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communes. Mais il faut tenir compte de ce fait que, soit dans les établissements confessionnels, soit dans les établissements d'utilité publique, une partie des ressources sont affectées à un but charitable.

Etablissements privés reconnus d'utilité publique. La faveur du public se porte toujours sur la société de sauvetage des naufragés qui, depuis cinq ans, a reçu près de 1.700.000 francs, dont 345.000 en 1905; sur la société de secours aux familles des marins naufragés (800.000 francs en cinq ans, dont 48 000 en 1905); sur la société philanthropique (760.000 francs en cinq ans); sur les divers asiles de nuit (1.270.000 francs en cinq ans, dont 863.000 francs en 1905). D'autre part, la société de secours aux blessés militaires a reçu, en 1905, 281.000 francs, et les œuvres contre la tuberculose 282.000 francs. Ces œuvres, qui avaient reçu 484.000 francs en 1902, appellent maintenant d'une façon constante l'attention des donateurs.

Etablissements confessionnels. La part la plus importante des libéralités faites au profit d'établissements catholiques revient aux établissements publics du culte supprimés par la loi du 9 décembre 1905, notamment 3 958.000 francs aux fabriques et 1.000.001 francs aux séminaires. Quant aux libéralités faites aux établissements congréganistes, la mise en application des lois sur les congrégations n'en a pas amené une diminution sensible, à raison de la progression constante des legs faits aux petites sœurs des pauvres qui ont reçu, pour la dernière année, 792.000 fr. contre 153 000 francs aux autres congrégations de femmes et 20.000 fr. aux congrégations d'hommes.

Sans atteindre le chiffre exceptionnellement élevé de 1903, ni même la moyenne des années antérieures (7.082.000 francs ou 5.150.000 francs, suivant que l'on compte ou non le legs Hirsch), les libéralités faites aux établissements israélites restent fréquentes et considérables.

Remarques générales. Beaucoup d'établissements congréganistes et d'utilité publique reçoivent certainement sans autorisation des libéralités qui échappent à tout contrôle. Il se constitue ainsi une mainmorte dont l'importance est inconnue. Ces accroissements de capital ont surtout pour intermédiaire les sociétés civiles auxquelles les tribunaux ont reconnu la capacité de recevoir les dons et legs.

Au point de vue du mode d'acceptation, le chiffre total de 46.892.000 francs se répartit ainsi qu'il suit :

Acceptations directes ou par décrets simples.

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5.699.000 11.344.000

12 0/0 24 0/0

par décrets en Conseil

d'Etat

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La proportion des acceptations directes était passée de 12 0/0 en 1902, à 19 0/0 en 1904. Cette augmentation a pris fin, par ce motif que la plupart des legs d'une certaine importance donnent lieu à des réclamations d'héritiers et sont soumis, par suite, à l'examen de l'autorité supérieure.

CHRONIQUE CONSTITUTIONNELLE

BELGIQUE

SOMMAIRE I. Des limites au droit d'enquête conféré aux Chambres. : II. Vote de crédits et de textes de lois sous condition suspensive. - III. De la constitutionnalité des fonds spéciaux. IV. De l'utilité publique en matière d'expropriations. V. Les dotations allouées aux princes de la famille royale sontelles constitutionnelles ?

Au mois de mars 1905 le gouvernement avait déposé devant la Chambre des représentants un projet de loi autorisant l'entreprise de vastes travaux maritimes et militaires autour d'Anvers ; il s'agissait à la fois de rectifier le cours de l'Escaut au moyen d'une « grande coupure destinée à supprimer un coude que forme le fleuve, de créer toute une série de nouveaux bassins et de transformer le régime des fortifications par la suppression de l'enceinte actuelle et la construction d'une nouvelle ligne de forts. Ce projet grandiose qui devait entraîner une dépense de plus de deux cent millions de francs, ne souleva pas seulement les critiques des groupes d'opposition toujours prêts à saisir l'occasion de soulever le mécontentement des masses électorales contre le ministère. Il rencontra aussi un accueil froid et même hostile sur les bancs de la majorité dont certains membres avaient l'habitude de protester sans cesse contre l'exagération des dépenses militaires. La lutte entre cette opposition mêlée et le gouvernement ne put pas se mener aussi nettement, aussi ouvertement que s'il s'était agi d'une bataille engagée entre partis séparés. Les députés de droite hostiles au projet ne voulaient ou n'osaient cependant pas renverser le gouvernement et ouvrir une crise qui aurait pu être fatale à leur parti. Le ministère ne pouvait pas, de son côté, se borner à repousser les arguments et les conclusions de ses amis qui refusaient de le suivre dans cette affaire; il devait plutôt tenter de les ramener à lui par des explications ou des concessions. Des deux côtés on cherchait à conquérir un peu de terrain sur l'adversaire par des voies détournées, sans vouloir l'attaquer de front, ni le mettre définitivement en déroute. Ces manœuvres plus ou moins habiles, tentées de part et d'autre, ont soulevé plusieurs problèmes intéressants de droit constitutionnel.

