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au genre de guerre que l'on y faisait, puis on avait fourni des secours aux fédéralistes opposés à Rosas; enfin la garde et la défense de Montévideo avaient été momentanément confiées à quatre cents marins appuyés par sept cents volontaires français. Les troupes du pays avaient pu de cette manière, grossir les rangs de l'armée, si nombreuse, si bien organisée et si bien pourvue du président Riveira, et si Lavalle a pu organiser à l'île de Martin Garcia un corps d'environ un millier d'hommes, s'il a pu débarquer à Corrientes, se rendre maître de ce point et de l'Entrerios, il le devait encore à la protection et à l'appui de la France. Il y avait lieu maintenant d'espérer qu'il passerait le Parana, se por terait dans la province de Santa-Fé et de là sous BuenosAyres, et peut-être que ces mouvements, combinés avec ceux de la France, parviendraient à mettre un terme à la domination de Rosas. (On verra bientôt que l'événement ne répondit pas absolument à ces prévisions, dont l'histoire doit cependant tenir compte.) Dans ces circonstances, le Gouvernement devait attendre et laisser se développer les événements : une expédition militaire aurait peut-être sur les populations armées pour la défense d'une cause com. mune, un résultat contraire à celui qu'on espérait en retirer. Le Gouvernement ne s'en tiendra au blocus qu'autant que cela lui paraîtra nécessaire; il réglera sur les circonstances ses déterminations.

La Chambre et le pays (nous citons ici les paroles de M. le ministre de la marine), peuvent compter sur la fermeté et la résolution du Gouvernement par rapport aux mesures qui seront prises pour terminer ce différend comme il convient aux intérêts et à la dignité de la France.

Signataire de l'amendement proposé, M. Glais-Bizoin le défendit : il répondit en particulier à M. de Rémusat, que les termes de cet amendement ne tendaient en aucune façon à tracer un plan de campagne; il laissait au contraire à l'administration toute liberté. Au surplus, il y avait six mois

depuis l'avènement du 12 mai, et il y a deux mois seulement qu'il a senti la nécessité de renforcer la flotille; mais ces forces suffiront-elles: deux corvettes, un brick et quatre .canonnières, des bâtiments de vingt et de quatre canons?

Néanmoins l'amendement ne fut pas adopté, et le paragraphe de la commission réunit les suffrages de la Chambre. Discussion du neuvième paragraphe relatif à l'Afrique française.-La Commission demandait la rédaction suivante:

<< La guerre vient d'éclater en Afrique; une attaque subite a profondément troublé la sécurité de nos établissements et la joie confiante que la présence de votre fils avait répandue au sein de l'armée et de la population. Il faut que l'offense qui nous est faite soit punie. Il faut frapper l'ennemi d'un effroi durable et abattre sa puissance. De nouvelles troupes ont déjà passé la Méditerranée. La guerre sera poussée avec une vigueur qui en abrégera la durée. La Chambre regarde comme un pressant devoir d'accorder au Gouvernement tous les moyens dont les circonstances auront rendu l'emploi nécessaire. Cette armée qui combat pour nous doit compter sur la sollicitude et sur l'assistance de tous les grands pouvoirs de l'État. Son sang est le nôtre, et nul sacrifice ne nous coûtera pour le bien-être de nos soldats et l'honneur de nos armes. Après la victoire, nous ne doutons pas que votre Gouvernement ne s'occupe de rechercher, de concert avec les deux Chambres, les moyens définitifs de garantir la sûreté et la stabilité des établissements que la France veut conserver dans l'Algérie.

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Il y avait dans cette rédaction quelque chose d'équivoque, d'embarrassé, qui ne pouvait échapper aux partisans de l'occupation, et qui en aucun cas ne satisfaisait au légitime sentiment d'indignation que la perfidie d'Abd-el-Kader devait exciter dans des cœurs patriotiques. Aussi s'éleva-t-il un débat prématuré, peut-être, mais vraiment national, et la rédaction de la commission fut modifiée dans cet esprit.

M. Lanyer proposa le premier de remplacer ces mots de la dernière phrase ne s'occupe de rechercher, par ceux-ci : de garantir dans la province d'Alger et dans celle de Constan

tine le progrès et la sécurité de nos établissements sur une terre que la domination française ne quittera plus.

On reproduisait ainsi les termes du discours de la Couronne; les paroles de la commission paraissaient à l'auteur de l'amendement beaucoup trop restrictives, et de plus, imprudentes et impolitiques. M. Lanyer comprenait, au surplus, dans la disposition qu'il proposait, l'établissement d'Oran, dont la Couronne n'avait point fait mention.

Une considération analogue, c'est-à-dire, le danger de soulever une telle discussion, porta M. de Mornay à proposer la question préalable: elle fut combattue par M. Dufaure, ministre des travaux publics.

