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justice impériale disparue et la nouvelle justice fédérale, et comme type l'arbitrage intervenu, le 25 janvier 1839, à propos des bailliages de Schieder, Blomberg et Lipperode, entre les deux maisons princières de LippeDetmold et de Schaumbourg-Lippe, p. 401-438,- deux grands courants, au point de vue de l'évolution, l'arbitrage par commission mixte et l'arbitrage par souverain, se disputèrent la prééminence l'un, d'origine diplomatique et à caractère compensatoire, acquérant, sous la pression de l'autre, la technicité du juge; le second, dominé ou discrédité par le défaut de compétence et le seul avantage de la plus grande force, empruntant au premier l'indépendance rigoureuse des surarbitres; si bien, qu'à l'époque où s'arrête le volume, « par l'action et la réaction de ces deux grandes formes de procédure, la commission mixte et le jugement d'un tiers souverain, l'institution marche vers un même type d'arbitrage: l'arbitrage par juge technique, avec deux sous-types, l'un issu directement des commissions mixtes par l'introduction, dans le corps même du tribunal, des nations intéressées, l'autre issu de l'arbitrage par souverain, sans aucune introduction au tribunal des nations intéressées » (Introduction, P. XLII).

Ce simple énoncé, fragmentaire et incomplet, de la substance du volume destiné à projeter une vive lumière sur la première manière insoupçonnée ou mal connue de l'arbitrage, tout comme l'indication résumée d'après l'Introduction des résultats produits par les arbitrages particuliers, suffiraient à accuser la haute portée et la nouveauté du travail, si celui-ci n'avait tout ensemble plus de valeur encore par l'idée qui a présidé à sa rédaction, et plus d'originalité comme instrument de travail.

Tout d'abord, cette œuvre constitue l'un de ces livres, beaucoup trop rares encore, par lesquels s'affirme l'heureuse et nécessaire évolution qui est caractéristique d'une partie de la plus récente littérature du droit public: avec MM. de Lapradelle et Politis, le point de vue a changé, l'étude étant transportée de l'organe à la fonction, ou, plus précisément, aux résultats de la fonction: « La littérature de l'arbitrage, disent-ils très justement (Avant-Propos, p. xvi), passe de la synthèse à l'analyse, de la critique à l'observation, de l'ensemble aux détails; de la phase spéculative, elle est entrée dans la phase documentaire : jadis, on étudiait l'arbitrage; maintenant, on commence à comprendre que la meilleure manière d'étudier l'arbitrage, - et avec lui le droit, c'est encore de suivre minutieusement, l'une après l'autre, depuis le commencement du xix siècle, la série des procédures arbitrales ». Ainsi, aux traditionnelles synthèses, que l'on n'hésitait pas à faire malgré le défaut ou l'insuffisance de bases positives, ils ont substitué, d'après un ordre chronologique et dans un esprit documentaire, l'examen le plus complet des procédures suivies, la relation la plus minutieuse des questions soulevées au cours du litige, la critique la plus judicieuse et pénétrante de la sentence arbitrale: chaque affaire, avec un dossier reconstitué en entier, y fait l'objet, d'une part, de résumés et

d'extraits, d'analyses et de citations des matériaux les plus variés, instruments internationaux, documents parlementaires, correspondances diplomatiques, mémoires entre parties, publications diverses, textes du compromis et de la sentence, et, d'autre part, régulièrement, en un quatrième paragraphe, de notes doctrinales, dont il n'est pas facile de dire a priori quelles sont les meilleures, celles qu'ont écrites, avec leur autorité coutumière, MM. Stoerk, Asser, Laband, Fauchille, Kleen et Strisower, ou celles, non signées, qui sont l'œuvre de MM. de Lapradelle et Politis.