I. DES LIMITES AU DROIT D'ENQUÊTE CONFÉRÉ AUX CHAMBRES. Quelques députés de droite qui ne voulaient pas adopter le projet gouvernemental et

qui n'osaient point cependant le repousser purement et simplement, proposèrent d'en renvoyer l'examen à une commission d'enquête qui serait composée de 21 membres nommés par la Chambre au scrutin secret. Leur proposition était ainsi conçue : « Une enquête parlementaire sera ouverte sur l'amélioration du régime de l'Escaut et sur les relations à établir entre la rive droite et la rive gauche du fleuve à Anvers, ainsi que sur le déclassement de l'enceinte actuelle et la transformation du système défensif de cette place. Cette commission pourra faire entendre comme témoins les fonctionnaires de l'ordre civil et militaire ainsi que toute personne qu'elle désignera. Elle ne jouira pas des autres pouvoirs attribués par la loi aux juges d'instruction »>,

Pour justifier cette proposition, M. de Lantsheere invoquait dans l'exposé des motifs l'importance énorme du problème posé tant au point de vue de la défense nationale que de l'avenir du port d'Anvers, les doutes et les contestations que soulevaient certains hommes techniques contre les solutions préconisées, et les désastres irrémédiables que causerait une décision hasardeuse et intempestive. « En présence de ces difficultés, disait-il, une solution s'indiquait, le renvoi du projet à une commission, par exemple, à la section centrale complétée par l'adjonction de membres nouveaux. Mais cette solution ne pouvait conduire à un résultat pratique. Cette commission nouvelle, composée exclusivement de membres de cette Chambre, délibérant entre eux, n'eût probablement pas mieux réussi que la section centrale à faire la lumière sur les points restés obscurs et à éclaircir les doutes que seuls des avis motivés d'hommes compétents en ces matières peuvent écarter.

« Ce que la Chambre désire et ce qu'elle ne possède point jusqu'à présent, ce sont ces témoignages raisonnés, personnels et non collectifs, d'hommes spéciaux déposant sous leur responsabilité individuelle. Or cela le droit d'enquête seul peut le lui procurer, puisque seul il lui donne le droit de procéder à l'audition des témoins.

« Il ne s'agit nullement de soumettre le projet à l'approbation ou au blâme de personnalités choisies en dehors du parlement et qui décideraient pour celui-ci et à sa place. L'enquête ne comporte rien de semblable; elle n'a pas pour objet la délibération, mais seulement l'examen et l'étude. Elle n'aboutit à aucun vote, ni même à aucune conclusion. Elle se borne à fournir à la Chambre les lumières dont elle croit avoir besoin pour voter et conclure elle-même. »

Quoique la proposition d'enquête eùt réuni dans les sections de la Chambre une majorité, le rapporteur de la section centrale, M. Woeste, crut devoir la combattre; non seulement il contesta l'utilité et l'opportunité d'une enquête parlementaire. mais son argumentation allait jusqu'à soulever la question de savoir si la Chambre avait le pouvoir d'instituer la commission d'enquête qu'on l'invitait à nommer. « Jamais depuis 1830, faisait-il remarquer, les Chambres belges n'ont voté une enquête parlementaire à la suite du dépôt d'un projet de loi par le gouvernement et à

l'occasion de ce projet ». Et il ajoutait : « Si les Chambres n'ont jamais jusqu'ici poussé aussi loin l'usage du droit qui leur appartient, c'est qu'elles ont compris qu'un tel usage était en désaccord avec les conditions de fonctionnement régulières et normales du régime parlemen

taire ».

Constatant ensuite que le gouvernement se déclare prêt à donner tous les renseignements nécessaires, il affirmait que décréter une enquête parlementaire dans ces conditions, « ce serait dire au gouvernement qu'il a mal ou insuffisamment étudié ce projet, qu'il n'a pas su faire un bon usage des forces administratives dont il dispose, qu'il a fait preuve de légèreté en présentant aux Chambres une œuvre dépourvue des justifications requises; ce serait de la part de la Chambre vouloir se substituer au gouvernement, se charger de la préparation, après qu'il a été déposé, de son propre projet, s'arroger les attributions du pouvoir administratif et bouleverser, par conséquent, l'économie de nos institutions ».

Le rapporteur montrait que la proposition d'enquête soulevait encore une autre question délicate, celle de savoir si la Commission parlementaire pourrait obliger les fonctionnaires à comparaître devant elle et à répondre à ses demandes ; et il n'hésitait pas à conclure négativement : « Les fonc tionnaires, disait-il, sont liés par le secret professionnel, ils dépendent du gouvernement et non des Chambres; le gouvernement aurait dès lors le droit strict de leur interdire de répondre à l'invitation qui leur serait adressée de comparaître devant la Commission d'enquête de là un conflit inévitable entre lui et le Parlement »>.

