Page images
PDF
EPUB

HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1840.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

INTRODUCTION.

[ocr errors]

CHAPITRE PREMIER.

Aperçu sur la situation intérieure et extérieure. Ouverture de la Session législative.- Discours du Roi. — Composition des Bureaux. Discussion de l'Adresse dans les deux Chambres. Réponse du Roi à l'Adresse des Députés.

Comme on l'a vu dans l'Annuaire précédent, la coalition ne recueillit point les fruits de sa victoire : le principe parlementaire qu'elle avait mis en avant semblait, il est vrai, avoir triomphé, mais les hommes qui l'avaient proclamé et défendu le plus énergiquement durant la lutte ne furent pas sitôt appelés à le porter dans la direction des affaires. Si donc l'administration nouvelle devait différer de celle du 15 avril, ce n'était pas précisément par l'ensemble de sa composition: collectivement, ses membres appartenaient non à Ann. hist. pour 1840.

1.

telle grande fraction de la Chambre élective en particulier, mais individuellement à chacune d'elles.

Que si l'on s'attache aux précédents, les ministres, quelle que fût leur valeur personnelle, n'avaient cependant pas à se faire un titre de cette autorité de doctrine qui fait reconnaître tout d'abord les chefs de partis politiques. Quelques-uns d'entre eux avaient su toutefois au second plan où ils se trouvaient placés, se maintenir dans une sorte d'indépendance de caractère.

Il ne faut donc pas s'étonner si, s'écartant en ce point des errements de ses prédécesseurs, le ministère ne formula pas d'abord un programme proprement dit, et si, pour toutes les grandes questions de politique intérieure, il se tint dans cette réserve qui semblait une loi de sa formation. On s'attendait, par exemple, à une définition plus complète des attributions du jury, comme à une extension des droits électoraux néanmoins, on ne s'expliqua même pas sur la première question; et quant à la réforme électorale, elle fut admise en principe, mais ajournée dans l'application. Cependant l'administration du 12 mai adopta une mesure qu'on ne saurait assez approuver la subvention accordée jusque-là à certains journaux, leur fut retirée. Si cette résolution n'engageait pas l'avenir, du moins rendait-elle difficile le retour de l'abus

:

Se tenant ainsi dans une sphère d'activité secondaire, les membres du cabinet, notamment le garde-des-sceaux, es'sayèrent d'introduire quelques améliorations purement administratives. Le projet d'ordonnance relatif au Conseil-d'État ne porta pas sur les parties de cette institution qui avaient besoin d'être mises en harmonie avec la loi fondamentale; mais seulement sur son organisation intérieure: diminution du service extraordinaire, augmentation du service ordinaire.

Les abus de la vénalité des offices avaient frappé le mi"nistre; it essaya d'y porter la main....; mais ici, il s'attaquait

à des fortunes, à des positions influentes, à l'un des éléments les plus actifs du corps électoral. Il rencontra donc, en dehors du parlement, des convictions et des obstacles qui firent échouer le seul projet vraiment utile qu'il eût conçu. Une considération démontre de plus fort ce qu'il y avait d'incertain, d'impuissant dans l'action du gouvernement: M.Passy avait été aux diverses époques de sa vie parlementaire un des plus chauds partisans du remboursement de la rente; on devait dès-lors s'attendre à ce que ce ministre, fidèle à son passé, ferait entrer le cabinet dans ses vues sur cette matière. Néanmoins, contre l'attente universelle, le discours de la Couronne, ce programme ordinaire de la marche de l'administration, gardera sur ce point un silence significatif.

Ainsi la lutte d'autrefois n'était que suspendue; les personnes étaient changées, non les choses: vienne donc une proposition qui mette en contact les intérêts du pays avec ceux de l'un des grands pouvoirs de l'État, et l'on verra ce ministère tomber, moins pour avoir violé un principe, que pour ne pas avoir franchement avoué le sien.

Il est facile maintenant de comprendre comment à l'extérieur le 12 mai n'a voulu s'attacher qu'à une politique de prudence et de conservation. Ici encore, maintenir ce qui était; s'efforcer de faire vivre parallèlement avec le pouvoir ancien, mais profondément ébranlé du sultan, le pouvoir nouveau que les événements et la victoire avaient fait surgir voilà le système que l'on essaya de faire prévaloir dans ce grand débat qui tenait attentifs l'Orient où il s'agitait, et l'Occident dont il intéressait l'équilibre.