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De la sorte, et c'est en quoi consiste l'originalité de l'entreprise et l'utilité de la publication, l'œuvre ainsi inaugurée constitue un incomparable instrument de travail. Plus complet que l'History and Digest of the international Arbitrations, publié à Washington en 1898 par B -J. Moore, lequel en principe fait état seulement des arbitrages américains et ne laisse son unité ni à la procédure ni à l'affaire quand la procédure renferme plusieurs affaires et qu'une même affaire offre plusieurs aspects plus compréhensif aussi que la Pasicrisie internationale, éditée dès 1902 par M. le sénateur de Belgique La Fontaine, laquelle, sans exposé de faits ni indication des suites de la sentence, rapporte plus les compromis que les jugements, le Recueil est appelé au rôle de répertoire international; car il est, pour le droit public international, ce que sont, à l'intérieur de certains pays, les meilleurs, les plus riches et les plus savants des recueils de jurisprudence, ceux qui jouissent du plus grand crédit en doctrine comme auprès des praticiens. Aussi l'on ne saurait, à mon sens, trop insister sur l'excellence de l'idée réalisée avec perfection et sur l'importance du service rendu à la cause de l'arbitrage et mieux encore au développement du droit des gens : une collection, scientifique non moins que documentaire, existe désormais, s'offrant à la fois comme un modèle à suivre peut-être en d'autres matières, en tous cas comme une source inépuisable d'enseignements et une garantie de fécondes recherches. Finalement, cette œuvre, dont j'ai tenté d'indiquer, en suivant ses auteurs mêmes, la substance et le but, partage, avec les publications documentaires et d'excessive richesse, par le souci même qu'elle révèle de l'ensemble et du détail, ce caractère de résister à l'analyse, et surtout à la critique : à peine, s'il le fallait de toute nécessité, à mon plus grand désavantage, et sans le moindre dommage pour les auteurs, feraisje certaines réserves sur quelques affirmations, comme celle donnée (p. xxxiv) à propos de l'arbitrale justice pontificale; mais mieux vaut, en ter minant, avec la plus grande sincérité, rapporter le plus autorisé des éloges qu'ait reçu leur entreprise : « Je les ai vivement encouragés à la poursui«<< vre, dit M. Renault, Préface, p. x1, convaincu que l'œuvre à <«< laquelle ils entendaient vouer leur activité serait des plus utiles et « qu'ils avaient les qualités nécessaires pour la mener à bien. Je puis dire aujourd'hui que la lecture de ce premier volume m'a prouvé que « je ne m'étais pas trompé sur ce dernier point, mais que je m'étais com« plètement mépris sur les difficultés de l'ouvrage et les services qu'il

<«< était de nature à rendre. Je suis heureux de profiter d'un funeste privi«<lège, celui de l'âge, de ma qualité de doyen de l'enseignement du droit «< international public en France, pour me donner le vif plaisir d'adresser « à mes jeunes collègues qui me font le grand honneur de se dire mes « élèves, mes cordiales félicitations et l'expression de ma sincère recon<< naissance. Je crois pouvoir affirmer qu'ils ont rendu un service éminent « à la pratique et à la science du droit international ».

JOSEPH DELPECH.

Recueil international des traités du XX siècle, contenant l'ensemble du droit conventionnel entre les Etats et les sentences arbitrales (Textes originaux avec traduction française), publié par le BARON DESCAMPS, ministre d'Etat, sénateur de Belgique, etc..., et LouiIS RENAULT, ministre plénipotentiaire, professeur à la Faculté de droit de Paris, etc... Année 1901. — 1 vol. gr. in-4o, VII-927 p., Paris, A. Rousseau, 50 fr.

