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a fait régulièrement le dépôt d'une demande de brevet d'invention dans l'un des états de l'Union jouit d'un droit de priorité pour déposer sa demande dans les autres États, mais cette disposition n'a pas pour effet l'unification des législations au point de vue de la nouveauté de l'invention.

Quant à l'Union, qui consiste simplement, pour les Gouvernements, à accorder à tous les sujets des États contractants les mêmes droits qu'aux nationaux, elle se conçoit quand il s'agit de marques de fabrique, par exemple, car avant que la convention fût intervenue, les industriels étrangers à un État n'étaient pas admis à invoquer sa loi; mais elle est inutile en notre matière, les brevets d'invention étant accordés chez toutes les nations, aux inventeurs, quelle que soit leur nationalité.

Les deux premiers degrés sont très rapprochés l'un de l'autre et fort difficiles à atteindre, à cause des différences profondes qui séparent actuellement les lois relatives aux brevets, dans les divers pays. Comment arriver à fondre en une seule toutes ces lois diverses qui offrent tant de points de contact avec le Droit civil, avec le Droit commercial, avec le Droit pénal? « Il ne faut pas espérer (1), dans l'état actuel des choses, arriver à avoir dans tous

(1) M. Ch. Lyon-Caen au congrès de Paris, 1878, page 139.

les pays des lois sur la propriété industrielle qui soient communes sur tous les points : c'est une utopie. Ce qu'on peut espérer seulement, c'est que les nations s'entendent pour avoir des lois communes sur les points principaux..... »

Quels sont ces points et à quelles conditions un accord peut-il intervenir? Telles sont les questions qu'il importe de résoudre.

Mais leur solution dépend de la connaissance approfondie des législations étrangères, qu'il faut rapprocher les unes des autres, afin de déterminer celles de leurs dispositions qui peuvent être conservées et celles qui doivent être écartées. On doit se souvenir que c'est par des concessions réciproques que les États pourront fonder l'union souhaitée, de laquelle on ne peut attendre que fort peu de chose au début, les points communs étant rares et les sacrifices consentis pas les États signataires de la convention devant s'apercevoir beaucoup plus que les avantages acquis ou même espérés.

Dans cette étude nous rapprocherons de la législation française les lois allemande, anglaise et américaine, qui peuvent être, sous certains rapports, considérées comme des lois types. Nous ferons connaître au sujet des questions principales l'opinion des jurisconsultes et des publicistes, qui ont eu l'occasion d'apprécier ces lois dans les congrès divers,

et nous présenterons un exposé rapide de la convention conclue à Paris, le 20 mars 1883, quand nous rencontrerons des questions qui y sont résolues. Nous étudierons :

La nature du droit de l'inventeur,

Les caractères que présente l'invention brevetable,

Les formalités et les conditions relatives à la délivrance des brevets,

Les droits que confère le brevet,

Les nullités et les déchéances auxquelles il est exposé.

CHAPITRE PREMIER

NATURE DU DROIT DE L'INVENTEUR

Le législateur de 1791 n'avait pas hésité à proclamer que l'inventeur a sur sa découverte un véritable droit de propriété; les Anglais et les Américains s'étaient contentés de reconnaître la nécessité d'une protection afin d'exciter les progrès des sciences et des arts utiles sans étudier philosophiquement le fondement du privilège qu'il s'agissait d'établir.

En 1843, le Ministre du commerce, exposant les motifs du projet de loi soumis à la Chambre des pairs, crut devoir imiter cet exemple. « Heureusement, disait-il, nous n'avions pas à vous déférer une question de pure métaphysique; et nous ne pouvions oublier que les sociétés qui s'éclairent et s'améliorent par les discussions philosophiques ne se gouvernent pas par des principes absolus et vivent de la réalité des faits. »

Durant de longues années, on put s'imaginer que cette question ne présentait aucun intérêt pratique, et que sa solution importait peu au législateur; mais il s'est trouvé que des lois récentes ont, par la créa

tion de ce qu'on est convenu d'appeler les licences obligatoires, apporté au privilège de l'inventeur des restrictions qui paraissent inconciliables avec l'idée de propriété, et le problème a été posé de nouveau.

« L'invention, disent les uns (1), n'est pas une propriété ; si elle en était une, il faudrait nécessairement lui reconnaître le même caractère de perpétuité que la loi reconnaît à la propriété immobilière et mobilière.

<< Celui qui invente n'a pas créé une propriété proprement dite; car, comment cette invention seraitelle plutôt une propriété que celle de celui qui fera l'invention un peu plus tard, ou de celui qui, l'ayant faite plus tôt, ne l'aura pas déclarée ?

<< La loi sur les brevets n'est pas destinée à reconnaître un droit de priorité; elle est simplement déstinée à protéger la priorité de l'invention. »>

Leurs adversaires de répliquer: « Le droit des inventeurs est un droit de propriété qui a son fondement dans la loi naturelle; la loi civile ne le crée pas, elle ne fait que le réglementer (2)..

>>

Il est clair que pour ceux qui, avec Bentham,

(1) Rapport de la section centrale de la Chambre des députés du grand duché de Luxembourg. Loi du 30 juin 1880. Annuaire de legislation étrangère, 1881, pag. 409. Traduction de M. Ch. LyonCaen.

(2) Proposition de MM. Pouillet, Droz, etc., au Congrès international de Paris 1878. Compte rendu,'pag. 113 et suivante.

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