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PREMIÈRE PARTIE

TRAVAUX PRÉPARATOIRES A LA SESSION D'ÉDIMBOURG DE 1904

Nous ne reproduisons, dans cette partie de l'Annuaire, que les textes des projets à examiner et les nouveaux rapports. Pour les questions portées à l'ordre du jour de la session d'Edimbourg et qui ont été l'objet de rapports insérés dans les Annuaires Codification Régime juridique des aérostats

antérieurs

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du droit international privé Conflits de lois en matière d'obligations Conflits de lois relatifs à la dépossession de titres au porteur Conséquences et applications dans les matières de droit pénal de la règle que la capacité d'une personne et ses rapports de famille sont régis par sa loi nationale, voir l'Annuaire de 1902.

I

Traités d'arbitrage entre États. — Examen des projets récemment adoptés par les Puissances

Rapport sur les progrès récents de l'arbitrage international. Proposition de constituer une commission permanente

pour l'étude des questions qui se rattachent à la Cour de La Haye, par Sir Thomas Barclay.

Une des premières œuvres de l'Institut après sa fondation en 1873 a été de formuler un règlement qui régirait l'exercice pratique de l'arbitrage international. Ce règlement fut voté à notre réunion à La Haye, il y a vingt-neuf ans. Je suis un de

ceux, devenus maintenant malheureusement trop rares, qui ont assisté à cette inauguration d'une question, qui est devenue peut-être la plus importante et la plus actuelle du droit international, dans une ville où l'Arbitrage international a depuis reçu sa plus grande consécration dans ce Congrès de la Paix qui a créé la Cour de La Haye.

de

Le règlement de 1875 n'a plus aujourd'hui, peut-être, un très grand intérêt au point de vue pratique, mais on ne peut s'occuper de l'histoire de l'Arbitrage, et surtout de la procédure arbitrale, sans se rendre compte de la grande influence qu'il a eue sur l'esprit de ceux qui ont eu successivement à traiter la question. C'était la première fois qu'on avait essayé de généraliser la procédure arbitrale ou de rattacher l'arbitrage au droit international, non plus comme simple matière empirique, mais comme faisant partie intégrante du droit théorique et scientifique. Ayant réglé la procédure, l'Institut ne s'en est plus occupé que temps en temps pour constater les progrès que faisait ce moyen pacifique de régler les différends entre les nations. Mais que de chemin n'a-t-on pas fait depuis la réunion de 1875! A ce momentlà, l'idée d'un traité permanent d'Arbitrage n'avait été conçue que par des philosophes, des rêveurs et des philanthropes. Elle n'avait pas encore paru même sur l'horizon le plus éloigné des juristes. Certes, j'ai entendu formuler par mon regretté ami, Henry Richard, à la réunion de l'Association pour la réforme et codification du Droit international, qui avait lieu, en même temps que celle de l'Institut, en 1875 à La Haye, la proposition de créer « un tribunal autorisé investi de tous les attributs et les pouvoirs d'une Cour de justice pour juger entre les nations civilisées, comme la Cour suprême de la Fédération américaine, le fait entre les différents États des États-Unis ». C'était un rêve qui provoquait des sourires, presque de pitié! Tout est maintenant changé. Ce qui paraissait un rêve est devenu une réalité. Ce qui paraissait impossible, même presque de la folie, est devenu non seulement possible, mais là-dessus s'est greffée

une nouvelle idée, l'idée que les États peuvent s'obliger à déférer leurs différends au jugement d'une Cour indépendante.

Le sujet de l'Arbitrage international, en effet, a traversé tant de nouvelles phases qu'il y a lieu maintenant d'en renouveler l'étude. Il a obtenu une si immense importance, surtout récemment, que nous paraissons entrer dans un siècle où enfin les nations accepteront la possibilité d'avoir tort: car aucune idée n'a été plus insultée que celle que la justice pourrait être observée, reconnue, appliquée dans les relations entre les nations. Les hommes d'État, les juristes, les romanciers comme les généraux invoquaient supérieurement la nécessité de la guerre. C'était même une chose divine ordonnée dans l'écriture sainte, chose indispensable pour développer le courage, l'héroïsme, l'abnégation, toutes les belles qualités de l'àme humaine. Le maréchal de Molkte n'a-t-il pas dit que le monde sans guerre serait horrible à contempler! Les progrès de la démocratie ont chassé de la pensée moderne ces vestiges d'un àge barbare. Il n'y a heureusement plus que quelques énergumènes de la politique, quelques vieux généraux, un romancier français et quelques très jeunes patriotes pour défendre les bienfaits de la guerre. Les hommes d'État instruits après une amère expérience ont appris que la guerre ne résout rien, qu'elle n'est qu'un nouveau commencement de haines et de conflits, qu'elle enlève à la population ses citoyens les plus valides, mine les industries, bouleverse le trésor public et laisse derrière elle presque autant de ruines pour le victorieux que pour le vaincu. Ils se sont réunis à La Haye et d'un commun accord ont « déclaré leur ferme volonté de concourir au maintien de la paix générale ». Vous connaissez trop bien les dispositions contenues dans la Convention du 29 juillet 1899 pour que j'aie besoin de vous les rappeler. Elles ont donné un caractère pratique à l'œuvre que nous avons inaugurée en 1875. Vous rappelez-vous avec quelle méfiance une partie de la presse de l'Europe a accueilli cette œuvre? On disait, les uns avec ironie, les autres avec désespoir, que les gouverne

ments avaient souscrit à cet Acte par déférence pour son Auguste Initiateur et qu'au fond de leur âme ils se moquaient profondément de son contenu. Les critiques ont souligné surtout les échappatoires par lesquelles les gouvernements pouvaient se soustraire aux effets de l'Acte. On faisait surtout remarquer que la plus grande puissance militaire de l'Europe, l'Allemagne, avait refusé son adhésion à la disposition par laquelle les États devaient s'obliger d'avoir recours à l'arbitrage pour toutes les affaires n'impliquant ni l'honneur national ni un intérêt vital. Il est vrai qu'on a dû attendre quelque temps pour voir des États s'adresser au tribunal. M. d'Estournelles de Constant est allé en Amérique pour demander l'appui de la puissante jeune république. Il ne lui a pas été ménagé et le Président Roosevelt a donné à la Cour son premier procès dans l'affaire du fonds pieux mexicain. Si les gouvernements ont eu une certaine hésitation au commencement, on ne peut pas dire que cette hésitation ait persisté très longtemps. Cela tient surtout à certaines circonstances dans les relations entre le Royaume-Uni et la France, qui ont amené une attitude très prononcée en faveur de l'arbitrage de la part de l'opinion publique de toute l'Europe.

Vous vous rappelez le commencement de l'année 1900. La guerre entre l'Angleterre et la France, à ce moment, paraissait être devenue presque inévitable. Les nombreuses questions qui existaient entre elles s'aggravaient. Les deux barques de l'État n'obéissaient plus à leurs gouvernails et une collision paraissait imminente. A ce moment critique, M. Lavisse écrivait dans la Revue de Paris (Janvier 1900):

« Il y a quelques années, si l'on cherchait dans le monde les causes des conflits possibles, on trouvait la question d'Alsace, la rivalité de l'Angleterre et de la Russie en Perse et en ExtrêmeOrient, celle de la Russie et de l'Autriche dans les Balkans, les luttes des nationalités balkaniques, celles des races de la monarchie austro-hongroise; à quoi s'est ajouté plus récemment le développement de la politique extérieure des États-Unis. Un

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