & d'attendre cavités. qu'il ait un Chirurgien pour le panser, en dilatant la plaie il pourroit le faire fortir doucement; mais E par l'impatience du bleffé qui retourne de tous côtez ce corps étranger pour l'avoir, il fe fait une dilatation de ces parties, qui fait que ces plaies deviennent mortelles. Dans une repetition d'un caroufel à Versailles, un garçon fut bleffé d'un dard qu'on lançoit fur une Medufe; un Chirurgien dilata auffi-tôt la plaie & retira le dard, il en guérit en peu de tems,

On accufe les Sauvages d'empoifonner le fer de leurs fléches, & on dit que dans des combats il y en a eu qui fe font fervis de bales empoisonnées :

Extraction

d'épée.

je crois les Sauvages capables de le faire : mais je ne crois pas qu'il y ait d'autres hommes assez méchans pour pouffer leur rage jufqu'à ce point. Si le Chirurgien foupçonnoit par la plaie & par les accidens, qu'il y eût du poifon, il faudroit donner des cordiaux & panfer la plaie avec un onguent fait avec la thériaque, la thérebentine & l'huile de millepertuis.

Il arrive fouvent que la pointe d'une épée se catse d'une pointe quand elle a trouvé un os qui lui a refifté. Si on peut avoir l'épée caffée, le Chirurgien fe la fait repréfenter pour juger de la quantité qui eft reftée: fi c'eft après un combat, il faut qu'il en juge fans ce fecours. S'il fent le morceau de l'épée avec la fonde, il faut commencer par dilater la plaie, & avec des pincettes tâcher de le retirer; s'il est fiché dans un os, il faut avec des pinces faites en bec de corbin, le prendre & le faire fortir en droite ligne, de peur qu'il ne touche à quelque vaiffeau ou à quelque nerf en le retirant : quand le corps étranger eft forti, on panfe la plaie felon la méthode ordinaire (a).

* V. l'ext.

(a) Le Chirurgien doit fouvent tirer de fon génie feul les moyens d'extraire les corps étrangers arrêtés ou enclavés dans une partie. On rapportera à ce sujet une obfervation fort curieuse.

»* Un homme âgé de 27 ans, ayant reçu un vio d'une Séan->> lent coup de couteau fur la partie antérieure de la ce publ. de Ac. de Chic" quatrième des vraies côtes, fut panfe très-fimplerurg. Mercu-»ment pendant les trois premiers jours; mais une re de Juin toux extraordinaire & un crachement de fang abon

1713.

»dant étant furvenus, on 'eut recours à M. Gerard. » Il reconnut que les accidens dépendoient de la » présence d'une portion de la lame du couteau » qui traverfoit la côte, dont la pointe excédoit » d'environ fix lignes dans la cavité de la poitrine. » Ce corps étranger débordoit fi peu l'extérieur de

la côte, & y étoit tellement fixé qu'il ne fut » pas poffible de le tirer avec differentes pincettes. Depuis

à canon.

Depuis quelques fiécles il eft forti des enfers un Invention monftre habillé en moine, qui travaillant à la de la poudre Chymie a trouvé une compofition de falpêtre & de fouffre qu'on appelle de la poudre à canon. Cette invention diabolique a fait que l'homme a fabriqué des armes à feu de toutes efpeces ; & non content des piftolets, des fufils & des moufquets qui ne tuent les hommes qu'un à un, il s'est avifé de forger des canons capables d'en tuer dix ou douze à la fois, & de détruire & d'abatre les >> ou tenailles, ni même de l'ébranler au moyen des ci» seaux & du marteau de plomb; & quoique dans un » cas auffi preffant,il femble qu'on n'eût d'autre parti à prendre que de fcier ou de couper la côte: M. Gerard >>crut avant d'en venir à cette extrêmité,devoir tenter » de dégager ce corps étranger, en le pouffant de de、 » dans en dehors.

»Dans ce deffein il alla choifir un dé dont les Tail. » leurs fe fervent pour coudre, il en prit par préference » un de fer, un peu épais & fermé par le bout, il y fit

creufer une petite goutiere pour y mieux fixer la » pointe du couteau, & ayant fuffifament affujetti ce de fur fon doigt index, il porta ce doigt ainfi armé » dans la cavité de la poitrine, & reuffit par ce moyen » à chaffer le morceau de couteau, en le pouflant avec force de dedans en dehors.

» Ayant tiré le corps étranger,il quitta le dé & remit »le doigt index à nud dans la poitrine pour examiner »file couteau en traverfant la côte ne l'auroit point fait »éclater en dedans; il trouva un éclat capable de pi»quer & qui tenoit trop fortement au corps de la côte » pour qu'on pût l'en feparer entierement, il prit donc » le parti de l'en rapprocher,& pour le tenir au niveau » de la côte, il fe fervit du doigt qui étoit dans la poi»trine pour conduire une aiguille courbe enfilée d'un >>fil cire. Il fit fortir cette aiguille au deffus de la côte,

qui par ce moyen fe trouva embarraffee par le fil en » dehors de la poitrine fur une compreffe épaiffe d'un »pouce, & ferra affez le nœud pour appliquer exacte» ment & remettre au niveau l'efquille faillante.

» On fent aisement que l'effet d'une manœuvre auffi >> ingenicufe a dû être non feulement la ceffation des accidens, mais encore une prompte guerifon.

Eee

reftées dans

le corps.

rempars qu'il avoit élevé pour fa fureté : & depuis dix ans il a encore paru à la Cour un autre Moine, qui a cru qu'il ne fuffifoit pas d'exterminer dix hommes avec un boulet de canon; mais qu'il falloit en tuer au moins trente; c'eft pourquoi il eft venu exprès pour en produire une nouvelle fabrique compofée de trois canons joints enfemble, qui chacun chargé d'un boulet, tirent en même tems qu'on a mis le feu à leur lumiere

commune.

Des Bales On charge les fufils, les moufquets & les cade moufquet, rabines avec des bales de toutes fortes de calibres ou de groffeur fuivant le diamettre du canon: ces bales de plomb quand le coup a été tiré de près paffent au travers du corps ou d'un bras ou d'une jambe, à moins qu'elles n'ayent trouvé quelque os qui les ait arrêtées. Mais quand elles viennent de loing, étant à la fin de leur portée elles demeurent dans les endroits du corps où elles font entrées; c'eft pour lors que le Chirurgien doit travailler à les retirer, car tant que le corps étranger fera dans la plaie, il n'eft pas dans fon pouvoir de la guérir, parce qu'il eft un obstacle à fa réunion, qui eft la fin qu'on fe propose dans la guérifon de toutes les plaies.

Il ne faut pas néanmoins prendre à la lettre, ce que je dis, je fçai qu'il y en a qui ont guéri quoique la bale foit demeurée dans la plaie : mais cela arrive fi rarement, que prenant ce qui arrive le plus fouvent comme une regle générale, nous pouvons dire que tous les corps étrangers reftés dans les plaies empêchent qu'elles ne guériffent, & qu'il faut employer tous les moyens que la Chirurgie nous préfente pour les avoir au plutôt car fi on differe, la partie fe tumefie, & on a beaucoup plus de peine que fi on s'y étoit pris peu de tems après qu'on a été bleffé: il faut donc avant que de pofer le premier appareil, retirer le corps

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