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comptables (1); 4° primes d'armement (2); 5o déchéance d'un concessionnaire de mines (3); 6o contestation entre l'Etat et un département en ce qui concerne le contingent de l'Etat dans les dépenses intérieures des enfants assistés (4); 7° rappel des arrérages de traitement d'un fonctionnaire (5) ou d'un titulaire de la Légion d'Honneur (6), etc., etc.

Ces solutions sont logiquement déduites des textes. Le juge quelle que soit son opinion personnelle - ne peut pas refaire la loi, alors que le législateur a formulé une règle catégorique.

Il n'en est pas moins certain que les sentiments d'équité sont profondément blessés par cette règle. Comme le disait très justement Chauveau, « la raison d'économie... ne saurait être d'aucun poids... Vouloir se soustraire au paiement des frais, sous prétexte d'économie, serait de la part de l'administration une criante injustice » (7).

La seule solution satisfaisante paraît être un retour à la loi du 3 mars 1849 (8). C'est là une idée qui fait lentement son chemin dans les esprits. Elle a certainement inspiré la loi du 17 avril 1906 (art. 14).

Dans cette loi, on a abordé le problème par le petit côté. C'est à un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui est en même temps député M. de Ramel, que revient le mérite d'avoir provoqué la réforme. Son expérience des affaires lui a montré que, dans certains cas, la règle légale était d'une iniquité particulièrement révoltante et en opposition flagrante avec les tendances les plus certaines de la législation et de la jurisprudence. Ces hypothèses sont d'abord celle du recours pour excès de pouvoir et, en second lieu, celle des recours en matière de pensions. Le droit positif français, depuis longtemps, s'est montré favorable à ces deux sortes de recours juridictionnels.

D'après le décret du 2 novembre 1864, article 1er : « Seront jugés sans autres frais que les droits de timbre et d'enregistrement: les recours portés devant le Conseil d'Etat, en vertu de la loi des 7-14 octobre 1790, contre les actes des autorités administratives, pour incompétence ou excès de pou

l'article 4 du décret du 2 novembre 1864; ainsi les conclusions à fin de dépens doivent être rejetées ».

(1) C. d'Etat, 26 avril 1901, Joffroy, Rec., p. 393 recours contre la décision du ministre des Finances qui avait mis à la charge d'un receveur de l'enregistrement le montant de sommes qui avaient été détournées.

(2) C. d'Etat, 29 mars 1901, Gautier, Rec. p. 365, recours formé contre une décision par laquelle le ministre déclare un armateur en débet d'une somme double d'une prime d'armement qu'il avait indûment touchée.

(3) Conseil d'Etat, 13 novembre 1903, Hans, Rec., p. 679; 18 novembre 1904, Perreau, Rec., p. 725; 16 décembre 1904, Chalmeton, Rec., p. 832.

(4) Conseil d'Etat, 3 juillet 1903, département de la Seine, Rec., p. 490.

(5) Conseil d'Etat, 9 juin 1899, Toulain, Rec., p. 421.

(6) Conseil d'Etat, 22 juin 1900, de Chabanne, p. 422.

(7) Cité par JACQUELIN, op. cit., p. 419.

(8) En ce sens, Chauveau, op. et loc. cit.; Jacquelin, op. et loc. cit.

voir, les recours contre les décisions portant refus de liquidation ou contre les liquidations de pensions. Le pourvoi peut être formé sans l'intervention d'un avocat au Conseil d'Etat... ».

C'est là il faut le reconnaître

une règle extrêmement avantageuse pour les administrés. Mais quelque réduits que soient les frais de timbre et d'enregistrement, il s'agit toujours pour les requérants de débourser une cinquantaine de francs.

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Et c'est un débours sans espoir de restitution, puisque, dans le recours pour excès de pouvoir comme dans les recours en matière de pensions, l'administration ne peut jamais être condamnée aux dépens. Dès lors, tout individu victime d'un abus de pouvoir, d'un refus ou d'une liquidation arbitraire de pension, qui n'avait pas les moyens de dépenser cinquante francs, devait subir l'iniquité qu'on lui infligeait, quelque grave qu'elle pût être, quelque légitime que fût sa réclamation. Alors même que, sur son recours, l'administration, reconnaissant ses torts, retirait elle-même l'acte attaqué ou revenait sur sa décision primitive, et rendait ainsi inutile le recours, les frais exposés par le requérant ne lui étaient pas remboursés. Sans doute, les requérants avaient la ressource de l'assistance judiciaire; mais l'assistance judiciaire ne va pas sans démarches, sans déplacements; il faut fournir des pièces, etc. Les petits administrés souffraient donc de cet état de choses; l'obligation de dépenser cinquante francs arrêtait beaucoup de réclamations légitimes (1).

