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(4 fév. 1834), il est certain que son agent, M. Mandeville, avait conseillé (29 mars 1833), à Méhémet-Ali d'accepter les conditions honorables et avantageuses qu'on lui faisait: «Ma retraite, avait dit alors Ibrahim-Pacha (à M. de Varennes), ma retraite est la meilleure réponse que je puisse faire au ministère anglais. »

Enfin, et ceci est décisif : à la même époque (14 avril 1833), M. Mandeville s'étant, il est vrai, défendu d'avoir voulu garantir la Syrie, le traité de Kutaya avait répondu; il avait d'ailleurs nommément refusé au pacha la concession d'Adana, d'où la conclusion qu'il sanctionnait le traité en ce qui touchait la Syrie. Le 12 juillet 1838, un autre agent anglais (M. Campbell) tenait encore le même langage; il conseillait à Méhémet-Ali « de se tenir satisfait du statu quo, tel qu'il avait été réglé à Kutaya, et de se reposer sur les grandes puissances du soin de proposer un arrangement pour l'avenir. »

Les déviations de la politique anglaise ne commencèrent, à proprement parler, qu'après la bataille de Nézib; la puissance du vice-roi s'accroissait, et son influence maritime pouvait peser d'un trop grand poids dans l'équilibre des États. Alors aussi commencèrent les négociations de la Cour de Russie; néanmoins, la veille de la journée de Nézib, la France essayait encore de reculer l'arrangement définitif. « Il fallait donner à Méhémet Ali des espérances; ajourner, s'il se pouvait, la solution, vu le grand âge du pacha; obtenir à son fils le gouvernement de l'Égypte, aux conditions actuelles.» (Convers. de M. Molé avec lord Granville, 15 fév. 1839.) On inclinait généralement alors à accorder l'Égypte héréditaire; on commençait à différer pour la Syrie; Louis-Philippe, écrivait de Vienne lord Beauvale à lord Palmerston, Louis-Philippe veut, pour le pacha, l'Egypte héréditaire et la Syrie viagère. » (16 juin 1839.)

Cependant, le 28 juin 1839, lord Palmerston annonçait à son envoyé à Vienne qu'il ne pouvait s'entendre avec la

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France au sujet de la Syrie. Première preuve que la ministère anglais ne se proposait pas d'entrer dans les vues du gouvernement français. D'autre part, les Cours de Russie et d'Autriche avaient pris une part plus active aux négociations. Dès le 15 juin 1839, M. de Nesselrode avait annoncé au représentant du Cabinet de Saint-Pétersbourg, à Londres, qu'on ne permettrait pas à Méhémet Ali de franchir les défilés du Taurus, ni de commettre sa flotte avec celle du sultan; en un mot, de dépasser les limites du traité de Kutaya. En partant de ce point, ajoutait le ministre, on pourrait s'entendre avec l'Angleterre. Et le 11 juillet 1839, lord Beauvale annonçait à lord Palmerston que M. de Metternich adoptait les idées de sa seigneurie, aux termes proposés par la Porte: le vice-roi aurait l'Egypte, sous la condition sine qua non de restituer la Syrie et Candie; on laisserait ouverte aux négociations la question de délimitation de la côte orientale: c'était déjà le traité de 1840, et déjà les moyens d'exécution, adoptés plus tard, étaient également proposés.

Cependant les 26 et 29 juillet, lord Palmerston avait cru se pouvoir porter fort de l'assentiment de la France à l'arrangement que l'on venait de mettre en avant. (Dép. à lord Beauvale.) Cet assentiment, lord Granville l'aurait puisé dans une conversation diplomatique. (Dépêche de cet ambassadeur, 29 juillet.) Mais le même jour, une note, remise par M. de Bourqueney, tempérait considérablement le langage prêté au gouvernement français : « Il y aurait affectation, disait le président du Conseil des ministres de France (le maréchal Soult), à paraître croire qu'après le succès, le pacha n'eût rien de plus à prétendre. » Mais lord Palmerston avait mieux aimé s'en rapporter à la conversation qu'à la note officielle : autre preuve que l'assentiment de la France était au moins préjugé. Puis, le ministère anglais ayant en fin de compte proposé, comme on sait, au gouvernement français (1 août) de forcer le pacha à restituer la flotte, le

maréchal Soult pensa que ce serait pousser le vice-roi à quelque parti extrême, alors qu'on l'attaquait sans qu'il en donnât lui-même l'exemple (6 août); jusque-là, la France n'entrait donc pas dans les vues du Cabinet britannique.

Cependant celui-ci, sans doute poussé à bout, prononça enfin le mot d'arrangement à quatre, à moindre nombre encore, et M. de Brunow allait faire ses propositions. Il n'était plus question de conférences collectives à Vienne : « M. de Nesselrode, écrivait le marquis de Clanricarde à lord Palmerston, 26 août, M. de Nesselrode m'a montré le rapport de M. Kisseleff, qui annonce que votre seigneurie a consenti à ce que Vienne cessat d'être (changing from Vienna) le siége des conférences et des négociations que les affaires d'Orient pourraient provoquer; » et le 27 août, le même ministre annonçait la mission confiée à M. de Brunow: « l'empereur ayant des raisons de croire que le gouvernement anglais était mieux disposé qu'auparavant à l'égard de la Russie, et qu'il avait une opinion plus juste et plus favorable des vues du gouvernement russe. >>

Le maréchal Soult caractérisa, comme il convenait (26 septembre 1839, à M. Sébastiani), les propositions de l'envoyé russe. Annuler le traité d'Unkiar-Skelessi? mais ce serait annuler en même temps la protestation de l'Angleterre et de la France. Proclamer la liberté des détroits? mais ce serait ranger cette liberté au nombre des choses que des stipulations accidentelles pourraient régler.

