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son parlement, à faire capturer, contre les principes sacrés du droit des gens, les navires portugais rencontrés au sud de l'Équateur, soupçonnés de se livrer au trafic inhumain des Nègres, et de les faire juger par des tribunaux anglais. La protestation faite par le Gouvernement de Votre Majesté contre cet acte, est si juste et si fondée, que la Chambre espère que le gouvernement de Sa Majesté Britannique y fera droit, et qu'on prendra, d'un commun accord, les mesures nécessaires pour l'entière abolition de ce commerce abominable, sans porter atteinte aux intérêts et à la dignité des deux nations. >>

La Chambre qualifiait d'atroce l'injure faite au pavillon portugais dans les mers d'Angola. Le projet de la minorité différait plutôt par la rédaction que par les principes; seulement, en ce qui avait trait aux négociations avec la Cour de Rome, la minorité ajoutait aux espérances de conciliation exprimées par la majorité : « Nous comptons que les nécessités religieuses du peuple portugais seront satisfaites, sans détriment des prérogatives de la Couronne, de l'indépendance nationale et des libertés lusitaniennes. >>

Le premier paragraphe fut discuté au milieu d'un violent orage d'interpellations adressées au ministère et de récriminations contre l'Angleterre. Dans leur exaltation patriotique, quelques orateurs proposèrent même de déclarer immédiatement la guerre à cette puissance, et ce conseil excita une vive approbation dans l'assemblée; le comte de Bomfin rappela la Chambre à des sentiments moins hostiles et plus sages. « La dignité nationale avait, disait-il, été tellement blessée par le bill de lord Palmerston, que les négociations ouvertes pour la conclusion d'un traité, pouvaient être considérées comme rompues. Cependant il était probable que les deux gouvernements finiraient par s'entendre à l'amiable, sans recourir à aucune intervention étrangère.» Malgré l'âpreté et la violence des paroles que l'opposition fit entendre dans ces débats, le 1 paragraphe fut

adopté par 63 voix contre 43, et révéla ainsi une majorité de 20 suffrages en faveur du ministère. Le vote du second paragraphe fut un nouveau succès; mais la suite de la discussion traîna en longueur, et deux mois bientôt s'étaient écoulés depuis l'ouverture de la session, sans qu'aucune loi eût été faite, sans que l'Adresse elle-même eût encore été sanctionnée : « en conséquence, disait le conseil des ministres, dans le rapport qu'il présenta à la reine le 24 février, la Chambre actuelle des députés n'est pas en harmonie avec les vœux généraux et ne représente pas la véritable opinion nationale: il était donc nécessaire de faire appel au pays, et de soumettre à son jugement la conduite de la Chambre et les actes du Cabinet; et telle était la puissance de cette conviction, que malgré quelques accusations formelles, quoique mal fondées et insignifiantes, qui avaient été portées contre eux dans la Chambre des députés, les ministres aimaient mieux paraître devant les électeurs et renoncer à la certitude de voir ces accusations repoussées par la majorité de la Chambre, qui s'était déjà suffisamment prononcée dans d'autres occasions, lorsqu'il avait été possible de venir à un vote: ils aimaient mieux réunir une autre Chambre, dût la majorité être moins favorable au ministère actuel, que de voir plus longtemps se prolonger un état de choses qui rendait tout gouvernement impossible. Le lendemain, parut le dé cret de dissolution: l'époque des élections fut fixée au 22 mars, et les cortès générales furent convoquées pour le 25 mai.

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L'événement vint justifier ce coup d'état aussi bien le ministère avait-il usé de tous les pouvoirs pour assurer ce résultat de nombreuses destitutions avaient eu lieu dans l'administration et dans l'armée, les fonctionnaires hostiles au Cabinet, qui, par leur position, pouvaient influencer les dispositions des électeurs, furent remplacés par des char tistes. Les miguélistes avaient inspiré quelques craintes, en manifestant le projet de nommer des hommes de leur parti;

le ministère mit leurs suffrages au prix de la liberté de seize détenus de leurs amis, compromis dans un complot; cette promesse ne leur inspira point de confiance; néanmoins ils renoncèrent à faire représenter leur opinion, mais en donnant leurs votes aux septembristes. Le succès du Cabinet n'en fut pas moins certain, et la composition des nouvelles cortès lui fit espérer une session moins orageuse et une action plus facile.

Le discours que prononça la reine à l'ouverture, insistait spécialement sur le démêlé avec l'Angleterre, qui était à peu près toute la situation. Cependant aucun principe, aucune vue nouvelle n'était émise à ce sujet : c'étaient toujours, d'un côté, les mêmes protestations contre le bill de 1839; de l'autre, les mêmes espérances. Des incidents importants étaient survenus relativement aux réclamations des légionnaires anglais, qui n'avaient point encore été satisfaites. Un ministre plénipotentiaire avait été envoyé à Londres pour terminer cette affaire; à cet égard il était probable • qu'un arrangement serait conclu avant la fin de la session. Le ministre des relations extérieures s'engageait à soumettre aux Chambres un rapport spécial sur cet objet. Des négociations étaient également nouées avec le Cabinet des Tuileries, dans le but de conclure un traité pour la répression de la traite.

