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nationale; Qu'il a entrepris une suite de guerres en violation de l'article 50 de l'acte des constitutions du 22 frimaire an VIII, qui veut que la déclaration de guerre soit proposée, discutée, décrétée et promulguée comme des lois; - Qu'il a inconstitutionnellement rendu plusieurs décrets portant peine de mort, nommément les deux décrets du 5 mars dernier, tendant à faire considérer comme nationale une guerre qui n'avait lieu que dans l'intérêt de son ambition démesurée; Qu'il a violé les lois constitutionnelles par ses décrets sur les prisons d'État (1); Qu'il a anéanti la responsabilité des ministres, confondu tous les pouvoirs et détruit l'indépendance des corps judiciaires ; — Considérant que la liberté de la presse, établie et consacrée comme l'un des droits de la nation, a été constamment soumise à la censure arbitraire de sa police et qu'en même temps il s'est toujours servi de la presse pour remplir la France et l'Europe de faits controuvés, de maximes fausses, de doctrines favorables au despotisme, et d'outrages contre les gouvernements étrangers; Que des actes et rapports entendus par le Sénat ont subi des altérations dans la publication qui en a été faite ;- Considérant qu'au lieu de régner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français aux termes de son serment, Napoléon a mis le comble aux malheurs de la patrie, par son refus de traiter à des conditions que l'intérêt national obligeait d'accepter, et qui ne compromettaient pas l'honneur français; Par l'abus qu'il a fait de tous les moyens qu'on lui a confiés en hommes et en argent; — Par l'abandon des blessés sans pansements, sans secours, sans subsistances; Par différentes mesures dont les suites étaient la ruine des villes, la dépopulation des campagnes, la famine et les maladies contagieuses; Considérant que, par toutes ces causes, le gouvernement impérial établi par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII a cessé d'exister, et que le vœu manifeste de tous les Français appelle un ordre de choses dont le premier résultat soit le rétablissement de la paix générale, et qui soit aussi l'époque d'une réconciliation solennelle entre tous les États de la grande famille européenne; LE SÉNAT DÉCLARE et DÉCRÈTE ce qui suit:

Art. 1er. Napoléon Bonaparte est déchu du trône, et le droit d'hérédité établi dans sa famille est aboli.

2. Le peuple français et l'armée sont déliés du serment de fidélité envers Napoléon Bonaparte.

3. Le présent décret sera transmis par un message au Gou

(1) D. 3 mars 1810.

vernement provisoire de la France, envoyé de suite à tous les départements et aux armées, et proclamé incessamment dans tous les quartiers de la capitale (1).

CONSTITUTION FRANÇAISE

DU 6 AVRIL 1814 (2) (3)

Art. 1er. Le Gouvernement français est monarchique et héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture.

2. Le peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier Roi, et après lui les autres membres de la maison de Bourbon, dans l'ordre ancien.

3. La noblesse ancienne reprend ses titres : la nouvelle conserve les siens héréditairement. La légion d'honneur est maintenue avec ses prérogatives; le Roi déterminera la décoration.

4. Le pouvoir exécutif appartient au Roi.

5. Le Roi, le Sénat et le Corps législatif, concourent à la formation des lois. Les projets de loi peuvent être également proposés dans le Sénat et dans le Corps législatif. Ceux relatifs

aux contributions ne peuvent l'être que dans le Corps législatif. Le Roi peut inviter également les deux corps à s'occuper des objets qu'il juge convenables. La sanction du Roi est nécessaire pour le complément de la loi.

