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munale »; quant à l'acte dommageable de puissance publique, « il ne saurait donner ouverture contre la commune à une action en responsabilité basée sur les dispositions du dit article » (art. 1382 du Code civil). En d'autres termes, pour les actes de gestion, la base juridique de la responsabilité et, par suite, l'étendue de cette responsabilité doivent être cherchées dans les art. 1382 et s. du Code civil ; ce n'est que pour les actes de puissance publique, qu'il y a des règles spéciales, règles spéciales que la Cour de cassation laisse au Conseil d'Etat le soin de déterminer.

Enfin lorsque, revenant sur ces arrêts de 1905 et de 1906, la Cour de cassation, par l'arrêt précité du 2 mai 1906, ville de Nîmes c. Turson, affirme la compétence judiciaire pour toutes les actions en responsabilité dirigées contre les communes, même à raison des actes que l'on considère comme de puissance publique, ce sont les articles 1382 et s. du Code civil qui, d'après elle, servent de base et de limite à cette responsabilité.

III

En somme, à l'heure actuelle, dans l'état de la jurisprudence, le droit positif français peut être résumé dans les propositions suivantes :

1o Les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat sont régies par des règles spéciales inspirées des principes d'équité et non par les art. 1382 et s. du Code civil; elles sont, en principe et sauf un texte, de la compétence du Conseil d'Etat (Jurisprudence concordante de toutes les juridictions françaises).

2o Les actions en responsabilité dirigées contre les communes sont, d'après le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits, soumises au même régime juridique que les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat, quant au fond (équité) [jurisprudence du Conseil d'Etat] et quant à la compétence (administrative) [jurisprudence du Conseil d'Etat et du Tribunal des conflits]. D'après la Cour de cassation, au contraire, le régime juridique est différent quant au fond et quant à la compétence. Ce sont, quant au fond, les articles 1382 et s. du Code civil qu'il faut appliquer; et quant à la compétence, la compétence judiciaire (jurisprudence antérieure à 1905 et arrêt du 2 mai 1906), sous une double réserve. Il y a des règles spéciales et compétence administrative en ce qui concerne les actions en indemnité dirigées par des employés communaux révoqués ou licenciés (jurisprudence constante depuis. 1880); et en ce qui concerne les actions en responsabilité dirigées contre les communes à raison d'actes de puissance publique (juris

prudence encore indécise, arrêts du 3 avril 1905 et du 15 janvier 1906, contrà 2 mai 1906).

Ce simple exposé a eu pour but de faire apparaître la nécessité de simplifier le régime juridique des actions en responsabilité. Il dépend de la Cour de cassation que le droit positif français ait de la cohérence et de l'unité.

GASTON JEZE.

Professeur de droit administratif

à l'Université de Lille.

TROISIÈME PARTIE

ANALYSE De notes deE JURISPRUDENCE

JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

Sirey 1906-3-81.

Note de M. le professeur HAURIOU, Sous Trib. Conf. 3 juin 1905, sur le rôle accordé aux tribunaux judiciaires dans la protection de la propriété contre les entreprises de l'administration.

