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peut aussi recourir aux mesures de police, dissoudre une réunion, ce qui vaut interdiction pour l'avenir, et suppression pratique de l'association. Quant aux biens, à défaut d'attribution formelle ou du pouvoir de disposer de l'association, ils doivent être répartis entre les membres. L'extinction d'une commune, comme sa création, est inspirée surtout par l'intérêt public et décidée par l'Etat, qui peut entendre et même solliciter les vœux des intéressés. Les biens sont répartis par l'acte qui statue; la considération du territoire est prépondérante.

Un appendice contient une esquisse de droit administratif international et fédéral.

FÉLIX MOREAU,

Professeur à la Faculté de Droit d'Aix.

REVUE DES PÉRIODIQUES

LOUIS VIGOUROUX,

-

PERIODI QUES FRANÇAIS

1o Revue bleue

Les biens ecclésiastiques après la séparation des Eglises et de l'Etat (15 avril 1905).

Quand sera proclamée la liberté de conscience le libre exercice et l'égalité complète de tous les cultes, enfin la rupture des derniers liens qui attachent la République aux églises qu'elle subventionne, il s'agira de savoir qu'elle sort sera réservé aux biens actuellement détenus par les établissements publics du culte meuses, fabriques, conseils presbytéraux et consistoires. Ces établissements qui constituent légalement des personnes morales reconnues par l'Etat, dès qu'ils seront affranchis de la tutelle administrative, vont disparaître et sans doute se reconstituer sous des formes nouvelles.

A qui leurs biens seront-ils attribués et à quelles conditions ?

Tout d'abord quels sont ces biens? Il ne s'agit pas ici des édifices du culte appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes ou quelquefois aux fidèles, mais il s'agit des revenus qui constituent la dotation des évêchés, des chapitres, cures, etc., ou qui permettent aux fabriques de subvenir aux dépenses du culte et à l'entretien des édifices religieux.

Ces capitaux qui proviennent soit de biens ecclésiastiques non aliénés pendant la Révolution, soit de donations, legs, acquisitions ou échanges, soit de contributions ou offrandes versées par les fidèles, représentent au total une valeur approchée de trois cents millions.

Sous le régime concordataire, ces biens ne peuvent être aliénés, échangés ni hypothéqués sans l'autorisation de l'Etat. C'est qu'ils appartiennent en réalité à la collectivité des fidèles pour les besoins du culte et personne n'est autorisé à les détourner de leur destination. Le Concordat dénoncé, les devoirs de l'Etat à cet égard resteront les mêmes; il veillera comme par le passé à ce que les intentions connues ou présumées de ceux qui les ont donnés soient dans la suite fidèlement respectées.

Aucune personne morale en effet ne peut exister sans la participation plus ou moins effective des pouvoirs publics lors de sa fondation et pendant tout le cours de son existence. Même après la dissolution de la personne morale, l'Etat doit empêcher que les derniers adhérents ne se partagent les dépouilles de l'association défunte et veiller à ce que ces biens soient transférés aux œuvres qui se proposent un objet semblable ou analogue.

Le gouvernement de la République ne saurait donc se désintéresser de la transmission des biens actuellement détenus par les établissements publics du culte aux personnes morales qui vont les remplacer. Il mettra donc en possession de ces biens les associations futures qui assureront le fonctionnement des différentes œuvres entreprises suivant les intentions des donateurs, mais la création

ne sera pas

de nouvelles personnes morales conformément au droit commun toujours indispensable. Ainsi il sera juste que les hospices, les bureaux de bienfaisance qui s'acquittent des obligations assumées jadis par le clergé soient mis en possession des ressources laissées par des personnes charitables et il est équitable de mettre ces ressources à la disposition des établissements dont le but et le fonctionnement se rapprochent le plus des intentions exprimées par les donateurs.

Aussi presque tous les auteurs de projets ou d'amendements stipulent l'attribution des biens ecclésiastiques, grevés d'une affectation charitable à des établissements publics d'assistance ou à des services d'utilité publique d'un caractère analogue.

En même temps la disparition d'un établissement public entraîne le retour à l'Etat des biens dont il avait été doté par l'Etat. Or certains partisans convaincus de la séparation désirent que la jouissance gratuite de ces biens soit laissée aux associations qui vont se former pour assurer l'exercice du culte, à condition qu'ils ne puissent être détournés de leur véritable destination sans l'autorisation des pouvoirs publics.

A l'objection qu'on leur fait de l'incompatibilité d'une telle conception avec la séparation absolue, ils répondent que c'est ainsi que l'Etat agit envers toutes les associations auxquelles le droit d'acquérir et de posséder est indispensable pour remplir leur mission.

