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l'est et le passage des caravanes du centre de l'Asie. Khiva faisait droit aux griefs du Cabinet de St.-Pétersbourg, le but avoué de l'expédition était atteint; le but secret le sera infailliblement par le temps.

Cependant dans les montagnes du Caucase, d'autres peuplades, depuis long-temps harcelées, mais jusqu'ici sans beaucoup de succès, les Circassiens continuaient leur héroïque résistance. Vainement, d'après le plan tracé par le général Wiliamenoff, on avait élevé des forts sur toute la ligne. frontière, comme sur le rivage, et percé le pays de routes militaires pour isoler l'angle nord-est du pays et rompre les communications; les garnisons placées là pour surveiller les mouvements des Circassiens, étaient en quelque sorte devenues leurs captives, et les efforts renouvelés chaque année allaient se briser contre de nouveaux obstacles. C'est ainsi que depuis les luttes acharnées dont nous avons rendu compte dans notre précédent volume, plusieurs combats furent livrés et revélèrent encore une fois l'indomptable patriotisme de ces montagnards intrépides.

Mancour-bey, Hadji-Tuz-bey, le lion de Shapsook et Tengouse-ie-Loup ayant rassemblé 7,000 hommes, surprirent une forteresse défendue par 2,500 Russes, et, secondés par l'explosion du magasin à poudre, en même temps que quelques-uns d'entre eux en furent les victimes, ils massacrèrent une partie de la garnison. Les forts d'Aboen, de Nicolaï et de Mazgah, etc., furent également pris et rasés. Les Circassiens mirent une garnison de 500 hommes dans celui de Soo-Baskir. Cependant à Michaïloff, 500 soldats,atlaqués par 11,000 montagnards, donnèrent l'exemple d'une héroïque défense: ils avaient repoussé plusieurs fois l'ennemi; mais, épuisés par leurs succès même, ils résolurent de mourir plutôt que de céder. Archix Ossipoff, du régiment d'infanterie Tengenski, proposa de faire sauter la poudrière et se dévoua le premier à la mort en accomplissant cet acte suprême. Quelques hommes échappèrent,

et l'empereur honora dans leurs familles les services des courageux défenseurs de la forteresse de Michaïloff. Pour consacrer le souvenir de la mort héroïque du soldat Ossipoff, qui ne laissait point de parents, S. M. ordonna de maintenir son nom toujours en tête de la liste de sa compagnie; à l'appel, le soldat suivant répond: mort pour la gloire des armes russes dans le fort de Michaïloff; tels sont les termes de l'ordre du jour publié à ce sujet par le ministre de la guerre.

Les montagnes du Caucase répétèrent ces victoires successives des Circassiens, et les tribus conçurent de grandes espérances; mais à leur résistance si constante le Gouvernement était prêt à opposer de nouvelles forces. Une armée considérable, sous les ordres des généraux Grabb et Rajewski, fut préparée pour une seconde expédition; mais les éventualités de la guerre de Syrie et l'incertitude des événements qui se développaient au sud de l'empire, ne laissaient pas à l'armée sa liberté, et pour cette année les opérations militaires dirigées contre la Circassie se bornèrent à quelques débarquements près de Tuab, à la réparation des forts qui avaient souffert et à une action pleine de courage au fort Abinsky.

Telle est l'histoire extérieure de ce pays en 1840, et si elle est mêlée de quelques revers, elle est également signalée par d'immenses succès diplomatiques: ceux que cette puissance semble ambitionner davantage.

L'histoire intérieure est moins riche de faits, bien qu'elle offre de grands développements, de grands progrès dans l'industrie et les arts, qui sont l'objet de la protection toute particulière de l'empereur. Les hommes spéciaux de tous les pays reçoivent à la cour le plus bienveillant accueil et les encouragements les plus éclairés. Créer une industrie nationale, un art national, une littérature nationale, telle est la pensée du czar, et ses efforts ont déjà porté quelques fruits. La presse périodique s'organise également; bien que dominée

par une volonté supérieure, elle répand déjà quelques lumières au sein de cette civilisation toute fraîche éclose des mains de Pierre-le-Grand.

POLOGNE. Quant à cette autre partie de l'empire, elle continuait d'être soumise au même système de Gouvernement: la dénationalisation; c'est là le but des écoles qui ont été fondées dans divers districts, et c'est aussi ce qui explique en partie les mesures prises contre l'évêque de Podalachie.