Appelé à son tour à s'expliquer sur l'amendement, M. de Rémusat, rapporteur du projet de la commission, fit remarquer qu'elle ne s'était préoccupée que des points incontestés et irrévocablement décidés: or c'en était un que celui de la nécessité de venger l'honneur de nos armes, d'abattre la puissance qui avait porté atteinte aux droits de la France et à la sécurité de nos établissements en Afrique; c'était encore un de ces points incontestés, décidés, que la domination française devait être conservée, qu'elle ne devait pas périr en Algérie, et il n'a nullement été dans la pensée de la commission de conseiller directement ou indirectement l'abandon; seulement on réservait toutes les autres questions en ne s'occupant que de la politique générale de l'Algérie. La Commission s'est exprimée sur la question de possession de manière à ne laisser aucune équivoque; puis elle a dû, en présence des souffrances de l'armée, prêter à la Chambre un langage qui prouvât qu'elle n'était jamais avare quand il s'agissait de pourvoir aux besoins, au salut, à la vengeance de l'armée. Quand donc la commission a ajouté qu'elle comptait qu'après la victoire, le Gouvernement s'occuperait de rechercher, de concert avec les deux Chambres, les moyens définitifs de garantir la sûreté et la

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stabilité des établissements que la France veut conserver dans l'Algérie, elle n'a pas entendu, par cette expression établissement, déprécier la conquête que la France avait faite, puisqu'aussi bien, c'était ainsi que l'on désignait les possessions anglaises dans l'Inde; que si l'on demande à quels points l'on veut limiter ces établissements, la commission répond, que c'est une question que la victoire devra résoudre cette expression, disait éloquemment le rapporteur, n'est pas trop orgueilleuse; elle peut bien être employée à cette tribune, la France a bien le droit de présager sa victoire. La commission s'est, en un mot, engagée sur la question de conservation sans s'engager sur la question d'avenir. M. de Rémusat demandait donc à la Chambre de ne pas s'engager sur l'avenir, mais seulement sur ces deux points: la vengeance à tirer de l'ennemi et le maintien de la domination française en Algérie.

M. Lanyer répliqua par ce dilemme ou son amendement avait la même signification que la rédaction de la commission, et alors M. de Rémusat ne le devait pas combattre, ou il ne faisait que reproduire les termes du discours de la Couronne; et alors c'était le ministère qui ne devait pas se montrer satisfait des explications données au nomde la commission.

Dans un discours qui témoignait d'une étude sérieuse des faits, M. Guilhem attaqua en particulier le traité de la Tafná, qu'il regardait comme un empiètement du général Bugeaud sur les pouvoirs du gouverneur-général; c'est à ce traité qu'il fallait attribuer, en grande partie, les derniers événements de l'Algérie: le général Bugeaud était parti dans l'intention de traiter; il avait voulu ajouter à sa gloire militaire celle de pacificateur de l'Afrique; aussi arriva-t-il qu'il traita dans des conditions très favorables à l'émir. Les instructions du général portaient: qu'il fallait resserrer Abd-el-Kader dans la province d'Oran, le limiter, s'il était possible, à l'Oucd-El-Fedda, et ne lui permettre, dans

aucun cas, de s'établir à Médeah : que fait alors le négociateur ? il cède à l'émir le port de Cherchell, où il pourra vendre son blé, acheter des armes ; il lui cède encore toutes les provinces de Titery, la partie de la Milidja au-delà de la Chiffa et tout le territoire de la province d'Alger qui ne se trouve pas compris dans les limites assignées à la France. Ce fut une paix mal faite, une délimitation défectueuse : Médeah, par exemple, qu'on laissait à Abd-el-Kader, est la position la plus importante et la plus stratégique sur le plateau de la province du centre; on lui laissait encore la plaine des Hadjoutes, qui est une menace continuelle con tre les établissements français et les colons.

Pour entrer dans l'esprit des instructions du ministère, il eût au moins fallu, selon M. Guilhem, occuper la Mitidja depuis le mont Chonowan jusqu'aux crètes des montagnes qui la bornent au sud, et de cette manière on était maître des routes de Médeah, de Milianah et du col de Téniah, la double clef de la Mitidja et de Médeah. Le ministère Molé a été obligé de subir un traité qu'il n'approuvait pas peut-être eût-il été bon d'élever à Constantine une puissance arabe, rivale de celle d'Abd-el-Kader ; mais Constantine fut conservée. Viennent ensuite les difficultés relatives au traité conclu avec l'émir; l'occu pation de Blidah et de Coleah, la convention complémentaire du 30 mai 1837; celle du 4 juillet 1838 et l'expédition d'Hamza arrêtée, il est vrai, par le mauvais temps, mais entreprise pour appuyer les droits de la France; car le chef arabe n'avait point ratifié la convention du 4 juillet. A la suite de ces événements et après le ministère intérimaire, ministère purement administratif, le 12 mai fut appelé aux affaires : indépendamment de ce qu'il était peu homogène sur la question (témoin l'opinion exprimée à diverses reprises par M. Passy, dans un sens contraire à la conservation), il était difficile, en présence de la discussion des Chambres de 1838, toute fa

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