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clarer peu satisfait, et moins encore convaincu, des explications données par le ministre des travaux publics sur les variations de sa politique, M. de Rémusat vint clore la discussion par quelques mots sur la pensée des commissaires de l'Adresse. Il leur avait paru certain qu'en demandant à la Chambre d'adhérer au principe conservateur de nos institutions, de ces institutions qui doivent être contenues dans leurs limites, durer autant que le règne, autant même que la dynastie, le ministère n'avait pas voulu enchaîner l'adhésion du parlement à un système d'administration, ni même à telle ou telle politique, mais seulement à l'ensemble, au principe même de ces institutions. Dans tout le reste, quand par exemple on appelait le concours de la Chambre contre les efforts des partis, ceux notamment qui tendraient à relever une dynastie descendue tout entière dans le tombeau avec son chef, la commission répondait que les sentiments de la Chambre s'accordaient avec ce que l'on réclamait d'elle, et c'est dans cet esprit que l'on a dit à la royauté de ne rien craindre de ces efforts. C'est qu'il a paru à la Commission que la révolution de 1830 avait fait monter la France au dernier degré de la liberté politique, telle que l'avaient fait comprendre quinze années d'opposition; que si l'on s'est servi de cette expression gouvernement parlementaire, ç'a été pour établir qu'aujourd'hui il n'y avait pas que des formes constitutionnelles comme sous la Restauration; que l'idée d'un pouvoir supérieur aux deux autres ne se cachait plus derrière toutes celles que l'on proclamait ; mais au contraire, que tous les pouvoirs sont essentiels les uns aux autres ; qu'aucun ne peut avoir la supériorité sur tous, et que s'il s'élève entre eux un différend, c'est au vou national constitutionnellement consulté, à juger en dernier ressort, et ce jugement doit faire loi. A entendre ceux qui combattent l'Adresse, ses rédacteurs auraient douté de cette conquête de 1830. Pour être fondé dans un pays, un système n'est pas pour cela immobile et sans avoir ses vicissi

tudes. Le gouvernement peut être parlementaire et l'administration ne l'être pas toujours. On a pu établir cela sans nier que le système existât; la chute même d'une telle administration prouve cette existence. L'Adresse s'est contentée, après la scission qui s'était déclarée dans les esprits, de présenter à tous un principe, un drapeau auquel on se pût rallier. Les associations politiques, non les idées, se trouvent fractionnées. M. de Rémusat en puise la preuve dans l'opinion de la Chambre sur la politique d'Orient : cette opinion est nationale et le ministère l'a trouvée toute faite à la tribune. Or la commission n'a voulu autre chose que rallier de même la Chambre sur la plus grande question de la politique intérieure, la politique parlementaire.

Satisfait de ces nouvelles explications, qui rentraient dans la distinction qu'il avait lui-même faite, M. de ChasseloupLaubat retira son amendement; le paragraphe fut ensuite mis aux voix et adopté. On passa au scrutin sur l'ensemble: sur 255 votants, 212 adoptèrent l'Adresse, 43 la repoussèrent. Le projet de la commission sortit donc triomphant de la discussion.

L'Adresse fut présentée au Roi le lendemain du vote (16 janvier) par le président de la Chambre. La réponse de S. M. n'était pas cette fois toute de style comme il arrive d'ordinaire pour les paroles officielles que le ministère prête au chef de l'Etat : il sembla au contraire que le Roi voulut donner, en y appuyant à la question de politique intérieure traitée dans l'Adresse, plus de précision que la Chambre elle-même n'avait entendu lui en imprimer.

« Le concours des pouvoirs de l'Etat pour le bien-être, la force et la dignité de la France a été et sera loujours, disait S. M., le but de mes efforts. C'est par là que se manifeste au-dedans et au-dehors l'action salutaire de la monarchie constitutionnelle, que nous avons tous juré de maintenir, et qui seule peut assurer la grandeur et la prospérité nationales.