C'est un fait de plus en plus vérifié que l'application croissante du droit des gens aux fonctions multipliées de la vie des peuples; c'en est, au point de vue scientifique, l'une des conséquences les plus heureuses que le progrès éclatant réalisé par quelques œuvres toutes récentes et les derniers instruments de travail : le temps n'est guère plus, sauf ce qui est l'inévitable effet de la vitesse acquise, des œuvres simplement narratives, des écrits par trop humanitaires, inconsidérés et partant dangereux, ou même des quelques généralisations doctrinales qui portèrent avec succès la lumière sur des points inexplorés et provoquèrent utilement maintes fois la dispute par de profondes réflexions; dans l'ordre de la diplomatie comme, d'ailleurs, dans celui des sciences politiques, la tendance est de ne rien sacrifier à la logique verbale, de ne plus se placer qu'en face des réalités et le plus possible de se garder toujours contre les a-priori. D'où, une application de plus en plus scrupuleuse à la connaissance du droit conventionnel en vigueur entre les Etats, et une attention de plus en plus grande au rapprochement lumineux des éléments constitutifs de ce droit conventionnel. En fait, le plus grand nombre de ceux qui ont, en France, à l'heure actuelle, la fortune de voir leurs monographies ou leurs œuvres compter dans la littérature du droit international ont pris des leçons directes ou subi l'influence médiate de M. le professeur Louis Renault, au talent duquel il fut, le 8 février dernier, à la tribune de la Chambre des députés, par M. Modeste Leroy, en une très heureuse inspiration (Journ. offic., Déb. parlem., p. 595), rendu un énergique, public et trop légitime hommage. Or, c'est M. Renault, qui, d'accord avec un homme considérable de Belgique, M. le baron Descamps, comme lui membre de la Cour permanente d'arbitrage et ancien président de l'Institut de droit international, a pris la responsabilité de publier un Recueil international des traités du XXe siècle, et, avec l'aide de collaborateurs autorisés, en a déjà fait paraître le tome premier, correspondant aux actes de 1901. L'entreprise était d'un intérêt manifeste les Recueils de traités interna

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tionaux (V. l'article portant ce titre de M. DE MARTITZ, dans la Rev. de dr. intern. et de législ. comp., t. XVIII, ann. 1886, p. 168), les plus connus mêmes, officiels ou privés, comme le de Martens, le de Clercq, ou les Archives diplomatiques, d'une part, ont vraiment trop de lacunes, de diversités, d'enchevêtrements et de retards invraisemblables; d'autre part, l'Union internationale pour la publication des traités (V. le mémoire de M. DESCAMPS, dans les C. R. de l'Académie des sciences morales et politiques, mars 1905. Rpr. plusieurs Chroniques, de la Rev. génér. de dr. intern. publ., t. II, ann. 1895. p. 221-229, 544, et t. III, ann. 1896, p. 587), préconisée après la Conférence de Berne de 1894, n'a point abouti, à raison peut-être du caractère officiel désiré pour l'édition périodique dont l'établissement était recherché; aussi bien la collection nouvelle fut-elle décidée avec cette fortifiante conviction que « lorsqu'il s'agit d'œuvres vraiment utiles, il faut savoir commencer et escompter l'avenir, qui ne peut manquer de conspirer en faveur de telles œuvres (Préface, p. VI) ». Il ne risque point d'en aller autrement, tant il y a de la largeur de vues dans le principe et de perfection dans le détail de la publication: grâce à l'insertion des sentences arbitrales, motif pris de ce qu'elles font suite aux conventions organisant les juridictions d'arbitres [V., comme exemples particulièrement significatifs, p. 188-427 sentence du tribunal francochilien (Rapperschwyl, 5 juillet 1901), relativement à la répartition des sommes entre les créanciers du Pérou aux titres appuyés par la garantie du guano, et p. 699-816: sentence (Lima, 30 septembre 1901) dans l'affaire des réclamations des sujets italiens contre le Pérou, au sujet des dommages subis par eux pendant la guerre civile de 1894-1895], l'ouvrage, d'après l'indication même des auteurs, renfermera, non seulement le développement d'ensemble du droit conventionnel entre les Etats, mais encore la marche de la jurisprudence internationale, et, en première ligne, les décisions de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye ; de même, grâce, d'une part, à la traduction en français des traités qui ne peuvent être utilement publiés dans la langue ou les langues où ils ont été conclus (V. par exemple, p 427 et suiv., Convention, du 16 août 1901, entre la Grande-Bretagne et la Perse, pour l'extension du système des communica. tions télégraphiques entre l'Europe et les Indes), et, d'autre part, à l'addition de trois tables, l'une chronologique ou par ordre des dates, les deux autres alphabétiques par ordre des puissances et des matières, le volume donne aux curiosités du monde savant et aux exigences journalières de la diplomatie l'instrument du travail en rapport avec les conditions actuelles de la vie et de la science internationales.

