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ou en vente <«< dans le sens du statut (1).

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L'inventeur peut donc, quand il a réalisé industriellement sa découverte, l'exploiter pendant deux ans sans craindre de la voir tomber dans le domaine. public; il sera temps encore pour lui de réclamer la concession d'un monopole s'il a réalisé des bénéfices et s'il en espère de nouveaux; il ne court pas le risque, en théorie tout au moins, de se voir dépouiller de son droit par une concurrent peu scrupuleux, car la patente n'est délivrée qu'à celui qui affirme sous serment qu'il est le premier et le seul inventeur.

Il est évident qu'un pareil système fait naître d'innombrables difficultés, el que, s'il est difficile d'apprécier la nouveauté absolue telle qu'elle est comprise par la loi française, il est impossible d'apprécier la nouveauté relative que nous venons d'étudier. La loi des États-Unis, en accordant un délai de deux ans pour la mise en exploitation, a sans doute voulu permettre à l'auteur d'une découverte d'habituer ses contemporains à user du produit nouvellement mis dans le commerce, sans payer les frais de délivrance du titre; mais ce résultat pourrait être acquis en fixant à une somme très minime les droits à percevoir au moment de la demande.

(1) Cour de Circuit des États-Unis-Pensylvanie, janvier 1885; Clunet 1886, p. 489.

Quant à la distinction que font certaines lois entre la publication et l'application, elle nous paraît absolument arbitraire.

La loi qui nous semble faire la plus exacte application des principes qui doivent prévaloir en notre matière est la loi de Suède, qui exige que l'invention soit absolument nouvelle, et qui apporte à cette règle une restriction fort sage, imitée d'ailleurs de la convention internationale, en accordant à un inventeur, qui a fait le dépôt de sa demande dans un autre État, un délai de six mois pour réclamer la protection de la loi nationale.

Convention internationale. Art. 4. L'article 4 de la convention, auquel nous avons déjà fait allusion, est ainsi conçu :

«< Celui qui aura régulièrement fait le dépôt d'une « demande de brevet d'invention...... dans l'un << des États contractants jouira, pour effectuer le <«< dépôt dans les autres États, et sous réserve des <«< droits des tiers, d'un droit de priorité pendant les « délais déterminés ci-après.

<«< En conséquence, le dépôt ultérieurement opéré << dans l'un des autres états de l'Union avant l'expira<tion de ces délais ne pourra être invalidé par des « faits accomplis dans l'intervalle, soit, notamment, << par un autre dépôt, par la publication de l'inven<«<tion ou son exploitation par un tiers......

« Les délais de priorité mentionnés ci-dessus << seront de six mois pour les brevels d'invention... << Ils seront augmentés d'un mois pour les pays « d'outre-mer. »>

Avant 1883, il n'existait qu'un moyen d'empêcher que la demande de brevet faite dans un État et publiée ne fût pas destructive de nouveauté c'était : de déposer simultanément des demandes dans tous les pays où on désirait obtenir la protection légale.

Dans les congrès successifs réunis à Paris, on chercha une solution plus pratique. En 1880, le président de la conférence s'exprimait ainsi (1).

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<«< En France, quand une invention a reçu n'im« porte où, et de quelque manière que ce soit, une publicité quelconque, elle ne peut plus être breve<< tée valablement. Il s'agit, dans un intérêt d'honnê«teté, de faire disparaître cette disposition. La << richesse n'est pas, en général, l'apanage de l'inven«teur, et c'est à peine si, souvent, il peut prendre << un brevet dans son propre pays. Si l'on multiplie les << frais qui le grèvent, en l'obligeant de déposer des << demandes de brevet dans tous les pays, il lui sera impossible de garantir ses droits. D'un autre côté, un << étranger verra souvent ses droits perdus en France, << parce qu'il aura pris, antérieurement au dépôt

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(1) Compte rendu. Procès-verbaux, page 49.

<«< qu'il y aura effectué, son brevet dans son propre «< pays, et que, dès lors, son invention ne sera plus <«< nouvelle aux termes de la loi française. Au congrès « de 1878, on a cherché un moyen pratique de «< remédier à cette situation. On a d'abord imaginé << d'autoriser le déposant à faire une déclaration «< chez tous les consuls; mais on a répondu avec rai» son qu'il n'y a pas de consuls partout, et que, d'un << autre côté, ce mode de procéder entraînerait des frais << assez considérables. Alors, on a proposé de déci<«< der que la déclaration dans un des pays contrac<< tants vaudrait déclaration dans tous les autres. Le << déposant n'aurait pas un brevet pour cela; mais il << pourrait l'obtenir dans un certain délai sans encou«<rir une déchéance pour absence de nouveauté. »

Ce langage, si conforme à la justice et à l'équité, fut approuvé par tous le délégués présents; aucune protestation ne s'éleva contre la proposition qui était faite, elle fut adoptée et on put espérer que le Droit international venait de faire une conquête qui ne lui serait pas disputée; il n'en fut rien. A la Chambre de commerce de Paris, dans la séance du 8 juillet 1885, le rapporteur de la commission nommée à l'effet d'étudier les critiques et doléances que soulevait la convention diplomatique du 20 mars 1883, après avoir déclaré que l'examen du principe fondamental de la brevetabilité qui, aux termes de la loi fran

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çaise, veut qu'une invention implique une révélation industrielle, l'entraînerait trop loin et qu'il ne voulait pas s'y livrer, ajoutait : « Hâtons-nous de dire que ce << grand principe de législation a été méconnu par << la convention qui, dans son article 4, a créé subite« ment, au profit exclusif des inventeurs étrangers, des privilèges relatifs à des inventions que la loi du 5 juil« let 1844 déclare acquises au domaine public pour « cause d'antériorité ou de divulgation. >>

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Il nous semble que cette critique n'est pas fondée et il est facile de prouver que les Français peuvent avoir intérêt à se prévaloir de cette disposition.

Une demande de brevet est formée par un Français en Angleterre, où on la publie, puis en Espagne, où la nouveauté absolue est exigée. Qu'arriverait-il si l'article 4 n'existait pas? Le Gouvernement espagnol repousserait la demande, il devra au contraire n'opposer, grâce à la convention, aucune fin de non-recevoir tirée de la publication faite en Angleterre dans les délais prévus. Par réciprocité, les étrangers, il est vrai, jouiront en France des mêmes avantages; mais nous ne croyons pas qu'on puisse dire qu'ils tirent de l'acte diplomatique que nous étudions un profit exclusif.

Est-ce avec plus de raison qu'on présente cette disposition comme constituant une sorte de vol fait au public?

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