« Votre loyale et patriotique adhésion m'est un nouveau gage de l'appui que mon Gouvernement trouvera en vous pour les vrais intérêts du pays, inseparables des droits et de l'ascendant légal de l'autorité. »

Toute la polémique de ces derniers temps se trouvait résumée en ce peu de mots; le ministère en rappelant le serment prêté aux institutions par les trois pouvoirs, traçait à dessein, la limite de leurs droits respectifs, et partant l'étendue de leurs devoirs; comme, en parlant des vrais intérêts du pays, il y comprenait les droits et l'ascendant légal de l'autorité. Restait la question d'avenir et la tendance naturelle aux pouvoirs politiques à franchir la ligne de leurs attributions.

Ann. hist, pour 1840

8.

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Blanqui et de ses co-accusés (2o catégorie).-Troubles dans la ville de Instruction judiciaire et interpellations à la Chambre des

Foix. députés.

La réforme électorale qui venait au plus d'être effleurée dans l'enceinte législative, avait été au dehors l'objet de manifestations beaucoup plus prononcées. Déjà dans l'intervalle des deux sessions, des citoyens avaient fait des efforts pour appeler l'attention des Chambres et du pays sur cette haute question politique. Cette fois, pendant que l'Adresse se discutait au sein du parlement, une démarche grave eut lieu de la part d'un certain nombre de gardes nationaux; et à cette occasion, il convient de rappeler qu'entre les vues proposées pour l'extension du droit électoral dominait celle qui ferait conférer ce droit à tous les gardes nationaux. Le 12 janvier, trois cents d'entre eux, se réunirent en uniforme sur une des places de Paris, d'où ils se rendirent, plusieurs de leurs officiers en tête, chez les députés qui avaient le plus manifesté leur sympathie pour la réforme, par leur coopération à en propager l'esprit, à savoir: chez MM. Laffitte, Arago, Dupont (de l'Eure) et Martin (de Strasbourg). La réponse de M. Laffitte au capitaine Vallée, de la 4o légion, est remarquable à plus d'un titre; nous en extrayons ce passage:

« Il m'est doux de vous revoir dans cette maison, qui fut le quartier géné ral de la révolution de juillet, révolution immortelle qui, en éveillant chez

tous les peuples de généreuses sympathies, a mis entre les mains de la France le sort du monde. Faite par le peuple et pour le peuple, cette révolution n'a pas encore porté ses fruits: elle imposait des devoirs, elle proclamait des droits; ces devoirs, vous les avez loyalement remplis ; ces droits, ils ne sont pas encore reconnus. En demandant la réforme électorale, Messieurs, vous vous montrez fidèles à l'esprit de la révolution de juillet, dont les destinées ont paru un instant compromises par ceux qui avaient mission de les consolider. Du reste, Messieurs, les réformes, lorsqu'elles sont devenues nécessaires, sont le meilleur préservatif des révolutions. En suivant les voies légales, nous arriverons au progrès, j'en suis convaincu. Le progrès est dans la puissance de l'esprit public, et il est digne des mœurs de la liberté d'obtenir la réalisation du droit avec cette fermeté calme, cette modération courageuse qui sont tout à la fois le signe et le gage de la force. »

Y avait-il dans cette démarche à laquelle s'étaient portés des gardes nationaux, dont quelques-uns étaient revêtus des insignes de leurs grades, une infraction aux dispositions de la loi organique du 22 mars 1831, et notamment aux articles 1 et 7 qui portent, l'un « que toute délibération » prise par la garde nationale sur les affaires de l'Etat, du » département, et de la commune, est une atteinte à la » liberté publique et un délit contre la chose publique et » la Constitution; » l'autre : « que les citoyens ne pourront » prendre les armes ni se rassembler en état de gardes natio» nales, sans l'ordre des chefs immédiats, ni ceux-ci donner » cet ordre sans une réquisition de l'autorité civile, dont il » sera donné communication à la tête de la troupe. » L'affirmative ne parut douteuse, ni au commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, ni ultérieurement à l'autorité administrative, qui appela devant elle les principaux auteurs de cette manifestation. Le maréchal Gérard s'en expliqua d'ailleurs formellement, dans une proclamation publiée le 14 janvier, et dont la partie qui suit mérite surtout d'être reproduite :

⚫ C'est avec un sentiment de vive peine et de profond regret que lè maréchal commandant supérieur a vu des gardes nationaux oublier à ce point le caractère de leur institution, le respect dû à la loi et à la sainteté de la

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