La décision est intervenue à propos d'étangs qui, appartenant à des particuliers, mais traversés par des cours d'eau non navigables ni flottables, sont objets de propriété privée, mais n'échappent point à la police de l'administration, quant au libre écoulement des eaux ou quant à la pêche. A ce dernier point de vue, s'il y a eu décision exécutoire de l'administration, le contentieux est évidemment réservé aux tribunaux administratifs; s'il y a eu, au contraire, agissements des agents d'exécution, il ne s'agit plus que d'une action négatoire que le propriétaire peut intenter devant les tribunaux judiciaires à l'encontre de l'Etat, pour faire juger qu'il n'existe dans sa propriété aucune partie d'eau pouvant être soumise à la police de la pêche en qualité de chose commune. Cette solution, préannoncée par le Trib. Confl., 13 déc. go, Sir., 92. 3. 120, est maintenant acquise et son intérêt vient de ce qu'elle met dans le contentieux adminis tratif, à côté des « reccurs contre une décision exécutoire'» une catégorie d'‹ actions qui constituent un procédé infiniment plus simple et plus proche du contentieux civil, où les actions naissent directement des faits dommageables.Ainsi, encore que l'introduction de l'instance par le procédé de la décision administrative préalable demeure le procédé original et normal de droit administratif, et ait été rendu très pratique par la loi du 17 juillet 1900, le Tribunal des conflits <«< pousse une pointe du côté de l'action directe »; il semble, en effet, que, quand l'administration trouve en face d'elle la propriété, il se produit un renversement des rôles, et que le privilège du préalable, qui, d'ordinaire, est du côté de l'administration, passe du côté de la propriété, pour autant du moins qu'il s'agit de défendre une propriété contre des entreprises qui sont, non des décisions exécutoires, mais simplement des actes d'exécution ou de préparation. Il y a déjà trois exemples de ces actions directes dirigées contre des administrations publiques et fondées sur de simples faits action judiciaire négatoire des droits de police de l'administration à propos des entreprises de celle-ci sur certains étangs [de Lambilly, Sir., 1906. 3. 82]; action administrative tendant au maintien en possession d'un concessionnaire, à la suite de sommations d'avoir à déguerpir [Cons. d'Et., 14 nov. 1902, Bellier, Sir., 1905. 3. 76]; indication d'une action adminis

trative tendant à la levée de scellés, et motivée, soit par leur apposition indue, soit par leur prolongation indue [Tr. Confl. 19 mars 1904, Awaro, Sir., 1906. 3. 89]. Aussi bien, à propos d'actions directes tirées de la propriété, actions judiciaires en indemnité à raison de l'emprise résultant de la délimitation du rivage de la mer ou de dommages permanents causés par les travaux publics, la pensée se présente « que l'atteinte portée au droit de propriété ou le dommage causé à la propriété pourraient bien avoir le privilège d'engendrer des actions sur citation directe, dégagées de la procédure de la décision préalable ».

Sirey 1906.3-97.

Note de M. le professeur HAURIOU, sous Cons. d'Et. 28 juillet 1905 et 19 janvier 1906, sur l'interprétation de la loi de 1853 relative aux retraites.

M. H., qui voit dans la retraite « un traitement différé servi sous forme de rente viagère au fonctionnaire placé dans la situation de retraite » (Précis, 6o édit., p. 568), signale la tendance de la jurisprudence à se montrer, en la matière, accueillante, et hostile à des fins de non-recevoir tirées de la procédure. II approuve l'arrêt Flamand, qui admet « par toutes voies de droit » une veuve à suivre l'action commencée par son mari ou, à son choix, à intenter une action personnelle. Et, touchant la condition indispensable que le mari ait lui-même avant son décès saisi le ministre de sa demande de pension pour infirmité, il met en lumière ce postulat sur le rôle joué par le ministre dans les procédures contentieuses que, si le ministre n'est plus une juridiction administrative proprement dite, il continue de jouer un rôle dans l'instance, attendu que celle-ci est inaugurée par la réclamation portée devant lui. — Il est d'accord aussi avec l'arrêt Becquerel qui, contrairement à un avis du ministre des finances, et sur les conclusions du commissaire du gouvernement, tient les commis-greffiers, non pour des fonctionnaires de l'ordre administratif, mais pour des magistrats, autorisés à invoquer les dispositions plus favorables de la section 2 du tableau 3 annexée à la loi de 1853: il y trouve, outre les arguments du texte, ces deux raisons que la fonction du greffier est intimément liée à celle du juge, comme représentant l'écriture qui doit accompagner la juridiction, et que, même dans le détail, il faut maintenir la séparation entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire.

JURISPRUdence JUDICIAIRE

Sirey 1906-1.217. Note de M. le professeur CHAVEGRIN, sous Cass. civ., 30 mai 1905, sur l'effet, relativement aux actes de vente, des présomptions d'interposition de l'art. 17 L. 1er juillet 1901.

[Rpr. une autre note du même professeur, sous l'arrêt, Cass. civ. 9 février 1904. Sir. 1904. 1. 433, d'après lequel les congrégations, qui, non autorisées ou reconnues antérieurement à la loi de 1901, laissèrent passer le délai de trois mois sans introduire devant les Chambres une demande en autorisation, n'échappent pas à la liquidation judiciaire].

