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nement lui-même, en accordant à celui-ci la nomination des alcades ou maires; mais alors on n'avait plus ces vigoureuses municipalités, qui remontent si haut dans l'histoire de la Péninsule, et que le despotisme lui-même avait dû laisser debout. Assurément cette loi était un pendant nécessaire, une condition vitale d'institutions représentatives, des municipalités absolument indépendantes; c'étaient autant de gouvernements également indépendants; et partant, à l'occasion, de puissants foyers d'insurrection. Mais la tentative du Gouvernement central n'était-elle point prématurée ? ne fallait-il pas attendre que tout fût solidement assis, pouvoir et institutions? Aussi bien, dans l'enceinte législative et au-dehors, le parti exalté fit entendre contre la réforme projetée les plus vives réclamations. L'Ayuntamiento de Madrid, notamment, présenta, à ce sujet, à la reine-régente une supplique, qui fut renvoyée à ses auteurs par le ministre, attendu l'illégalité de la démarche. Il semble que l'on eût dû tenir quelque compte de cette opposition, qui eut partout ailleurs, dans les provinces, de nombreux imitateurs: on ne sépare pas facilement un pays d'institutions qui font partie de ses mœurs. Toutefois la centralisation l'emporta dans les Chambres, et il ne manquait plus à cette loi, qui était grosse d'une révolution, que la sanction de la reine. Il y avait peu d'apparence qu'elle la dût refuser. Appuyée sur des cortès qu'animaient, ce semble, un esprit tout constitutionnel, et peut-être imprudemment constitutionnel; entourée d'un Cabinet devenu plus homogène par la démission de trois ministres, celui de la guerre, de la marine et de l'intérieur, remplacés par d'autres, MM. Armendariz, Sotelo et Sersaraguy, dont les opinions étaient dans le sens de la majorité (9 avril); enhardie d'ailleurs, par le triomphe définitif de ses armes sur celles des partisans du prétendant, la régente, Marie-Christine, dut être poussée sur la pente.... Il en fut ainsi; mais avant d'entrer dans les détails de cette catastrophe, nous suivrons

les derniers et inutiles efforts des bandes carlistes, harcelées par Espartero et ses lieutenants.

Dès le mois de janvier, la reine avait concentréaux mains du duc de la Victoire le triple commandement des armées du Nord, d'Aragon et de Catalogne. On se rappelle que toute la force de Cabrera résidait dans la possession de quelques places fortes, en particulier de Ségura, Castellote, Cantavieja et Morella. Segura, assiégée par les armées de la reine, ne tint pas au-delà de quatre jours ses forteresses naturelles, ses rochers et ses remparts ne suffirent pas à la défendre; la démoralisation envahissait de plus en plus les derniers soutiens de la cause de don Carlos. La prise de cette ville les chassait du Bas-Aragon, et désormais tout moyen leur était ôté de venir jeter l'épouvante sur les frontières de la partie supérieure de la province. C'est avec raison que le général en chef des troupes constitutionnelles assimila ce succès aux résultats obtenus l'année précédente dans le nord, par la prise de Ramalès et de Guardane (proclam. adressée à ses soldats le 27 fév.). Une nombreuse artillerie, des munitions en grande quantité, furent en outre le fruit de la reddition de Segura, dont la nouvelle causa dans les Chambres et au sein de la population le plus vif et le plus sincère enthousiasme. Dès-lors, les avantages des généraux christinos se suivirent sans interruption, le fort de Castellote capitula le 26 mars, après la plus vigoureuse résistance: la garnison se rendit à discrétion. On rapporte que Llangostera avait pu voir, du haut d'un rocher, la prise de cette place, et qu'il en versa des larmes de désespoir.

Pendant qu'Espartero remportait cet avantage, le général Ayerbe était avec sa division à Santa Olea et aux environs, couvrant ainsi le quartier-général. Le 8 avril, le fort de Villaluengo tombait entre ses mains, et le 10, le comte de Belascoain (Diego Léon) s'emparait de Penarroya. Quelques jours après, le fort d'Aliaga éprouva le même sort; deux cent soixante officiers ou soldats y furent faits