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6. Il y a cent cinquante sénateurs au moins, et deux cents au plus. Leur dignité est inamovible et héréditaire de mâle en mâle, par primogéniture. Ils sont nommés par le Roi. — Les sénateurs actuels, à l'exception de ceux qui renonceraient à la qualité de citoyens français, sont maintenus et font partie de ce nombre. La dotation actuelle du Sénat et des sénatoreries leur appartient. Les revenus en sont partagés également entre eux, et passent à leurs successeurs. Le cas échéant de la mort d'un sénateur sans postérité masculine directe, sa portion retourne au

(1) Cf. Acte du 3 avril 1814, par lequel le Corps législatif « considérant que Napoléon Bonaparte a violé le pacte constitutionnel », adhérant à l'acte du Sénat, à reconnaît et déclare la déchéance de Napoléon Bonaparte et des membres de sa famille ». (B. L., 5a série I, no 9, p. 9.)

(2) Coll. B. L., 5o série, I, no 13, p. 14.

(3) Le 7 avril, le Corps législatif à l'unanimité adhère à l'acte constitutionnel voté par le Sénat (Arch. parl., 2o série, XII, p. 13).

trésor public. Les sénateurs qui seront nommés à l'avenir, ne peuvent avoir part à cette dotation (1).

7. Les princes de la famille royale et les princes du sang sont, de droit, membres du Sénat. On ne peut exercer les fonctions de sénateur qu'après avoir atteint l'âge de majorité.

8. Le Sénat détermine les cas où la discussion des objets qu'il traite doit être publique ou secrète.

9. Chaque département nommera au Corps législatif le même nombre de députés qu'il y envoyait. - Les députés qui siégeaient au Corps législatif lors du dernier ajournement, continueront à y siéger jusqu'à leur remplacement. Tous conservent leur traitement. A l'avenir ils seront choisis immédiatement par les collèges électoraux, lesquels sont conservés, sauf les changements qui pourraient être faits par une loi à leur organisation. La durée des fonctions des députés au Corps législatif est fixée à cinq années. Les nouvelles élections auront lieu pour la

session de 1816.

10. Le Corps législatif s'assemble de droit chaque année le 1er octobre. Le Roi peut le convoquer extraordinairement. Il peut l'ajournér; il peut aussi le dissoudre mais, dans ce dernier cas, un autre Corps législatif doit être formé au plus tard dans les trois mois, par les collèges électoraux.

11. Le Corps légistatif a le droit de discussion. Les séances sont publiques, sauf le cas où il juge à propos de se former en comité général.

12. Le Sénat, le Corps législatif, les collèges électoraux et les assemblées de canton, élisent leur président dans leur sein.

13. Aucun membre du Sénat ou du Corps législatif ne peut être arrêté sans une autorisation préalable du corps auquel il appartient. - Le jugement d'un membre du Sénat ou du Corps législatif, accusé, appartient exclusivement au Sénat.

14. Les ministres peuvent être membres, soit du Sénat, soit du Corps législatif.

15. L'égalité de proportion dans l'impôt est de droit. Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été librement consenti par le Corps législatif et par le Sénat. L'impôt foncier ne peut être établi que pour un an. Le budget de l'année suivante et les comptes de l'année précédente sont présentés chaque année au Corps législatif et au Sénat, à l'ouverture de la session du Corps législatif.

16. La loi déterminera le mode et la quotité du recrutement de l'armée.

(1) Cf. Ord. 4 juin 1814.

17. L'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie. Nul ne peut être distrait de ses juges naturels. L'institution des jurés est conservée, ainsi que la publicité des débats en matière criminelle. La peine de la confiscation des biens est abolie.

Le Roi a le droit de faire grâce.

18. Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus; leur nombre ne pourra être diminué ou augmenté qu'en vertu d'une loi. Les juges sont à vie et inamovibles, à l'exception des juges de paix et des juges de commerce. Les commissions et les tribunaux extraordinaires sont supprimés, et ne pourront être rétablis.

19. La cour de cassation, les cours d'appel et les tribunaux de première instance proposent au Roi trois candidats pour chaque place de juge vacante dans leur sein: le Roi choisit l'un des trois. Le Roi nomme les premiers présidents et le ministère public des cours et des tribunaux.