Manifestement, c'est là un résultat contraire au mouvement qui, au cours de ces dernières années, a, d'un côté, poussé la jurisprudence du Conseil d'Etat à atténuer la rigueur des fins de non-recevoir, afin de faciliter le contrôle de la légalité des actes administratifs par le recours pour excès de pouvoir, et, d'un autre côté, amené le législateur à améliorer considérablement la situation pécuniaire des petits fonctionnaires.

Le remède le plus simple et le plus correct aurait été de déclarer les articles 1030 et s. du Code de procédure civile applicables à l'administration. C'est, en définitive, ce que proposait M. de Ramel (2). Ce n'est pas ainsi qu'on a procédé. Le Parlement a consacré une solution encore plus favorable, mais très curieuse, que M. de Ramel a attribuée à l'administration de l'enregistrement (3). C'est, à peu de chose près, le bénéfice de l'as

(1) Chambre des députés, Off., Débats, p. 1456, 2° séance du 19 mars 1906: M. de Ramel Dans l'état actuel des choses, on assiste à un spectacle vraiment étonnant et choquant la partie qui triomphe sur le pourvoi en excès de pouvoir n'en est pas moins condamnée à payer le droit d'enregistrement de l'arrêt et, en outre, supporte l'enregistrement de son pourvoi».

(2) Voici le texte de la proposition de M. de Ramel : « En matière d'excès de pouvoir et de pensions civiles et militaires, les droits d'enregistrement du recours au Conseil d'Etat et de timbre payés par le demandeur lui seront restitués et il sera dispensé du droit d'enregistrement de l'arrêt, si la décision attaquée est annulée. L'arrêt qui statuera sur le recours devra, en ce cas, ordonner cette restitution >>.

(3) 2 séance du 19 mars 1906, Off., Débats, p. 1456 « Je reçois pleine et entière

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sistance judiciaire pour tous les requérants en matière d'excès de pouvoir et de pensions. On ne peut pas dire que le Parlement ait hésité sur le parti à prendre; dans aucune des deux Chambres, en effet, il n'y a eu de discussion (1).

L'article 4 de la loi de finances du 17 avril 1906 (2), a substitué au régime de l'article 1er du décret du 2 novembre 1864 (3) les solutions suivantes : 1o Les recours pour excès de pouvoir (4) et les recours contre les décisions portant refus de liquidation ou contre les liquidations de pensions continuent à bénéficier de la dispense du ministère d'avocat (5). - Sur ce point, il n'y a rien de changé à la situation antérieure.

20 Comme par le passé, les requêtes en ces deux matières devront être ré igées sur papier timbré et enregistrées, à peine de non recevabilité (6). 3o L'enregistrement des requêtes ne donne pas lieu à la perception immédiate des droits d'enregistrement (7). Les recours sont enregistrés en

satisfaction par la rédaction de la commission; ... il me suffit qu'elle (ma proposition) soit acceptée sous la forme que l'administration de l'enregistrement a préféré lui donner ».

(1) A la 2o séance de la Chambre des députés du 19 mars 1906, M. de Ramel s'est borné à dire que le texte mis au voix, quoique différent de la rédaction de son amendement, lui donnait complète satisfaction (Officiel, Chambre, Dėbats, p. 1456).

(2) Art. 4 « Seront enregistrés en débet et jugés sans autres frais que le droit de timbre les recours portés devant le Conseil d'Etat, en vertu de la loi des 7-14 octobre 1790, contre les actes des autorités administratives, pour incompetence ou excès de pouvoirs; les recours contre les décisions portant refus de liquidation ou contre les liquidations de pensions. En cas de rejet total ou partiel de la requête, les droits d'enregistrement du recours et de l'arrêt sont dus par le requérant. Il en est de même lorsque l'arrêt constate qu'il n'y a lieu de statuer, à moins que cette décision ne soit motivée sur le retrait de l'acte attaqué, opéré postérieurement à l'introduction du recours, auxquels cas le requérant n'est tenu de payer aucun droit d'enregistrement. Le pourvoi peut être formé sans l'intervention d'un avocat au Conseil d'Etat, en se conformant, d'ailleurs, aux prescriptions de l'article 1er du décret du 22 juillet 1806. L'arti cle 1er du décret du 2 novembre 1864 est abrogé ».

(3) Loi du 17 avril 1906, article 4, in fine : « L'article 1er du décret du 2 novembre 1864 est abrogé ».

(4) D'après la loi de 1906, la base législative du recours pour excès de pouvoir serait la loi des 7-14 octobre 1790. Depuis 1872, les arrêts du Conseil d'Etat visent aussi l'article g de la loi du 24 mai 1872. La loi de 1906, en recopiant sans correction suffisante l'article 1er du décret de 1864, a oublié de mentionner l'article 9 de la loi du 24 mai 1872. Cette omission est, d'ailleurs, sans importance pratique.

(5) Loi du 17 avril 1906, article 4 § 3 : « Le pourvoi peut être formé sans l'intervention d'un avocat au Conseil d'Etat, en se conformant d'ailleurs aux prescriptions de l'article 1er du décret du 22 juillet 1806 ».

