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Les services que le roi de Naples avait reçus en cette circonstance du Cabinet des Tuileries, avaient rétabli entre les deux cours d'intimes relations d'amitié, dont le gouvernement napolitain donna des preuves dans la pompe extraordinaire qu'il déploya pour célébrer la fête du roi des Français; et quand se manifestèrent les craintes d'une guerre générale, et que le canon qui bombardait la Syrie émut l'Europe, le roi des Deux-Siciles ne dissimula point la sympathie qui le faisait pencher vers la France.

La solution d'un démêlé depuis longtemps en suspens vint clore les événements de cette année : les frontières, si longtemps incertaines entre le royaume et les États-Romains furent définitivement déterminées. Par la convention qui eut dieu entre les ministres plénipotentiaires des deux souverains, la possession de Bénévent fut assurée au SaintSiége.

Ann. hist. pour 1840.

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CHAPITRE VI.

ESPAGNE. - État du pays. Les partis. — Espartero. - Les élections. — Troubles à Malaga. Triomphe des modérés.-Ouverture des cortès.Discours de la reine-régente. — Vérification des pouvoirs. - Proposition de M. Olozaga.-Emeute à Madrid.-Mise de cette ville en état de siége. -Suspension des séances des cortès. - Levée de l'état de siége. -- Constitution de la Chambre des députés.—Loi relative à la presse, aux députations provinciales, aux Ayuntamientos. — Agitation causée dans le pays par cette dernière loi.-Reprise des hostilités contre les carlistes.Le duc de la Victoire commandant-général de l'armée d'opération. Prise de Segura, de Castellote, de Villaluengo, de Penarroya, d'Aliaga. Mise en déroute du 1er bataillon d'Aragon, du 5o de Valence.-O'Donnel s'empare de Cantavieja, de Morella.—Cabrera à Berga. -Prise de cette ville.- Retraite de Cabrera en France. — Balmaseda. Victoire du général Concha sur ce chef carliste.-Sa retraite en France. -Tentative d'attaque contre la régente et ses enfants, se rendant à Barcelone. Elle échoue. - Conclusion.

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Nous avons laissé les annales de ce pays à l'époque où la lutte électorale se trouvait engagée; et assurément elle ne pouvait l'être dans des circonstances plus favorables pour le Gouvernement: il triomphait enfin de l'ennemi qui attaquait le principe même de son existence, et si le général heureux, auquel on devait la victoire, pouvait être redoutable, rien n'annonçait alors que ce pût être dans un avenir rapproché. Nous verrons plus tard si la régente avait raison de s'endormir dans cette sécurité. Les modérés l'emportèrent; ils eurent dans les élections une incontestable majorité on se serre naturellement autour d'un pouvoir vainqueur : il attire à lui les intérêts qui font vivre les sociétés; mais dans un pays comme celui-ci, le triomphe des modérés ne pouvait être acheté qu'au prix de collisions, d'effusion de sang. Les cités populeuses, actives, Malaga et Madrid, furent le théâtre de ces désordres, produit inévitable des dissensions politiques, en un royaume pour qui la vie publique

était si nouvelle. Dans la première de ces deux villes, les troubles accompagnèrent les élections; dans l'autre, ils éclatèrent à l'époque de l'ouverture de la session, qui eut lieu le 18 février. Avant de nous arrêter sur les détails de cet épisode des premières séances des cortès, nous devons faire connaître l'esprit de la harangue royale: il y avait peu de chose à dire sur les rapports du gouvernement avec le dehors la reine rendait justice aux efforts faits pour la cause d'Isabelle II par la quadruple alliance; et ce qui prouvait assez éloquemment le succès de cette cause, c'était la reconnaissance de la jeune reine par celles des puissances qui jusque-là s'étaient tenues à son égard dans une position de froide réserve ou même d'hostilité : la Hollande renouait ses relations avec le gouvernement de Madrid; la Sardaigne reprenait avec lui les rapports de commerce dont l'interruption ne pouvait qu'être nuisible à des royaumes si voisins et placés dans une même position maritime; enfin on venait de conclure un traité d'alliance et de commerce avec la république de l'Équateur. Mais où le discours de la régente devint surtout important, c'est lorsqu'elle annonça que l'on était assez en possession des bienfaits de la paix, pour que l'on pût songer à donner aux populations les institutions complémentaires en harmonie avec la loi fondamentale, avec le régime constitutionnel. Des projets de loi, destinés à combler ces lacunes, allaient être présentés aux deux Chambres : ils auraient pour objet : l'un, de mettre d'accord avec l'esprit et la lettre de la constitution, l'existence actuelle des députations provinciales et des Ayuntamientos; l'autre, d'introduire dans la loi électorale les améliorations que l'expérience aurait fait juger nécessaires; un troisième projet serait relatif à la liberté et à la police de la presse; un autre, enfin, devait régler la condition, le sort du clergé, et en même temps, assurer la sécurité et la dignité dont le culte devait être entouré.

