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à nous de le décider; les faits existent : ils parlent; la nation entière les a vus, et nous nous soumettons à son arrêt irrévocable. >> La junte terminait en annonçant que quelle que fût sa confiance dans les hommes appelés à régir les destinées de la patrie, et la certitude qu'ils rempliraient fidèlement leur mission, elle ne continuerait pas moins à surveiller les droits du peuple jusqu'à ce que le programme accepté par le ministère fût accompli dans toutes ses parties. La régence commençait, elle, son œuvre d'organisation par une résolution de tout point louable: elle abolissait la police secrète, ne laissant subsister qu'une police nécessaire, une police de sûreté; d'autre part, elle amnistiait les délits politiques.

Les élections allaient avoir lieu : la dernière Chambre avait été dissoute de fait par les événements, avant de l'être de droit par la régence provisoire. Entre les lois votées par les dernières cortès, nous devons mentionner, outre celles dont nous avons rendu compte, la contribution extraordinaire de guerre de cent millions. On avait eu de plus à discuter la création d'un cinq pour cent. Au dehors, rien n'était changé; les puissances s'étaient tenues sur l'expectative, et, avant l'abdication, les ambassadeurs qui les représentent et notamment M. Mathieu de la Redorte, ambassadeur de France, s'étaient rendu auprès de la reine, à Valence; d'autre part, les Anglais donnaient à la France une garantie de sécurité, en évacuant peu à peu le port du Passage. M. Olozaga se rendait à Paris, au nom de la régence provisoire; celle-ci concluait un traité de commerce avec la SublimePorte; mais elle évitait encore de se prononcer sur des relations de même nature avec l'Angleterre, question épineuse, comme l'on sait, et dont les deux pays attendent presqu'avec une même anxiété, la solution. Enfin l'avenir de la Péninsule allait encore une fois sortir de l'urne électorale; le résultat paraissait peu douteux : le parti qui venait de triompher devait aussi l'emporter dans les élections.

CHAPITRE VIII.

PORTUGAL.-Ouverture de la session législative.-Discours royal.-Symptômes d'une dissolution prochaine. — Interpellations. - Refus des ministres de déposer les pièces relatives à l'affaire d'Angola. — Pétitions contre un projet de modifications à la loi électorale. - Discussion de l'adresse. Débats relatifs aux difficultés avec l'Angleterre. — Adoption des deux premiers paragraphes de l'adresse. — Rapport du conseil des ministres à la reine.-Dissolution.-Élections.-Ouverture de la seconde session.-Adresse.-Émeute à Lisbonne. Décret pour la suspension de l'habeas corpus et de la liberté de la presse.-Organisation d'un tribunal de guerre.-Troubles à Castello-Branco. — Rétablissement de l'ordre. — Question du Duero.

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L'ouverture de la session législative eut lieu le 2 janvier. Le ministère Bomfin, qui paraissait pour la première fois devant les cortès, exposa nettement dans le discours de la Couronne, ses vues politiques sur l'état du pays.

L'Angleterre était toujours hostile, et la question de la traite n'avait point encore reçu de solution. L'événement arrivé dans les eaux du Zaïr et les réclamations pécuniaires déjà plusieurs fois énergiquement formulées des légionnaires anglais qui avaient servi dans les armées portugaises, étaient venus retarder la conclusion de l'affaire principale: « J'espère néanmoins, ajoutait la reine, que ces différends seront aplanis d'une manière satisfaisante pour les deux Couronnes et sans aucun préjudice à nos intérêts et à notre dignité, que j'ai particulièrement à cœur. »

Une autre difficulté s'était élevée entre le Portugal et l'Espagne, au sujet du droit de possession d'une île à l'embouchure de la Guadiana: une enquête avait été ordonnée, et S. M. annonçait que le résultat serait soumis à l'examen d'une commission nommée par les deux Gouvernements pour statuer sur le différend.

Ann. hist. pour 1840.

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Les relations avec le Brésil n'avaient éprouvé aucun changement un nouvel agent diplomatique venait d'être envoyé auprès de cet empire pour favoriser les intérêts commerciaux du pays, et ouvrir de nouveaux débouchés à l'industrie nationale.

La reine signalait aussi un traité récemment conclu avec la France, concernant une indemnité de 800,000 fr., alors portée à près de 2 millions par l'accumulation des intérêts, qui avait été réglée par la capitulation de Paris et avait pour but de dédommager des sujets portugais de la perte de plusieurs bâtiments brûlés sur la côte du Brésil par l'amiral Lallemand, antérieurement à la déclaration de guerre de Napoléon.

S. M. rappelait également le rétablissement des relations diplomatiques entre son Gouvernement et la Hollande. Les négociations continuaient avec le Saint-Siége: il y avait lieu de penser que l'harmonie régnerait bientôt entre les deux Cours, et que le schisme qui avait servi de prétexte aux partisans de l'usurpateur, serait ainsi extirpé; mais cette espérance de la Couronne ne devait pas encore se réaliser.