Or, pour arriver à ce résultat, il fallait nécessairement au protectorat exclusif et dangereux d'une seule puissance, substituer à Constantinople le protectorat collectif des grandes puissances européennes. Telle fut la pensée du cabinet, pensée louable sans doute, mais difficile dans l'exécution; car, d'une part, on faisait obstacle à l'accomplissement des projets si anciens du cabinet russe, et de l'autre on

plaçait entre l'Europe et l'Inde une puissance dont l'Angleterre devait voir les progrès avec inquiétude. Considéré à ce point de vue, ce système pouvait amener entre les cabinets de Saint-Pétersbourg et de Londres un rapprochement qui tendrait à neutraliser ou même à écarter l'action de la France.

Tels étaient ou tels s'annonçaient les événements, lorsque s'ouvrit la session législative (23 décembre).

Voici comment le ministère s'expliqua sur la situation dans le discours de la Couronne.

Après un rapide coup d'œil jeté sur l'intérieur du pays, qu'au témoignage du prince royal, de retour de son récent voyage, on pouvait regarder comme rassurant, il exposa la question de la politique extérieure, qui embrassait à la fois nos rapports pacifiques et bienveillants avec les puissances; puis l'Orient sur lequel l'Europe délibérait; l'Espagne toujours en proie à la guerre civile, malgré la pacification de la plus grande partie des provinces du Nord; le blocus des ports de la république Argentine, qui retenait encore une de nos escadres; enfin l'Afrique, de nouveau troublée par l'attaque subite des tribus arabes vaincues naguères.

Relativement à l'Orient,

• Notre politique sera toujours, disait le Roi, d'assurer la conservation et l'intégrité de l'empire ottoman, dont l'existence est si nécessaire au maintien de la paix générale. Nos efforts ont au moins réussi à arrêter dans l'Orient le cours des hostilités que nous avions voulu prévenir; et quelles que soient les complications qui résultent de la diversité des intérêts, j'ai l'espérance que l'accord des grandes puissances amènera . bientôt une solution équitable et pacifique.

>> En Espagne, tout portait à espérer que les provinces de l'Est ne tarderaient pas à rentrer dans l'ordre. Les heureux résultats déjà obtenus en faveur du trône constitutionnel d'Isabelle II, étaient l'ouvrage de la sage politique du gounement de la reine régente et de la valeur persévérante de l'armée espagnole, soutenue par l'appui que leur avaient

donné la France et l'Angleterre pour la fidèle exécution du traité de 1834.

» En Amérique, nous hâtions par un nouvel envoi de forces la satisfaction qui nous était due par la république Argentine. Le Mexique observait fidèlement le traité qu'il avait conclu avec la France. >>

Quant à l'Afrique, S. M. ajoutait:

Il faut que cette agression soit punie et que le retour en devienne impossible, afin que rien n'arrête le développement de prospérité que la domination française garantit à une terre qu'elle ne quittera plus. De nouvelles troupes sont déjà transportées en Afrique, et des moyens de tout genre se préparent pour abréger la durée de la guerre en la poussant avec vigueur, et pour que désormais les habitants de l'Algérie et les tribus indigènes trouvent partout une protection efficace. La dépense immédiatement ordonnée dans ce but sera présentée au vote régulateur des Chambres. »

Venaient ensuite quelques mots sur l'étal prospère de nos finances et sur les lois diverses qui seraient présentées aux Chambres, et le Roi terminait par ces paroles :

• Déjà près de dix années se sont écoulées depuis le grand acte qui m'a appelé au trône, et depuis que pour la première fois vous m'avez entouré de ce concours et de cet appui que je viens vous demander de nouveau. C'est avec vous, c'est au milieu de vous que j'aime à féliciter la France de ces heureux progrès dans cette carrière de civilisation et de liberté légale que quelques passions turbulentes et insatiables travaillent encore à interrompre. Grâce à Dieu et à votre loyal concours, leurs efforts demeureront impuissants, et les derniers vestiges des désordres passés disparaîtront devant la raison publique et la volonté nationale. »

Chambre des Pairs. - La Chambre constituée, nomma la commission qui devait rédiger l'Adresse, en réponse au discours de la Couronne, et le 6 janvier, M. le comte Portalis, rapporteur, donna lecture du projet qui, dans son ensemble, comme dans ses détails, était entièrement favorable au Gouvernement.

Aussitôt fut ouverte la discussion générale. Les orateurs ne se pressèrent point dans l'arène comme l'année précédente. Il ne s'agissait plus d'un renversement de ministère. Cependant les débats ne devaient point, ne pouvaient point

« PreviousContinue »