prisonniers, alors que le brigadier Zurbano mettait en pleine déroute, à Beceite, le 1er bataillon d'Aragon trois cents rebelles succombèrent dans l'action, et une grande quantité d'armes et de munitions furent la proie du vainqueur. A Muel, le général Ayerbe battait (27 avril) le 5 bataillon de Valence, et le lendemain, le général Léon s'emparait du fort de Mora-de-l'Ebre; Cabrera en avait fui la veille. On voit comment ce partisan redoutable était vivement poussé! Enfin, le 12 mai, O'Donnel remporta, lui aussi, un avantage signalé : il entra dans Cantavieja, dont l'occupation devait achever de démoraliser les carlistes: ceux-ci, avant de se retirer, avaient mis le feu à la ville et avaient laissé des traces de leur passage en brûlant jusqu'à l'hôpital, où se trouvait un grand nombre de malades et de blessés. La prise de Morella, précédée de celle du fort de San Pedro, porta le dernier coup à la puissance de Cabrera elle le chassait de l'Aragon et entraînait la pacification générale. Plus de 2,000 prisonniers tombèrent aux mains des vainqueurs. La reine ajouta, à cette occasion, au titre de duc de la Victoire (que portait Espartero, celui de duc de Morella. Tandis que le comte de ce nom, Cabrera, poussé jusqu'à Berga, et n'ayant pu tenir même dans cette place contre un ennemi dont rien ne pouvait plus ralentir les progrès, Cabrera entrait en France, et avec lui la faction d'Aragon, au nombre d'environ 8,000 hommes (7 et 8 juillet).

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Il ne nous reste plus qu'à retracer l'agonie d'un autre chef carliste, qui, lui aussi, s'était fait craindre : nous voulons parler de Balmaseda: attaqué une première fois près de Soria, par les troupes du vice-roi de Navarre, il fut battu et réussit à peine à se sauver avec quatre cents hommes (11 juin); bientôt après (17 juin), le fort de Carazo, dans lequel Balmaseda avait renfermé ses munitions et son butin, tomba au pouvoir du général Piquero; la garnison presque entière avait abandonné le fort, n'emportant que ses armes. Enfin, le 25 juin, le général Concha battit Balmaseda

entre Miranda-da-Arga et Tafalla ; c'était un avantage décisif: en effet, le 28 juin, le lieutenant de don Carlos venait, lui aussi, chercher un refuge en France. Ajoutons qu'un autre chef de bandes, Palacios, fut défait, vers la même époque, sur les hauteurs de Las Hormedillas, entre Siguenza et Medina-Celi, par le même général Concha, qu'une lettre adressée par Palacios à Balmaseda, avait instruit du dessein formé par Palacios, d'attaquer à la tête d'environ 4,000 factieux la régente, qui allait avec ses deux royales enfants, prendre les eaux de Caldas, près de Barcelone. Ce ne fut pas au reste le seul danger qu'elles eurent à courir un autre les attendait à ce voyage, au moins la reine Marie-Christine : c'était une révolution!

CHAPITRE VII.

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Cause du voyage de la reine à Barcelone. Troubles à Madrid.-Troubles à Barcelone. Causes.-Renvoi du ministère Perez de Castro. — Ministère Onis-Cabello.-Arrivée de la régente et de ses enfants à Valence. — Journée du 1er septembre à Madrid.-Junte provisoire de gouvernement. -Le duc de la Victoire président du conseil. Entrée de ce dernier à Madrid. Abdication de la régente. Arrêté de la junte au sujet des derniers ministres. Arrestation de l'un d'eux. - Régence provisoire du ministère. La reine régente s'embarque pour la France.-Manifeste de Marseille. Réponse à ce manifeste. - Retour d'Isabelle à Madrid. — Actes des régents provisoires.- Ceux qui la composent. - Cessation des pouvoirs de la junte. - Suppression de la police secrète. — Elections. — Attitude des puissances.-Evacuation du port du Passage.—M. Olozaga à Paris.-Traité avec la Sublime-Porte.-Conclusion.

Dans les circonstances actuelles, le voyage de Barcelone pouvait paraître au moins imprudent le Gouvernement lui assigna officiellement pour cause, la santé de la jeune reine, à laquelle les médecins ordonnaient les bains de mer, et cette raison, un ministre, interpellé à ce sujet, la donna à la tribune des députés. On ne pouvait donc faire que des conjectures sur les causes réelles du voyage, s'il y en avait qui ne fussent pas connues. Les choses allèrent assez bien jusqu'à l'arrivée à Barcelone; Espartero, suivi d'un nombreux état-major, y vint trouver Marie-Christine; mais les orages commencèrent bientôt; déjà un mouvement assez ridicule avait éclaté le 18 juillet à Madrid; on pourrait l'appeler la journée des bérets. En effet, des hommes comme il s'en rencontre partout dans les temps de troubles, parcou rent les rues de la capitale, arrachant aux femmes, même aux enfants, les bérets qui les coiffaient, ou leurs ceintures, si elles étaient rouges. La force publique eut bientôt fait jus

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