Néanmoins (c'est le seul vœu que je me sente en mesure de présenter aux savants jurisconsultes désireux d'observations sur le mode d'améliorer leur publication), s'ils promettaient d'ici quelques années d'éditer aussi, et avec la même irréprochable méthode, le droit conventionnel de la seconde moitié du XIXe siècle, ils mériteraient surabondamment cette louange, qu'ils espèrent à bon droit, « en travaillant à faciliter la connais

sance des lois internationales positives, à mettre en relief leurs principes communs, à aplanir certaines difficultés résultant de l'éparpillement actuel du droit conventionnel international, ... d'être les ouvriers du progrès et les pionniers de ce grand œuvre de rapprochement des peuples. qui est dans la meilleure vocation de notre temps ».

JOSEPH DELPECH.

Manuel de pratique parlementaire de THOMAS JEFFERSON. — Edition française, avec une Introduction et des Notes de références, et, en Appendice, les Règlements des Chambres américaines, par JOSEPH DElpech, professeur agrégé de droit public à l'Université d'Aix-Marseille, et ANTOINE MARCAGGI, avocat à la Cour d'Aix. 1 vol. gr. in-8o, XVI-181 p., Paris, Fontemoing, 1905, 4 fr.

Aux Etats-Unis d'Amérique, la règle XLIV de la Chambre des représentants est ainsi conçue : « Les règles de pratique parlementaire comprises dans le Manuel de Jefferson régiront la Chambre dans tous les cas où elles sont applicables et où elles ne sont pas incompatibles avec les règles et les ordres permanents de la Chambre et les règles conjointes du Sénat et de la Chambre des représentants ». C'est de ce Manual of parliamentary practice de Jefferson que MM. Delpech et Marcaggi se sont attachés à nous donner une édition française.

Il s'agit dans ce Manuel d'une œuvre d'abord purement privée, due à un ouvrier de la première heure, Thomas Jefferson, vice-président des Etats-Unis de 1797 à 1801 et, en cette qualité, chargé de la présidence du Sénat. Mauvais orateur, mais homme politique se faisant une idée très haute et très exacte des difficiles fonctions de président d'une assemblée élective, il eut la pensée de réunir en une sorte de Manuel les règles qui lui paraissaient les plus propres à le guider dans ce rôle souvent délicat, surtout dans un pays qui naissait à la liberté politique. On ne se trouve donc pas ici en présence d'un véritable règlement, c'est-à-dire d'un recueil méthodique de règles de conduite obligatoires pour une assemblée et se présentant sous forme de textes rédigés en courts articles numérotés. Ce n'est pas ici l'ordre méthodique qui fait défaut, comme il manque, par exemple, presque totalement dans les Standing Orders des Chambres anglaises, réunis en recueil, mais disposés dans un ordre bien arbitraire; il y a tout au moins chez Jefferson un essai de construction logique; mais son œuvre n'est pas codifiée en forme d'articles. Il cite fréquemment, à l'appui d'une règle, des exemples et des précédents historiques destinés à en mieux faire saisir la portée; ailleurs, à ces exemples il ajoute même des explications ou discussions théoriques d'une certaine étendue. Par sa force obligatoire actuelle, à titre supplétif, comme par son mode de composition, ce Manuel se place donc à peu près à égale distance des règlements proprement dits des Chambres d'un côté, et de l'autre des traités de droit politique et parlementaire, ou

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