20. Les militaires en activité, les officiers et soldats en retraite, les veuves et les officiers pensionnés, conservent leurs grades, leurs honneurs et leurs pensions.

21. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Tous les actes du Gouvernement sont signés par un ministre. Les ministres sont responsables de tout ce que ces actes contiendraient d'attentatoire aux lois, à la liberté publique et individuelle, et aux droits des citoyens.

22. La liberté des cultes et des consciences est garantie. Les ministres des cultes sont également traités et protégés.

23. La liberté de la presse est entière, sauf la répression légale des délits qui pourraient résulter de l'abus de cette liberté. Les commissions sénatoriales de la liberté de la presse et de la liberté individuelle sont conservées.

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24. La dette publique est garantie. - Les ventes des domai-` nes nationaux sont irrévocablement maintenues.

25. Aucun Français ne peut être recherché pour les opinions ou les votes qu'il a pu émettre.

26. Toute personne a le droit d'adresser des pétitions individuelles à toute autorité constituée.

27. Tous les Français sont également admissibles à tous les emplois civils et militaires.

28. Toutes les lois actuellement existantes restent en vigueur, jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé. Le Code des lois civiles sera intitulé Code civil des Français.

29. La présente Constitution sera soumise à l'acceptation du peuple français dans la forme qui sera réglée. LOUIS-STANISLAS

TEXTES.

16

XAVIER sera proclamé Roi des Français, aussitôt qu'il aura juré et signé par un acte portant: J'accepte la Constitution; je jure de l'observer et de la faire observer. Ce serment sera réitéré dans la solennité où il recevra le serment de fidélité des Français.

Déclaration du roi du 2 mai 1814 (1) (2).

Rappelés (3) par l'amour de notre peuple au trône de nos pères, éclairés par les malheurs de la nation que nous sommes destinés à gouverner, notre première pensée est d'invoquer cette confiance mutuelle si nécessaire à notre repos, à son bonheur. Après avoir lu attentivement le plan de constitution proposé par le Sénat dans sa séance du 6 avril dernier, nous avons reconnu que les bases en étaient bonnes, mais qu'un grand nombre d'articles portant l'empreinte de la précipitation avec laquelle ils ont été rédigés, ils ne peuvent dans leur forme actuelle devenir lois fondamentales de l'État. Résolus d'adopter une constitution libérale, nous voulons qu'elle soit sagement combinée; et ne pouvant en accepter une qu'il est indispensable de rectifier, nous convoquons pour le 10 du mois de juin de la présente année le Sénat et le Corps législatif, nous engageant à mettre sous leurs yeux le travail que nous aurons fait avec une commission choisie dans le sein de ces deux corps, et à donner pour base à cette constitution les garanties suivantes : - Le gouvernement représentatif sera maintenu tel qu'il existe aujourd'hui, divisé en deux corps, savoir: Le Sénat, et la Chambre composée des députés des départements. L'impôt sera librement consenti; — La liberté publique et individuelle assurée ; — La liberté de la presse respectée, sauf les précautions nécessaires à la tranquillité publique; - La liberté des cultes garantie. Les propriétés seront inviolables et sacrées; la vente des biens nationaux restera irrévocable. - Les ministres, responsables, pourront être poursuivis par une des chambres législatives, et jugés par l'autre. Les juges seront inamovibles, et le pouvoir judiciaire indépendant. La dette publique sera garantie; les pensions, grades, honneurs militaires seront conservés, ainsi que l'ancienne et la nouvelle noblesse. La légion d'honneur, dont nous déterminerons la décoration, sera maintenue. Tout Français sera admissible aux emplois civils et militaires. Enfin nul individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et ses votes.

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(1) Coll. B. L., 5e série, I, no 89, p. 75.

(2) Déclaration dite de Saint-Ouen.

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(3) L'emploi du pluriel est constant dans le B. L. le cette époque.

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