Dès l'année 1833, ce prélat avait fait une vive opposition à la législation proclamée par le Cabinet de St.-Pétersbourg sur les mariages mixtes; depuis, il avait, avec non moins d'opiniâtreté, défendu les droits et les propriétés de l'église romaine. La cure de Wengrow avait été convertie en caserne; il demanda qu'elle fût rendue aux desservants de cette paroisse qui, disait-il, se trouvaient sans abri, et aux prêtres émérites de son diocèse, auxquels cette maison était destinée à servir d'hospice. Par offices des 24 décembre 1837 et 18 juin 1838, l'administration des cultes en Pologne avait promis la restauration et la restitution de cet édifice; mais avant que cette promesse fût remplie, un envahissement nouveau dût avoir lieu et pour le même usage, dans des bâtisses appartenant à la cure de Wlodawa et aux religieux de l'ordre de St.-Paul. C'est ainsi, du moins, que ces faits sont consignés dans la lettre que l'évêque de Podalachie écrivit au directeur du département des cultes (28 mars).

« Cette atteinte à la propriété placée sous la garantie des lois, continuait le prélat, est un outrage fait à l'Église, à la justice et à la majesté même du souverain, qui, ayant par son statut organique promis de respecter la propriété des églises placées sous son sceptre, ne peut assurément pas permettre à son Gouvernement d'y porter atteinte par des actes qui sont un scandale public. >>

L'évêque de Podalachie s'adressa également à l'empereur; mais le Cabinet ne crut pouvoir tolérer la liberté et la hardiesse de ses protestations; dans la nuit du 1" mai, le prélat

fut arrêté et enlevé, pour être conduit à Mohilew, puis enfermé dans un couvent de Dominicains. Cette mesure, que déplorèrent les catholiques polonais, succéda à un acte qui fut partout accueilli avec faveur.

En effet, au commencement même de cette année (27 janvier) un décret d'amnistie avait été publié : le Gouvernement invitait tous ceux qui ont pris part à l'insurrection de Pologne, s'ils ne se trouvaient pas dans la catégorie des principaux chefs, et s'ils ne s'étaient pas, à cette époque, rendus coupables de crimes particuliers, à se présenter dans l'espace de trois semaines, du 27 janvier au 17 février, devant les autorités locales, et à rentrer dans les provinces auxquelles ils avaient appartenu avant l'insurrection. Tous ceux qui se présenteraient dans le délai fixé, pourraient continuer à séjourner dans la localité de leur retraite sans crainte d'être recherchés. La même faveur était accordée aux personnes qui avaient jusqu'alors donné asile à ces proscrits. Toutefois le contumace devrait fournir la preuve claire et indubitable qu'il a réellement séjourné jusqu'à la publication de la présente amnistie dans les limites de l'empire; mais, portait le décret, si dans le nombre des proscrits il s'en trouve quelques-uns qui aient la prétention de profiter de l'amnistie sans se conformer aux prescriptions, ils ne feront qu'aggraver leur position. A l'expiration du délai, les coupables découverts par la police et les personnes qui leur auront donné asile seront livrés aux tribunaux.

Ann. hist. pour 1840.

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CHAPITRE IV.

TURQUIE-ÉGYPTE.- Situation,

Nouveau Code pénal. - Ses dispositions -Son esprit. Session du conseil des ministres. — Discours du GrandSeigneur. Réglement pour les séances du conseil de justice.-Chute de Khosrew-Pacha.-Conspiration dans Constantinople.-Exil de Khosrew.Proposition de Méhémet-Ali. — Insurrection de Syrie.-Ibrahim la comprime. Traité de Londres.-Protestation de Méhémet-Ali.—Sa lettre au Sultan. Proclamation d'Abd-el-Medjid. — Autre lettre du pacha d'Égypte. Sa déchéance prononcée par le divan.-Exécution du traité du 15 juillet. — Blocus des côtes de la Syrie. — Prise de Beyrouth. — Évacuation de Sidon. - Prise de Saint-Jean-d'Acre. - Retraite d'lbrahim.-Défection de l'émir Beschir. Nouvelle révolte des populations syriennes.Convention entre Méhémet-Ali et le commodore Napier. Conclusion.- Episode de la situation intérieure: Affaire des Juifs de Damas.

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GRÈCE. Politique de M. Glarakis. - Progrès de la faction russe.- Conspiration pour le renversement du roi Othon. Découverte de cette conspiration. Destitution de Glarakis. Situation. Traité de commerce avec la Belgique. Négociations pour un traité de commerce avec a Porte. Articles de ce traité. Le peuple grec s'oppose à la ratification. - M. Zographos donne sa démission. Mécontentement du gouvernement lure. Représailles. - Détermination du Divan. — Appel du gouvernement hellénique aux grandes puissances. M. Christides remplace à Constantinople M, Zographos.

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TURQUIE-ÉGYPTE.

Le développement successif des institutions proclamées à Gulhané; la chute du premier ministre Khosrew-Pacha; la solution donnée par les quatre grandes puissances à la question égyptienne, solution à laquelle l'insurrection de Syrie sert de prélude, tels sont les faits qui donnent à l'histoire de cette année la physionomie la plus imposante,

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