Ainsi, jusqu'à la fin, l'agent actif des dernières négociations et de leur résultat, parut être le gouvernement anglais; cependant lord Palmerston mit en avant un fait grave (memorandum du 31 août et 22 juillet 1840): M. de Sébastiani aurait déclaré, au nom de la France, que si MéhémetAli n'acceptait pas « le midi d'une ligne tracée en Syrie, d'est en ouest, de Beyrouth au désert, près de Damas,» la France emploierait contre lui, avec les autres puissances, des mesures coërcitives. On sait (voyez France, à l'Appendice, les

memorandum), on sait que MM. Thiers, Guizot et M. de Sébastiani, lui-même, donnèrent à cette assertion une entière réfutation; au surplus, il ne restait de cette communication diplomatique aucune trace, et l'on ne voit pas que, ministre constitutionnel lui-même, lord Palmerston pût raisonnablement alléguer qu'il était connu que M. de Sébastiani était en communication directe et confidentielle avec le Roi des Français, et que dès-lors, l'absence de toute trace d'une pareille proposition dans les archives de l'ambassade, ne prouvait pas, d'une manière concluante, que le comte de Sébastiani ne fût pas autorisé à la faire... (A M. Bulwer, 22 juillet 1840).

Quant à cette assertion incidente, que le ministère anglais n'avait rien fait pour pousser à la révolte les Syriens, il ressort d'une manière certaine et encore des documents publiés par lui-même, que ses agents, et notamment le plus actif d'entre eux, nommé Wood, avaient mission de promettre aux Syriens un régime plus doux; si bien que cet agent, et sur son rapport, lord Palmerston, engagèrent la Porte à remplir les promesses qu'on avait faites en son nom aux populations des montagnes. Les dates se prêtent en foule à l'appui de cette donnée historique (24 juillet, 4 et 13 août, 26 septembre 1840). (1)

Nous n'avons rien à dire ici de la part prise par l'escadre anglaise, aux mesures d'exécution arrêtées contre MéhémetAli (voir Turquie). Au moment où elles atteignent leurs résultats, le drapeau des troupes alliées flotte en Syrie, et le traité du 15 juillet pose à la diplomatie des bases nouvelles. Quelle part l'avenir laissera-t-il à la puissance que ce traité avait exclue ?

(1) Les documents diplomatiques dont nous venons de donner l'esprit et la substance, ont été recueillis et analysés dans la Revue des Deux-Mondes, par un publiciste distingué, M. Léon Faucher.

CHAPITRE XI.

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ÉTATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE DU NORD.-Situation morale et politique du pays.-Premiers travaux de la législature. — Discussion sur la question de savoir si les représentants de New-Jersey seront admis. — Vote négatif.-Constitution des Chambres.-Confirmation du premier vote. —Nomination de M. Hunter à la présidence de la Chambre des représentants. — Allocution du président.—Message de M. Van-Buren. — Adoption da sub-treasury bill.-La Chambre s'interdit la faculté d'examiner les pétitions sur l'abolition de l'esclavage. - Question des frontières du Maine. - Continuation de la guerre contre les Indiens. -Protestation des marchands américains de Canton contre les mesures prises par le gouvernément britannique. — Discussion à ce sujet dans le Congrès. — Note de M. Stevenson au gouvernement anglais. — Réponse de lord Palmerston. -Présens envoyés au président de l'Union par le sultan de Mascal. Traité de commerce avec le Hanôvre, la Belgique, le Portugal.-État des relations avec l'Amérique du sud. - Traité avec le Mexique.—Délimitation des frontières du côté du Texas.-Nomination du général Harrisson à la présidence de l'Union. — Message annuel de M. Van-Buren. MEXIQUE. — État du pays. Projet d'invasion dans le Texas.-Impôts extraordinaires.- Guerre civile.-Révolution à Mexico.-Renversement de Bustamente.-Les centralistes triomphent de nouveau -Capitulation des fédéralistes. Rétablissement momentané de l'ordre. Convention avec les États-Unis.

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TEXAS.-Craintes de guerre avec le Mexique.-Reconnaissance de la République par l'Angleterre, la Hollande et la Belgique. - Honneurs rendus au chargé d'affaires de France.-Délimitation de la frontière du nord.Accroissement de la population.-Progrès de la culture et de l'exportation du coton.

RÉPUBLIQUES DU CENTRE.-Révolution à Guatimala.-Révolution à la Nouvelle-Grenade.-Conclusion d'un traité entre la République de l'Équateur et l'Espagne.

BRÉSIL.-Insuccès des insurgés.-Changement de ministère.-Nomination de M. Pereira de Vasconcellos au département de l'intérieur. Effet de

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