Page images
PDF
EPUB

de 1875. Dans son rapport, le Comité insiste sur « le meilleur style dans la rédaction, qui a été introduit récemment dans les lois du Parlement, aussi bien en ce qui touche l'arrangement des clauses et la subdivision du Bill en parties distinctes qu'en ce qui concerne la langue employée, qui, en simplicité et en clarté, est bien supérieure au langage verbeux et obscur des anciennes lois » (1). Le Comité attribue expressément cet heureux changement au Parliamentary Counsel's Office et à la façon dont il a fonctionné. Il déclare aussi qu'avec le temps, ce système produira des conséquences encore plus avantageuses.

Telle est aussi l'opinion de Sir Courtenay Ilbert, plus suspect, il est vrai, puisque Sir Courtenay, au moment où il écrivait son livre, remplissait les fonctions de Parliamentary Counsel to the Treasury. « Les lois parlementaires, écrit-il, feront toujours le sujet de commentaires défavorables de la part des juges, du barreau et du public. Mais si l'on compare le Statute Book d'aujourd'hui avec le Statute Book d'il y a quarante ou cinquante ans, il est impossible de nier que la langue des lois est devenue plus concise, plus uniforme et plus précise, et que l'arrangement des lois est devenu plus logique et plus consistant » (2).

-

Un avantage et qui n'est pas mince de l'institution nouvelle, c'est qu'elle fonctionne sans exciter la jalousie du Parlement et, en particulier, de la Chambre des Communes, pourtant si susceptible. Il est infiniment probable que la commission des jurisconsultes de Stuart Mill, investie des pouvoirs exclusifs de rédaction qu'il voulait lui attribuer, eût été en conflit permanent avec les Chambres du Parlement.

Ce qui semble bien confirmer l'idée favorable que l'on a, en Angleterre, de l'œuvre accomplie par le Parliamentary Counsel's Office, c'est que des propositions ont été faites, à diverses reprises, pour augmenter ses attributions. On a demandé que les Bills introduits par des membres privés fussent nécessairement renvoyés au Parliamentary Counsel, que ce dernier inter

(1) Cité par SIR C. ILBERT, op. cit., p. 67 et s. et p. 96. (2) Op. cit., p. 96.

vint davantage dans la rédaction des Orders in Council et des réglements faits en vertu d'une loi; enfin, qu'il jouât un rôle plus actif dans l'œuvre de codification des lois anglaises.

Sir Courtenay Ilbert, qui rappelle ces propositions, objecte que cet accroissement de besogne n'irait pas sans une augmentation du personnel et de la dépense et sans une diminution de la responsabilité personnelle du Parliamentary Counsel.

Somme toute, il est piquant de le constater,- c'est juste au moment où la France a pratiquement renoncé à la collaboration du Conseil d'Etat dans l'oeuvre législative que les Anglais ont organisé leur Parliamentary Counsel's Office dont les attributions rappellent singulièrement celles assignées au Conseil d'Etat français par l'article 8 de la loi du 24 mai 1872 (1).

POL. LAWYER.

(1) L. 24 mai 1872, art. 8 : « Le Conseil d'Etat donne son avis: 1° sur les projets d'initiative parlementaire que l'Assemblée nationale (aujourd'hui les Chambres) juge à propos de lui renvoyer; 2° sur les projets de loi préparés par le Gouvernement et qu'un décret spécial ordonne de soumettre au Conseil d'Etat ; 3° sur les projets de décret et, en général, sur toutes les questions qui lui sont soumises par le Président de la République ou par les ministres. Il est appelé nécessairement à donner son avis sur les règlements d'administration publique et sur les décrets en forme de règlements d'administration publique... Des con. seillers d'Etat peuvent être chargés par le Gouvernement de soutenir devant l'Assemblée les projets de lois qui ont été renvoyés à l'examen du Conseil ».

LA JURIDICTION CONTENTIEUSE ADMINISTRATIVE

EN ESPAGNE

En 1900, on inséra dans la loi des finances un article 17 qui posait quelques principes généraux relatifs à l'organisation des Cours de Justice. Le deuxième de ces principes portait que la juridiction contentieuse administrative serait exercée, en unique et en deuxième instance, conformément à la loi de 1888, par une Sala (Cour) que l'on appellerait Cour du contentieux administratif. Mais la réforme prévue par la loi de finances n'eut aucune suite; en effet, le principe était subordonné à la rédaction d'une loi organique sur les tribunaux ; or, rien ne fut fait à cet égard jusqu'au jour (1902) où le ministre libéral, M. Montilla, rédigea un projet proposant de changer l'organisme chargé de la juridiction et de modifier l'article 84 de la loi relatif à l'exécution des sentences. Ce projet n'eut pas non plus de conséquences législatives; mais il contribua à créer une atmosphère favorable à une modification organique de la juridiction dans le sens proposé par la loi de 1900.