Touchant la question, cette fois soulevée, de savoir si, pour les cas autres que ceux de libéralités, les sociétés de congréganistes peuvent ou non, même pour le passé, être réputées instruments de la congrégation qui occupe leurs immeubles, la Cour de cassation a refusé de se prononcer pour ou contre l'effet rétroactif; par contre, la brève et suggestive note de M. C. exprime incidemment cette idée qu'en écartant à propos de ventes d'immeubles la présomption de personne interposée à l'encontre de la société civile antérieure à 1901 (ce qui n'eût point abouti à tenir cette société pour distincte de la congrégation), la Cour eût consacré la « vraie solution ».

Sirey 1906-1-253.

Note sous Cass. crim,, 24 février 1906, sur les limites du droit de réprimande des instituteurs publics.

Cette intéressante observation est faite dans la note (2-3) qu'en appréciant, au point de vue pédagogique, le point de savoir si en traitant trop durement un élève dans sa réprimande, un instituteur se conforme ou non aux règlements scolaires, et excède ou non les limites de son droit de discipline à l'encontre des règlements de l'enseignement primaire, un tribunal commet une confusion et même un excès de pouvoir : il n'appartient qu'à l'autorité académique (inspecteur primaire, inspecteur d'académie, ou encore conseil départemental) de relever et juger cette faute qui n'est en aucune manière de la compétence judiciaire.

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Note de M. E. NAQUET, sous Civ. rej., 23 nov. 1904, à

propos de fondations de messes et de tarifs d'oblations.

Elle critique le rejet fait par la Chambre civile (après avis contraire de la Chambre des requêtes) d'an pourvoi dirigé contre une déclaration d'abus émise par le Conseil d'Etat contre le desservant d'une paroisse qui avait refusé de célébrer des messes pour le repos de l'âme d'un donateur, motif pris de ce que la commune offrait, au lieu des arrérages de la rente constituée en vue de messes, le simple chiffre des oblations fixé par le tarif diocésain. — Elle établit en premier lieu que le Concordat, voulu par Napoléon comme un moyen de gouvernement, avait, d'une part, prévu les contrats de fondation et les tarifs généraux ou diocésains établis par les fabriques, sous certaines autorisations, quant aux prières à célébrer, et laissait, d'autre part, au prêtre le droit, d'abord de réclamer, suivant le cas, le prix fixé par le contrat de fondation ou le tarif diocésain, ensuite et suivant les circonstances, de refuser son concours ou de réclamer devant les tribunaux le paiement non effectué. Elle relève, en second lieu, une contradiction dans la solution du Conseil d'Etat qui, après avoir reconnu pour le desservant le droit de faire juger la difficulté née quant au taux de la rémunération (sauf à la faire trancher par l'autorité judiciaire), décide, en même temps, que, du fait de cette contestation ledit desservant avait commis un abus ; et elle montre que parler de la liberté du prêtre et de l'honneur de la religion, c'est, en la circonstance, et mas. quer d'un mot l'atteinte qu'on porte plutôt à cette même liberté par l'obligation de célébrer des messes à un prix quelconque, et oublier que dans le Concordat étaient prévus les contrats de fondation destinés à régler les honoraires du prêtre, et, en l'absence de fondation, les tarifs diocésains. Elle soutient enfin un principe, qui n'est point communément adopté sans réserve, celui du caractère obligatoire des actes du culte, hors les cas prévus par les canons, et, tout aussitôt elle conclut que, dans l'espèce, le refus du prêtre n'était point abusif, puisque le Concordat autorisait la réclamation d'un prix déterminé pour les messes; admit-on, d'ailleurs (ce qu'elle déclare inexact), que le fait en question constituait une faute, il était, dit-elle avec la Chambre des requêtes qui avait accueilli le pourvoi, impossible de voir dans le fait autre chose qu'une faute ayant un caractère purement religieux, exclusif de la faute civile pouvant entraîner des dommages-intérêts. La question ne peut plus se poser depuis la séparation des Eglises et de l'Etat, celui-ci n'ayant plus à s'immiscer dans la conduite des prêtres au point de vue religieux.