Du reste, ceux qui proposent le retour à l'Etat des biens dont il a doté les établissements publics du culte et l'affectation à des institutions d'assistance de ceux qui ont été donnés par des personnes charitables provoquent aussi bien l'intervention des pouvoirs publics pendant la période transitoire. En effet, le gouvernement attendra-t-il dans l'inactivité que les représentants des différents cultes viennent lui remettre les titres de propriété des biens dont la loi va leur retirer la garde? Les laissera-t-il constituer la plus formidable mainmorte qu'on ait jamais vue?

Le gouvernement doit assurer la tranquillité de l'Etat et la conservation des biens destinés à l'exercice du culte, au même titre qu'il doit assurer la conservation des biens des autres associations semblables. Il devra donc prendre les mesures nécessaires pour empêcher les nouvelles associations qui se substitueront aux anciennes de faire disparaître ou de mal employer les biens mis à leur disposition.

La commission, elle, s'est montrée très rigoureuse dans l'application du principe de séparation. Elle estime que si les pouvoirs publics s'immisçaient dans la dévolution et la gestion des biens ecclésiastiques, la séparation ne serait pas complète et définitive. Les observations qui précèdent ont montré que ces scrupules étaient exagérés ; de plus la méthode adoptée par la commission ne laisse pas de présenter de sérieux dangers politiques. Quelques concessions à nos principes ont déjà été faites, il est à souhaiter que l'on continue dans cette voie.

Suivant la solution qui aura prévalu le grand débat qui se déroule devant le pays finira par aboutir à la pacification des esprits ou bien à la recrudescence du fanatisme religieux et du fanatisme antireligieux,

P. SAMSON.

GEORGES CAHEN.

Les associations de fonctionnaires et le syndica

lisme (3 et 17 juin, 8 et 22 juillet, 5 et 26 août 1905).

A mesure que l'Etat prend conscience des devoirs qui lui incombent et que ses fonctions se développent, augmente nécessairement le nombre de ceux qui le servent. Les membres du Parlement, comprenant que toute évolution naturelle des institutions démocratiques tend naturellement à l'accroissement des fonctionnaires, proclament la nécessité de hautes réformes et votent des résolutions, des vœux, des projets de lois. Mais dès qu'ils sont réunis dans l'enceinte législative, ils oublient leurs promesses, veulent avant tout sauvegarder leur situation électorale et redeviennent des courtiers en faveurs. De même le gouvernement et l'administration sont animés des plus louables intentions, mais leur persévérance est bien vite lassée et devant le mauvais vouloir des bureaux ils négligent leurs plans de réformes. Aussi devant ces défaillances, ce sont les fonctionnaires eux-mêmes qui font entendre leurs faibles voix dans le tumulte des luttes politiques. Mais isolés, que peuvent-ils ? L'union seule peut les rendre assez puissants pour imposer leurs revendications à l'attention publique. Groupés, ils essaient de lutter contre les abus, et ainsi sont nées les associations de fonctionnaires. Pour apprécier les résultats de ce mouvement d'une haute importance sociale, il est nécessaire d'en étudier l'évolution, d'en pénétrer l'organisme et le fonctionnement, d'étudier les revendications et l'action de ces associations. Enfin de ce cadre trop étroit est né le syndicalisme dont l'influence est énorme même dans l'administration.

Certes il serait difficile de faire l'histoire détaillée de ce mouvement, mais on peut au moins tenter de faire le dénombrement suivant des plus importantes associations actuellement existantes. En 1855 se réunissait le Cercle amical des conducteurs des ponts et chaussées qui, en cette espèce, ont joué le rôle de véritables pionniers; en 1890 elle comptait 1.600 membres aujourd'hui elle n'en comprend pas moins de 4.500. De cette souche même se sont détachés plusieurs rameaux: les groupes dissidents formés par les commis des ponts et chaussées, par les contrôleurs des mines et surtout par les ingénieurs des ponts et chaussées qui ont constitué des associations autonomes. Puis ce sont les Amicales d'instituteurs qui comptent actuellement plus de go.000 membres et qui, groupés, forment une seule fédération. Chez les agents des postes et télégraphes le mouvement associationniste est récent, mais son développement a été extrêmement fécond. En 1900 seulement quelques-uns d'entre eux prirent l'initiative d'une union, et grâce à la collaboration du sous secrétaire d'Etat qui leur assura sa bienveillance et son concours, l'association générale des postes, télégraphes et téléphones comptait 13.500 membres au bout de cinq années d'existence. En même temps on voyait entrer en campagne une autre armée, celle des sous-agents des postes, c'est-à-dire de ceux qui dans cette administration portent un uniforme; grâce au concours de M. Millerand ils constituèrent une association fortement disciplinée. Mais tous ces exemples ne pouvaient pas rester sans imitateurs et d'autres fonctionnaires essayaient ainsi de s'associer des tentatives analogues émanent des agents des contributions indirectes, mais ils sont moins heureux, car ils se heurtent à d'opiniâtres résistances. Enfin il y a peu de jours, apparaissait au jour une nouvelle ligue, celle des petits fonctionnaires, qui prétend grouper tous ceux dont le traitement n'est pas supérieur à 2.000 francs. Bref le mouvement associationniste est semblable à un torrent impétueux qui se fraie péniblement, mais sûrement un lit à travers les rocs ; et cependant l'action se régularise, elle se fait moins violente et par suite elle est plus féconde. Aujour