Tel était en substance le compte rendu par le ministère,

de la situation intérieure ou extérieure du pays. On voit tout d'abord, que l'avenir était tout entier dans les compléments que l'on se proposait d'apporter à la constitution, et surtout dans les changements que l'on projetait d'introduire dans les municipalités. Mais pour ne pas anticiper sur les événements, nous devons décrire l'état des esprits et l'accueil fait aux députés par la population, ou mieux, par une certaine partie de la population, celle que le résultat des élections avait laissée mécontente. La vérification des pouvoirs donna le signal de l'explosion; et si elle ne fut pas déterminée par une démarche de M. Olozaga, membre de la minorité, ce put être du moins une occasion. En effet, au moment où il s'agit d'élire les membres de la commission qui devait être chargée de rédiger l'Adresse, ce député déclara qu'il ne se croyait pas suffisamment autorisé à émettre son vote, dans l'opération qui allait avoir lieu, et aussitôt il quitta la salle, suivi de ceux de ses collègues qui partageaient son opinion. Néanmoins il avait déposé, pour justifier son refus de remplir actuellement son mandat, une proposition collective, où il demandait, avec ses co-signataires, qu'avant de procéder à la composition des bureaux, on interpellât le Gouvernement pour savoir de lui si les élections des députés avaient également eu lieu dans les provinces qui ne se trouvaient pas dans le cas énoncé par la loi spéciale du 25 août 1837, c'est-à-dire, dans les provinces non occupées par l'ennemi. Cette proposition n'eut point de succès; 88 voix contre 40 la rejetèrent; ce chiffre donne la mesure de l'infériorité numérique de l'opposition.

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Une journée orageuse se préparait pour la Chambre le 24 février, la salle des séances fut entourée par une foule tumultueuse, qui fit d'abord entendre le cri de Afuera! Afuera! dirigé contre les députés, pour les forcer à se séparer, et bientôt après, des cris de vive la liberté ! à bas Toreno! à bas Mon! à bas les députés! Ceux-ci, assez faiblement protégés par la garde ordinaire, trop peu nombreuse, réussirent cependant à s'é

chapper, à la faveur des ténèbres. On doit rendre à M. Olozaga cette justice, qu'il accompagna le comte de Toreno, dont la voiture fut néanmoins assaillie par la multitude. Madrid fut mis en état de siége, les séances des cortès furent suspendues, et la municipalité ayant voulu, dans la nuit du 24, délibérer sous la présidence même de M. Olozaga, son premier alcade, le capitaine-général, s'y opposa, en se fondant sur le décret de l'état de siége. Le lendemain 25, le calme était rétabli. On avait tout lieu de croire que le projet de ceux qui avaient fomenté ce mouvement, était de faire nommer un autre ministère, un ministère plus avancé, et d'obtenir du Gouvernement la dissolution des cortès. Celles-ci reprirent leurs séances : l'état de siége fut levé et la Chambre enfin constituée (18 mars), la vérification des pouvoirs n'ayant plus donné lieu qu'à des réclamations contre l'élection du comte de Toreno, réclamations qui ne furent d'ailleurs pas accueillies. Les efforts dirigés contre cet ancien ministre par le général Seoane, à l'occasion du traité conclu sous son administration pour les mines d'Almaden, ne furent pas plus heureux que l'année précédente. La présidence échut à M. Isturitz. La discussion des deux Adresses en réponse au discours du trône ne présente rien qui mérite d'être recueilli; les travaux mêmes du congrès eurent quelque tiédeur. Parmi les projets présentés, celui qui était relatif à la liberté de la presse distinguait, pour échelonner la pénalité, entre les éditeurs d'écrits subversifs séditieux, obscènes, injurieux ou calomnieux.

La loi relative aux députations provinciales leur attribuait des fonctions analogues à celles qui sont déférées aux conseils-généraux de France: ces assemblées devaient en particulier répartir l'impôt et les contingents que fournissaient les Ayuntamientos; par là, on limitait nécessairement le pouvoir d'autorités locales qui levaient à la fois troupes et impôts; on restreignit plus encore leurs moyens d'action : on essaya de les centraliser, de les rattacher au Gouver

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