Sirey 1906-1-353. : Note de M. G. APPERT, sous Civ. cass. 3 avril 1905, en matière de responsabilité communale, à l'occasion de mesures de police prises ou omises pour le maire et d'actes accomplis par les agents de la commune dans les services municipaux.

C'est une revue intégrale et une analyse fine de la jurisprudence française opposée à la jurisprudence de la Belgique et du Luxembourg soumis encore aux principes de notre législation, et non pourvus de tribunaux administratifs. Tandis que notre Conseil d'Etat se montre de plus en plus favorable à l'idée de la responsabilité des administrations publiques, elle constate qu'à l'étranger, les tribunaux de droit commun, plus jaloux des prérogatives de l'Etat et des communes, persévèrent dans la vieille conception de l'irresponsabilité de la puissance publique, du moment que la mesure prise ou négligée se rattache à la police municipale. Elle résume la jurisprudence française en disant que: 1o depuis 1868, époque où la question lui fut soumise pour la première fois, la Cour de cassation tient les communes pour engagées par les fautes de leurs agents ou préposés, mais 2o qu'en revanche, elle vient de les libérer quant aux fautes du maire agissant en vertu de ses pouvoirs propres de police municipale, tandis que les cours d'appels, sauf quelques rares dissidences, se refusent à faire cette distinction et déclarent la commune responsable aussi bien des fautes du maire que de celles des agents inférieurs. Elle explique, à ce dernier point de vue, la doctrine présente de la Cour de cassation par son désir de mettre sa jurisprudence d'accord, en ces matières, avec celles, brièvement rappelées, du Conseil d'Etat ; mais elle ne manque point de faire observer que, si elles sont d'accord, les deux Juridictions sont parties de points différents pour arriver à la distinction actuelle, et que c'est au moment où le Conseil d'Etat abandonne, semble-t-il [V. HAURIOU, note sous Cons. d'Et. 10 et 17 février 1905, Tomaso Greco et Auxerre. Sir. 1905. 3. 113, analysée dans cette Revue, 1905, p. 788], l'ancienne thèse de l'irresponsabilité de l'administration que la Cour de cassation se montre, au contraire, de plus en plus favorable aux communes et de plus en plus dure pour les administrés (Cpr. suprà, p. 696 et s. la note de M. Jèze).

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Sirey 1906-1-369. Note de M. E. NAQUET, Sous Crim. cass., 23 janvier 1904, sur l'apposition et le bris de scelles mis sur les locaux d'une congrégation dissoute. Le droit est maintenant établi (Cf. note de M. le professeur CHAVEGRIN, sous Cass. 26 déc. 1902. Sir. 1904. 1. 57) pour le tribunal correctionnel saisi de la poursuite d'examiner si l'autorité qui ordonna l'apposition des scellés avait pouvoir à cet effet, et si l'apposition fut faite par un agent ayant qualité suffisante. Les difficultés en l'espèce jugée ne portaient que sur l'emploi par un brigadier de gendarmerie du sceau de la justice de paix, et sur l'incompétence prétendue de ce même brigadier pour mettre les scellés brisés par les prévenus.-M. N. explique, sur un point, que, si l'emploi du sceau réservé au juge de paix (C. pr. civ., 908), constituait une irrégularité, les scellés n'en sont pas moins l'emblème, non de telle autorité en particulier, mais du principe même de l'autorité publique, si bien que, dès son apposition par un agent compétent, cet emblème pré. sente tous les caractères extérieurs d'un acte de la puissance publique et doit, à ce titre, être respecté sous la sanction de la loi pénale. Il avait montré, sur l'autre, qu'autant il y a de raisons pour ne pas employer à ces fins le juge de paix, en lui faisant recevoir des ordres du préfet et accomplir une mesure de pure administration, autant il y en aura peu pour choisir exclusivement un officier de police administrative; pour réaliser, dit-il, l'ordre précis et indiscutable d'une volonté supérieure, il suffit de disposer de la force matérielle et il serait déraisonnable d'exiger de celui qui sert d'instrument autre chose que la qualité d'agent d'exécution des mesures prescrites par l'autorité publique.

Dalloz 1906-1-277.

Note X.., sous Cass-req. 29 juillet, 9 déc. et 21 déc. 1903, sur le caractère religieux des associations.

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