Par un accident qui s'explique uniquement par la relation intime qui existe entre le Conseil d'Etat et ce qu'on appelle le Tribunal Central du contentieux administratif, lorsqu'on s'est occupé de rédiger le plan législatif de réforme du plus haut corps consultatif de l'Etat, on a inséré, dans le projet de loi de 1903, des articles additionnels qui enlevaient au Conseil d'Etat l'exercice de la juridiction contentieuse administrative, en prenant pour base le deuxième principe de l'article 17 de la loi de finances de 1900.

Très peu de modifications furent introduites par les Chambres dans le projet de loi rédigé par le Gouvernement. Le Sénat, dans son rapport, proposait de rédiger l'article 84 de la loi dans les termes mêmes employés par M. Montilla en 1902;

mais la Chambre des députés compléta l'œuvre du Sénat par une nouvelle rédaction du dit article; elle fit disparaître le recours extraordinaire en révision. C'est ainsi qu'une réforme qui, en doctrine, est très discutée et qui, en Espagne, à une autre époque, aurait rencontré de sérieux obstacles, a fini par passer; en la promulgant le 5 avril 1904, le parti conservateur a achevé l'œuvre commencée par les hommes du parti libéral.

L'article 1er additionnel de la loi organique du Conseil d'Etat a attribué la juridiction contentieuse administrative du Tribunal central à une Sala, qui devait être organisée au sein du Tribunal Suprême de Justice; cette Sala devait nécessairement comprendre trois magistrats pris dans l'ordre administratif, ayant le grade de chef supérieur de l'Administration, et remplissant les conditions exigées par les articles de la loi du 13 septembre 1888 modifiée en 1894; cette Sala, à tous les points de vue, devait faire partie intégrante du Tribunal Suprême; il fut même décidé que les magistrats des différentes Salas s'aideraient mutuellement.

On n'a pas touché à la compétence, ni à la procédure; toutefois, il y a eu une modification complète de l'article 84 et on a supprimé les articles 103 et 104 relatifs au recours extraordinaire en révision; la réforme de l'article 84 a eu pour objet d'assurer au plus haut degré l'exécution des arrêts rendus par le Tribunal; on a limité la suspension ou l'inexécution des arrêts à des causes prévues par la loi au nombre de quatre, et l'on a supprimé la formule vague « causes d'intérêt public >> qui peut donner lieu à tant d'abus.

Il n'est pas difficile de résumer la portée de la réforme. La matière contentieuse administrative reste définie par la loi de 1888. La procédure reste réglée par la même loi. Seulement, on a changé l'organisme auquel la juridiction était attribuée et la partie relative à l'exécution des arrêts. Mais, pour bien comprendre tout ceci, il est nécessaire de donner quelques explications.

.*.

Les affaires contentieuses administratives restent définies par l'article 1er de la loi de 1888 ainsi conçu: Il peut être formé des recours par l'Administration ou par des particuliers contre les décisions administratives que causen estado; - en d'autres termes, qu'il n'y a pas de recours gouvernementaux contre les décisions émanant de l'Administration dans l'exercice de ses facultés réglées et lésant un droit de nature administrative déjà établi dans une loi, un règlement ou un autre précepte administratif. Ce principe général est développé dans les articles 2, 3 et 4. Il faut signaler spécialement l'article 3, d'après lequel on peut former le recours contentieux adminis tratif contre les décisions de l'administration qui lèsent les droits des particuliers établis ou reconnus par une loi, quand les décisions ont été adoptées comme conséquence d'une disposition générale, si cette disposition viole la loi dans laquelle ces droits ont pris naissance.

Cette définition du recours contentieux administratif est la première que l'on trouve dans notre histoire législative; en effet, de 1845 à 1888, on s'était borné à énumérer les cas dans lesquels le recours pouvait être formé, mais sans indiquer les caractères généraux des décisions pouvant être attaquées et sans donner de définition. L'introduction de cette définition dans la loi est due à la commission de la Chambre des Députés et à son rapporteur, le professeur de l'Université de Madrid et ancien Ministre, M. Santamaria de Paredes. Le système consistant à énumérer les cas ne pouvait pas subsister; ses adversaires demandaient avec raison s'il existait quelqu'un qui pût avoir la certitude de n'avoir pas oublié un des cas présentés par la pratique.

Ce qui n'a pas encore été fait, c'est ce que proposait l'exposé des motifs du Décret du Gouvernement provisoire du 26 novem bre 1868; on y reconnaît que plusieurs questions qui, par leur caractère, appartiennent au pouvoir judiciaire étaient sorties de sa compétence « légitime ». Il n'est pas possible, affirmait-on, de mettre en doute que à la juridiction ordinaire res sortissent, entre autres, les questions de vente des biens de la

« PreviousContinue »