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fesseur à l'université d'Utrecht, déclarait en effet que, après avoir abattu les barrières qui s'opposaient au libre-échange des produits du commerce et de l'industrie, il faudrait supprimer les entraves que les brevets apportaient à la liberté du travail (1).

Et quelques années après, en 1862, l'Association internationale pour le progrès des Sciences sociales fut saisie, au congrès de Bruxelles, d'un mémoire de M. Macfie, président de la Chambre de commerce de Liverpool, sur les brevets d'invention considérés au point de vue international (2). Dans ce mémoire, redigé sous forme de dialogue entre un économiste anglais et un ambassadeur japonais, l'auteur insistait sur les entraves que les brevets d'invention apportaient à la liberté de l'industrie, et sur la situation d'infériorité où se trouvaient placés les industriels des pays où des brevets avaient été pris, vis-à-vis de leurs confrères étrangers (3). Il ne dissimulait pas que le remède radical consisterait dans la suppression de tous les brevets; mais comme moyen transitoire il proposait une union internationale des brevets d'invention, entre les principaux

(1) Revue de Droit international, tome I, p. 600 et suiv. (RolinJacquemyns).

(2) Annales de l'Association internationale pour le progrès des Sciences sociales.

(3) Revue de Droit international, tome I, p. 600 et suiv.

états de l'Europe et de l'Amérique. Le but de cette union aurait été de réduire le monopole des inventeurs dans tous les états à une durée de 2 ou 3 ans, et d'établir, au bout de cette période, une espèce d'expropriation pour cause d'utilité sociale.

La même idée fut reprise l'année suivante au congrès de Gand par sir William Armstrong, président de l'Association britannique pour l'avancement de la science, qui proposait de remplacer les brevets par des récompenses pécuniaires accordées aux inventeurs, et se ralliait à la proposition d'une union entre les différents pays pour arriver à l'uniformité de la législation.

A partir de ce moment, les enquêtes se succèdent dans les divers États; le Gouvernement prussien demande aux Chambres de commerce et aux corporations commerciales du royaume si, « eu égard à l'état actuel de l'industrie, l'esprit d'invention a encore besoin d'être encouragé par la concession de brevets»; 31 Chambres contre 19 se prononcent pour leur suppression. Le 28 mai 1869 la Chambre des communes (Angleterre) est saisie d'une motion de M. Macfie ainsi conçue : L'opinion de cette Chambre est que le moment est venu où les intérêts du commerce et de l'industrie ainsi que le progrès des arts et des sciences seraient favorisés par l'abolition des brevels d'invention. >>

C'est à cette époque que la Hollande supprime sa loi sur les brevets d'invention.

Quelques années plus tard, les partisans des brevets prennent leur revanche.

En 1872, le Comité d'enquête institué en Angleterre émet en effet l'avis suivant :

<< La protection des inventions favorise le progrès de l'industrie, en permettant aux auteurs de découvertes importantes d'arriver plus vite à les appliquer et à les développer, que s'il n'y avait pas de brevets.

<«<Les récompenses nationales en argent ne remplaceraient pas avantageusement le privilège garanti par le brevet d'invention. »>

Mais c'est en 1873 que devait être affirmée de nouveau cette opinion par le Congrès international réuni à Vienne, qui proclama la nécessité d'une entente internationale, et adopta les conclusions suivantes :

<«<La protection des inventeurs doit être garantie par la législation de tous les peuples civilisés en vertu des motifs suivants :

A. Parce que le sentiment du droit chez les nations civilisées réclame la protection du travail intellectuel.

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B. Parce que cette protection fournit le seul

moyen pratique de porter les idées nouvelles à la

connaissance du public sans perte de temps, d'une manière authentique, à la condition que la description des inventions soit publiée d'une manière complète.

pu

E. Parce que l'on tend à supprimer par la blication le plus grand ennemi du progrès, à savoir: le secret de fabrique.

F. Parce que l'absence d'un système rationnel de brevets cause de grands dommages à certains pays dont les hommes de talent se rendent dans les États où le travail de l'inventeur trouve une protection légale.

G. Parce qu'il résulte de l'expérience acquise que le propriétaire d'un brevet s'occupe avec plus de soin que qui que ce soit de la prompte exploitation de son invention. >>

L'œuvre ébauchée à cette époque, et qui ne fut pas continuée, fut reprise, en 1878, par le congrès qui s'organisa chez nous, au Trocadéro, au moment de notre Exposition universelle.

Voici quelle fut la composition de ce congrès (1): Il compta 484 adhérents, dont 107 avocats, jurisconsultes, économistes ou publicistes, 73 ingénieurs

(1) Nous empruntons ces renseignements à la brochure, la Convention internationale, du 20 mars 1883, pour la protection de la propriété industrielle, par M. Bozérian, sén ateur. Paris, imprimerie Pariset, 1885.

ou solliciteurs de brevets, 304 négociants ou industriels de France, d'Europe et de pays d'outre-mer.

Ajoutons à ce contingent 58 délégués de chambres de commerce, chambres syndicales, tribunaux de commerce, conseils de prudhommes, sociétés savantes ou industrielles.

L'unification, au moins partielle, de la législation en matière de propriété industrielle, était le but indiqué et poursuivi; aussi le congrès (1), après avoir discuté les clauses d'un traité international, adoplat-il, dans la séance du 11 septembre, la résolution suivante :

<< Il sera créé une commission permanente chargée d'assurer dans les limites du possible la réalisation des propositions adoptées par le congrès de la propriété industrielle.

« Un des buts de cette commission permanente, créée par l'initiative privée, sera d'obtenir de l'un des Gouvernements la réunion d'une conférence internationale officielle à l'effet de déterminer les bases d'une législation uniforme. »

Dès que le travail de la commission permanente fut achevé, le Ministre du commerce invita les puissances étrangères à se réunir à Paris dans une con

(1) Compte rendu in extenso de ce congrès. Bibliothèque nationale, 8°, V, 2596. Exposition universelle 1878, 24 de la série -Propriété industrielle.

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