(6) Loi de 1906, article 4 § 1 : « Seront enregistrés... et jugés sans autres frais que le droit de timbre... »

(7) Le droit de timbre est, au contraire, perçu immédiatement à raison de

débet (1). Les droits seront ultérieurement mis ou non en recouvrement selon les distinctions suivantes;

4o Le requérant devra payer les droits d'enregistrement sur la requête et sur l'arrêt dans deux cas :

a) Si la requête est rejetée en tout ou en partie, quel que soit le motif du rejet (fin de nou-recevoir ou rejet au fond);

b) Si le Conseil d'Etat a déclaré qu'il n'y a lieu de statuer, sauf le cas où cette décision est motivée sur le retrait de l'acte attaqué opéré, postérieure. ment à l'introduction du recours, par l'autorité administrative. Donc, les droits sont dus par le requérant qui, après avoir formé son recours, retire lui-même sa requête. Au contraire, le requérant n'est tenu de payer aucun droit d'enregistrement si l'agent administratif auteur de l'acte critiqué, postérieurement à l'introduction du recours, retire ou refait la décision attaquée, ou si, dans les mêmes conditions de temps, un supérieur hiérarchique ou une autorité de tutelle réforme ou annule l'acte attaqué.

Dans la réglementation faite par la loi, il n'est point parlé du cas où s'est produit une intervention, ce qui est assez fréquent dans la matière du recours pour excès de pouvoir. La loi de 1906 ne parle que des requérants. Est-ce à dire que les requérants directs seuls bénéficient de l'immunité fiscale? Il semblerait préférable d'admettre l'interprétation la plus favorable aux administrés ; mais il n'est pas sûr que ce soit celle qui triomphe en jurisprudence; « l'esprit fiscal » des tribunaux est bien connu ; il n'y aura pas lieu de s'étonner si c'est l'interprétation restrictive qui l'emporte.

Somme toute, l'innovation est extrêmement importante. Au premier abord, il semble qu'il n'y ait là qu'une question de frais. En réalité, en ce qui concerne le recours pour excès de pouvoir, c'est le développement logique des idées qui ont cours sur le rôle social de ce recours.

Le Conseil d'Etat apparaît de plus en plus comme le véritable chef hiérarchique ou de contrôle de l'administration française. On ne peut lui signaler que des illégalités, mais c'est justement là ce qui fait sa force. Sur ce terrain, il ne peut porter ombrage à personne. Il ne menace l'autorité d'aucun agent. Il est la seule garantie efficace qu'aient les administrés de l'observation de la loi. On comprend que, de tous côtés, on s'efforce de faciliter son contrôle. Dans cet ordre d'idées, la loi de 1906 réalise une réforme capitale, analogue à celle inscrite dans le décret du 2 novembre 1864.

MARCEL PHILIPPE,
Docteur en Droit.

l'obligation dans laquelle se trouve le requérant de rédiger sa requête sur papier timbré.

(1) Loi de 1906, article 4 § 1; « Seront enregistrés en débet... »

Note statistique relative aux dons et legs faits aux établissements publics et d'utilité publique

M. Paul Dislère, président de la section de l'intérieur, de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes, du Conseil d'Etat, appelé à statuer sur la plupart des libéralités soumises à l'autorisation administrative, vient de remettre au Ministre de l'intérieur une note statistique sur les dons et legs acceptés, au cours de l'année 1905, par les établissements publics et d'utilité publique.

Cette note fait connaître que le total des libéralités précitées est inférieur de 15.346.000 francs à la moyenne annuelle des libéralités de même nature pour la période 1901-1904. Il s'élève cependant à 46.892.000 francs dont la répartition peut se faire ainsi qu'il suit entre les différents groupes d'établissements :

Etat et établissements dépendant de l'Etat : 1.630.000 fr. soit 3,5 0/0
Département
Néant

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Sans entrer dans le détail de cette répartition, elle suscite les remarques suivantes :

Communes. Par suite de l'accentuation de la jurisprudence qui tend à leur reconnaître une plus grande capacité, l'acceptation des libéralités charitables par les communes est en augmentation sensible sur les années précédentes, tandis que les caisses des écoles sont de plus en plus délaissées.

-

- Etablissements publics dirers. Parmi les établissements dont il s'agit, l'Institut de France et les académies qui le composent, ont reçu, comme au cours des années précédentes, la plus grosse part des libéralités faites au profit de ce groupe savoir 1.502.000 francs.

Assistance publique. La part revenant à l'assistance publique, dont 7.085.000 francs pour les bureaux de bienfaisance et d'assistance et 8.345.000 francs pour les hôpitaux, était, en 1904, de 58,5 o/o; elle est tombée à 47 0/0, y compris les libéralités reçues par l'intermédiaire des

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