Dans la séance du 14 décembre 1905, M. de Lantsheere crut devoir répondre à l'argumentation du rapporteur de la section centrale. Il commença par déclarer que « dans la pensée des auteurs de la proposition, il n'y a eu à aucun moment, ni lorsqu'ils l'ont déposée, ni lorsqu'ils l'ont soutenue, ni à cette heure même, aucune idée de défiance ». Et cette seule déclaration devait suffire, croyait-il, à réfuter toutes allégations contraires. Toutefois il ajoutait pour appuyer sa déclaration : « Je suis le premier à reconnaître que dans certains cas, une demande d'enquête peut être, ipso facto, une marque de défiance. Lorsqu'il s'agit d'une affirmation tellement certaine, tellement facile à vérifier, que toute vérification ultérieure implique nécessairement, ou bien la mauvaise foi, ou bien la légèreté de celui qui affirme, la défiance est évidente. Si le gouvernement nous affirme qu'il y a autant de millions dans cette caisse, et si l'on demande sur ce point une enquête parlementaire, cette demande signifie sans conteste: ou bien vous mentez, ou bien vous n'avez pas pris la peine d'aller voir ce qui se trouve dans cette caisse... Mais ici il n'y a rien de semblable. La bonne foi, l'intelligence, l'activité de personne n'est en question. Dans la matière qui nous occupe, l'homme le plus intelligent, le plus compétent, après l'étude la plus minutieuse, peut n'arriver qu'à des conclusions qui laissent subsister des doutes. Le problème dont il s'agit est de telle nature que l'examen le plus approfondi ne les fait point disparaître; de plus il est tellement

aléatoire que la faute la plus légère peut avoir des conséquences considérables, désastreuses et d'une portée infinie. Dans ces conditions, l'intention manifestée par la Chambre.... atteste tout simplement le souci qu'ont les membres de leur responsabilité, et ensuite leur défiance, non pas à l'égard du gouvernement, mais à l'égard de leurs propres lumières et à l'égard de la science des hommes même les plus compétents ».

L'auteur de la proposition passait ensuite à la question de droit constitutionnel qu'avait paru soulever le rapporteur de la section centrale. La Chambre ne peut-elle pas ordonner une enquête à propos d'un projet déposé par le gouvernement? Mais ce droit d'enquête est garanti par l'article 40 de la Constitution en termes absolus et généraux; il n'a donc d'autres limites que celles qu'il trouve dans sa nature même. C'est un droit d'information; comme tel il exclut tout droit d'exécution et, par conséquent, il ne heurte pas le pouvoir exécutif. D'ailleurs ce droit absolu d'enquête trouve sa raison d'être dans la fonction législative de la Chambre. Que celle-ci veuille exercer son initiative, ou soit appelée à voter sur un projet que lui présente le gouvernement, elle a le droit et le devoir de s'éclairer et elle peut dans ce but recourir à tous les moyens qui sont à sa disposition, notamment au droit d'enquête. Ce droit est même plus nécessaire pour l'examen des projets gouvernementaux que pour l'exercice de l'initiative parlementaire, parce que les projets présentés par le gouvernement sont les plus nombreux et les plus importants.

Mais la Commission d'enquête pourra-t-elle interroger les fonctionnaires? Incontestablement, affirmait M de Lantsheere; car autrement le droit d'enquête serait stérile, ce ne serait qu'une curiosité théorique conservée dans la Constitution, un instrument bizarre, intéressant peut-être à étudier, mais sans utilité pratique et même dangereuse à manier. « La Chambre doit s'eclairer sur des questions d'administration et sur des points de fait. Comment s'éclairer sur ces questions, si l'on ne peut s'adresser qu'à des particuliers, et si l'on ne peut s'informer auprès des hommes spéciaux qui, par leurs fonctions mêmes, sont aptes à fournir les renseignements nécessaires? Il est clair, d'autre part, qu'il y aurait empiètement, si la Chambre, au lieu d'interroger les fonctionnaires, prétendait leur donner des directions, leur imposer une conduite déterminée; mais aussi longtemps que la Chambre se borne à les interroger, à leur demander des avis, des éclaircissements, aucun empiètement ne pourrait résulter du seul fait qu'on les entend.... On affirme que les fonctionnaires dépendent essentiellement du pouvoir exécutif et non de la Chambre. Cela est vrai, sauf précisément en un point, sauf le droit d'enquête de la Chambre. C'est commettre une pétition de principe que de soutenir que les fonctionnaires dépendent tellement du gouvernement que la Chambre n'a pas le droit d'enquête à leur égard ».

Enfin pour prouver l'inanité des objections soulevées contre sa proposition, M. de Lantsheere invoquait le fait que le ministère avait promis de constituer des Commissions gouvernementales chargées de procéder à un

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