L'organisation de l'administration publique préoccupait à un très haut degré l'attention du Gouvernement, et rien de plus naturel dans un pays où les abus du régime ancien survivent encore à côté des innovations récemment introduites par les révolutions. Voici à ce sujet les paroles royales ellesmêmes :

«En ce qui concerne l'administration publique, l'expérience a démontré que l'uniformité symétrique de son organisation, qui applique, même aux divisions de territoire les plus insignifiantes, toutes les complications ou administrations supérieures, est un obstacle à ce que le pays soit bien gouverné la multiplicité et la courte durée des fonctions électives ont rendu l'exercice des droits politiques très onéreux au peuple. C'est pourquoi les colléges électoraux ont été souvent déserts; d'un autre côté, l'absence d'une base

certaine pour le cens électoral et d'éligibilité, a donné lieu aux violences et aux fraudes les plus repréhensibles. L'attorité illimitée accordée aux conseils municipaux pour l'établissement des impôts et la mise à exécution de leur réglement, a amené des conflits sérieux et des remontrances réitérées; les administrateurs actuels de districts n'ont pas les qualités essentielles à des magistrats de l'ordre administratif, agissant directernent pour le Gouvernement, et mes ministres ne peuvent être responsables de la conduite d'autorités qu'ils confirment, mais qu'ils ne nomment pas. Il est indispensable qu'il soit créé un tribunal supérieur, destiné à servir à la Couronne de conseil fidèle et légal dans toutes les questions importantes de l'administration; à préparer les projets de loi et les ordonnances, et statuer définitivement sur le contentieux administratif. La justice réclame aussi votre attention : le savoir, l'indépendance et la responsabilité sont des qualités que la société est en droit d'exiger des fonctionnaires publics qui sont chargés de veiller sur la liberté, la propriété, la sûreté publique et in dividuelle. Les lois fiscales et celles concernant l'administration des biens des orphelins, exigent d'importantes modifications; mes ministres vous présenteront divers projets de toi à cet effet. L'expérience a prouvé que l'administration de nos colonies réclame une attention sérieuse et une législation spéciale: mon Gouvernement s'occupe à pourvoir à ces besoins, et la suppression de la traite rend plus urg,ente l'adoption de mesures propres à rendre aussi produc'tives qu'il serait possible, ces contrées riches et fertiles, qui sont les monuments de notre gloire nationale. Conf ormément aux dispositions de la constitution, l'évaluation des dépenses publiques vous sera soumise avec un expo sé des ressources que les diverses branches du revenu public, affranchies des charges dont elles étaient grevées, offrent pour rem plir les obligations contractées à l'intérieur et à l'étranger; j'espère que les mesures qui vous seront présentées sur l'org anisa

tion la plus convenable de cette importante branche du service public, fixeront toute votre attention, et que vous me donnerez votre concours puissant pour établir, par l'amélioration du revenu public, l'équilibre nécessaire entre les recettes et les dépenses de l'État. >>

Ainsi, le nouveau Cabinet se présentait dans les Chambres avec deux grands projets : à l'extérieur, entrer dans la voie des conciliations avec l'Angleterre ; à l'intérieur, réformer le système électoral. Placé sur ce terrain, il rencontrait tout d'abord le parti nombreux opposé à l'Angleterre, tombé l'année précédente avec le baron de Sabroza; et les vives interpellations qu'il eut à subir dans les débats qui s'élevèrent sur l'incident d'Angola, lui laissèrent entrevoir que son existence était au prix de rudes batailles parlementaires, peut-être même d'une dissolution. D'ailleurs, en refusant à la Chambre le dépôt des pièces relatives à cette déplorable affaire, il joignit une cause nouvelle de mécon tente ment à celles qui subsistaient déjà, et le murmure d'indignation qui salua ce refus, témoigna manifestement des dispo sitions hostiles d'une minorité imposante.

Quant aux modifications que le ministère se proposait d'apporter à la loi électorale, elles provoquèrent une répulsión presque universelle dans la presse et dans le peuple : les habitants de Lisbonne, d'Oporto et d'autres provinces protest èrent de leur désapprobation par des pétitions, qui furent d'éposées sur le bureau du président. Ajoutons à ces manifestatio.us non équivoques, plusieurs décrets d'accusation portés contre différents membres du ministère.

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Tels étaient les sentiments des cortès et du pays dès l'ou verture de la session; la discussion de l'Adresse allait commencer sou: 3 ces sinistres auspices; la commission, partagée en deux pinions, présenta deux projets ; la majorité disait, au sujet de l'Angleterre : « La Chambre a yu avec surprise et profo nde douleur que le gouvernement de S. M., 'Britannique vest cru autorisé, par un simple acte de

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