d'hui 220 000 fonctionnaires, groupés en associations, constituent des petites troupes bien disciplinées et bien fortes; demain qui sait? ce sera peut-être une armée de 500.000 hommes.

Cette armée ne pourra assurer le succès de son action que si elle se conforme de plein gré à une rigoureuse discipline. Et d'abord elle doit compter à sa tête des chefs dont l'influence est prépondérante et continue; la force résulte alors de la centralisation. Et d'ailleurs cette préoccupation importante se dégage de la lecture des statuts et des circulaires des sociétés diverses: il faut que le lien qui dans la fédération unit plusieurs associations soit dans des mains fermes et expérimentées. Les cantonniers ont comme chef un publiciste, Jean Vésone, dont l'activité est illimitée; dans tous les banquets et dans toutes les réunions M. Coignet est acclamé comme « le Père des Gabelous »; bref des individualités marquantes dont l'influence continue coordonne l'action des groupements. Mais d'autre part dans les associations à type unitaire apparaît une tendance contraire on prend toutes les précautions utiles pour empêcher l'absorption et l'accaparement par ces chefs: les présidents ne sont élus que pour un délai très bref, ce ne sont que des délégués, des préposés à l'exécution.

Une condition non moins nécessaire pour le succès des associations, c'est l'entente entre les sociétés ressortissant des mêmes administrations, ou réunissant des agents de même ordre. C'est ainsi qu'entre les huit groupements dissidents des postes et télégraphes s'est créée une « Fédération des Associations professionnelles des postes et télégraphes »; elle laisse à chacune d'elles son autonomie pleine et entière, mais elle a un objet unique et les décisions du Comité central sont obligatoires pour tous. Enfin une étape nouvelle, pleine de conséquences, vient d'être franchie ce ne sont plus seulement les agents du même ordre qui se rapprochent, mais l'union s'établit entre tous les fonctionnaires de France. Tous, qu'ils émargent au budget de l'Etat, des départements et des communes, tous estiment qu'ils ont des intérêts communs à défendre et ils veulent créer un organisme puissant qui les servira tous; à cet effet ils viennent de constituer une « Fédération générale des associations professionnelles des employés civils de l'Etat ». Bref, partout les forces éparses s'agglomèrent et les groupes s'organisent.

Au succès de ces associations est subordonnée une propagande très vive et très disciplinée. Or les fonctionnaires connaissent trois maîtres; l'administration, le Parlement et l'opinion publique; ils doivent donc s'efforcer de conquérir la sympathie de ces trois autorités. Et d'abord ils s'adressent aux chefs hiérarchiques, aux directeurs et aux ministres, car c'est à eux qu'incombent la marche du service et le soin de veiller à son fonctionnement régulier. C'est ainsi que l'entente semble des plus sincères entre le groupement des agents des postes et télégraphes et les sous-secrétaires d'Etat. Mais cet exemple n'est guère suivi, car dans la plupart des branches de l'administration les rapports ne sont plus empreints de cette même cordialité et les relations restent dépourvues de cette confiance qui crée l'union sincère et durable. Aussi, voyant leurs chefs se dérober, les fonctionnaires s'adressent directement aux membres du Parlement. Dès lors, députés et sénateurs doivent recueillir les plaintes et soutenir les vœux de la collectivité. C'est ainsi qu'afin de répondre à toutes les éventualités, chaque association a jugé utile de s'assurer, au sein des Chambres, un ou plusieurs patronages. Bien plus, dans ce même but, des relations officielles se sont établies entre le Parlement et ces associations, car c'est de concert qu'on doit étudier les réformes; c'est ainsi que les vœux des associations des agents et sous-agents

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