Cependant, un fait alors assez peu grave en apparence, mais auquel un prochain avenir devait donner de l'importance, se préparait sans bruit; la convention du 20 septembre 1835 avec l'Espagne, avait réglé la navigation du Duero: une commission mixte fut nommée pour rédiger les réglements nécessaires à la mise à exécution de cette convention, et elle venait de terminer ses travaux, qui seront incessamment, disait la reine, soumis à l'examen des Chambres.

S. M. terminait par ces paroles : « La plus grande partie de nos forces navales disponibles a été employée dans les stations d'Afrique et d'Asie, pour protéger ces vastes pro

vinces et réprimer la traite des Noirs. La tranquillité dont jouissent ces provinces et quelques mesures importantes adoptées par mon Gouvernement, contribuent à l'amélioration graduelle de leur condition. Les mesures qui vous ont été présentées dans le cours de la dernière session, pour régulariser le système des finances pour l'année suivante, n'étaient basées que sur la possibilité d'établir l'équilibre entre les revenus et les obligations de l'État par l'organisation successive des diverses branches du service fiscal; maintenant tout se réunit pour démontrer que l'action sûre du temps doit être soutenue par des mesures qui, naguère, étaient jugées impraticables; j'ai ordonné, par conséquent, à mes ministres d'introduire dans le projet qui vous sera soumis, les modifications nécessaires pour couvrir le déficit d'une manière compatible avec les besoins du service et les ressources des contribuables; ce sera en même temps une preuve nouvelle que la nation portugaise désire sérieusement acquitter la dette étrangère qu'elle a contractée pour le rétablissement de mon trône et de la liberté. »

La Chambre répondit, dans son projet d'Adresse, qu'elle voyait avec un profond chagrin l'état précaire des relations du pays avec l'Angleterre ; qu'elle ne pouvait que se lamenter de ce qu'il n'avait pas été conclu avec le Gouvernement de la Grande-Bretagne un traité honorable, qui, mettant un terme à une situation violente, pût contribuer efficacement à réprimer et à abolir entièrement le trafic barbare et inhumain des esclaves, sinon affranchir le commerce portugais des vexations qui l'opprimaient sur ces mêmes mers, où le pavillon national a flotté avec tant de gloire et d'indépendance; qu'il n'était pas moins déplorable que des circonstances nouvelles et importantes fussent venues rendre encore plus difficile la conclusion des négociations pendantes entre les deux Gouvernements, au sujet des réclamations pécuniaires. En effet, la question était restée dans les

mêmes termes; les négociations n'avaient point fait un pas, et les dispositions hostiles du pays contre l'Angleterre subsistaient, moins vives peut-être, mais non moins réelles. Les paragraphes suivants de l'Adresse n'étaient que l'écho des paroles royales.

Les orages parlementaires qui avaient troublé la discussion de la première session, ne se reproduisirent point, et le succès fut moins disputé et plus complet. Cependant en dehors des Chambres, et spécialement dans cette partie du peuple d'ailleurs peu nombreuse qui se mêle aux querelles politiques, le ministère avait des ennemis, et un complot se tramait contre lui.

Le 11 août, Lisbonne jouissait d'un calme profond et aucun symptôme révolutionnaire ne s'était manifesté; le soir, de petits groupes se formèrent sur la place d'Estrella; le major Cabral, l'ex-capitaine de vaisseau Francia et le colonel du bataillon de l'arsenal se joignirent bientôt à ces premiers rassemblements, conduisant avec eux une poignée de soldats; le mot d'ordre était vive la reine! vive la constitution de 1838! à bas les ministres ! Les insurgés se portèrent de là à l'arsenal militaire, surprirent la sentinelle, et pillèrent les armes et les munitions. Déjà leur nombre s'élevait à trois cents, et aucune résistance n'était venue encore entraver leur marche. Le 1er régiment d'artillerie, caserné auprès de l'arsenal, était demeuré inactif; mais l'arrivée subite du 30 bataillon de chasseurs vint déjouer un projet qui s'exécutait si bien; il suffit de sa présence pour dissiper tous les groupes. Les conspirateurs ne purent se dérober à la poursuite de la force armée; la plupart furent faits prisonniers sur-le-champ; des recherches ultérieures mirent les autres aux mains de la justice.

Pendant cette nuit tumultueuse, le ministre de la guerre, président du Conseil, parcourut la ville à cheval, et le lendemain, dès le matin, tous les membres du Cabinet passèrent la revue des troupes. Le Conseil entra immédiatement

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