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tribune où un groupe d'anges, vêtus d'aubes, aux ailes d'or et aux cheveux blonds, fait entendre un harmonieux concert; les voix se mêlent à la viole, à la harpe et à la double flûte. Un tapis vert, parsemé de quatre-feuilles inscrits dans des carrés, s'étend en avant et porte les deux personnifications de l'Ancienne et de la Nouvelle loi.

Moïse, à gauche du Christ, ce qui le relègue au second rang, se détourne pensif. Ses pieds sont chaussés, un manteau rouge est jeté sur sa tunique bleue, bordée en bas d'une large bande d'or mouchetée; sa main gauche laisse échapper les tables de la loi et dans sa droite se brise son étendard, lance à bourdon, dont le pennon jaune, symbole de souci et d'inquiétude, se découpe en double flamme et où est inscrit en majuscules blanches un mot qui ne donne pas de sens. J'y vois la lettre P avec le sigle d'abréviation pour pro, L uni à P, A, S, traversé par un sigle, b minuscule barré et M. Moïse est un vieillard, dont le front, comme l'a fait Michel-Ange, porte deux cornes de taureau, au lieu des deux jets de lumière dont parle la Bible.

A droite du trône se tient debout l'Eglise, les yeux doucement levés vers son époux mystique. Reine, elle a en tête une couronne d'or, étincelante de pierres précieuses; vierge, elle laisse flotter sur ses épaules ses longs cheveux blonds. Son costume indique par sa richesse sa haute situation dans le monde: robe de pourpre, échancrée au cou, avec une guimpe et des manchettes de toile blanche; manteau d'or, retenu sur la poitrine par deux lacets d'or aboutissant à deux fermaux ou boutons d'or où brille un rubis entre quatre perles. De ses deux mains, aux doigts effilés, elle tient le calice du sacrifice de la loi nouvelle. Ce calice, de forme gothique, a un pied découpé à six pans; sa tige élancée est traversée par un nœud, aussi à pans, avec pignons et fenestrages, que les inventaires nomment tabernacle ou lanterne; la coupe, large et profonde, se relie à la tige par un soleil rayonnant, qui forme auréole au précieux Sang; une pale blanche unie le recouvre et, au-dessus, se dresse verticalement une hostie, marquée d'une crucifixion avec la Vierge et saint Jean, dont la circonférence rayonne, mais en projetant des rayons plus allongés et recourbés en manière de lis, ce qui forme comme un nimbe crucifère qui proclame le Christ hostie à la fois Dieu et Roi 1.

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1. M. Darcel, dit qu'il est « est rare de rencontrer si avant dans le xv• siècle » le motif traditionnel de Dieu, accompagné des quatre symboles évangéliques et de l'Église et de la Synagogne, qui se voient sur un missel de Rouen. (Gaz. des Beaux-Arts, 2o série, t. XVIII, p. 1002.) Cette observation n'est pas rigoureusement exacte; la rareté consiste uniquement dans les allégories de l'Eglise et de la Synagogue qui, d'ordinaire, n'accompagnent que la crucifixion. La majesté, flanquée des symboles évangélistiques, se voit entr'autres sur un Missale Andegavense, de la fin du xv siècle, qui

A la Loi nouvelle se rattachent les quatres évangélistes, groupés autour du trône et planant dans l'azur. Ils sont ailés, nimbés et au repos. L'aigle, fièrement dessiné, a pour pendant l'ange en aube et les mains croisées sur la poitrine; le bœuf fait face au lion. L'ordre rigoureux et traditionnel a été interverti, car la valeur des attributs zoologiques donne la préséance à saint Mathieu sur saint Jean et à saint Marc sur saint Luc. Quoi qu'il en soit, la présence de ces symboles signific ici que la parole de Dieu a été transmise par toute la terre par les quatre évangélistes, qui ont proclamé le Christ Homme, Dieu, Roi et Victime, né dans l'étable, prêchant dans le désert de la vie, s'immolant pour le salut du genre humain et s'envolant aux cieux dans sa triomphante Ascension.

Certes il y a là un thême iconographique aussi simple qu'ingénieux, aussi émouvant que grandiose et digne des plus beaux temps de la symbolique chrétienne 1. On s'étonne d'une pareille conception au xve siècle, alors que la décadence des idées a tout envahi; mais, je l'ai déjà dit, le peintre inconnu qui a fait ces belles et sublimes pages, était un peu en retard sur son siècle. Notre admiration s'augmente en constatant les incomparables résultats de son talent de premier ordre, car s'il a su trouver une pensée élevée, il a eu, pour la traduire, les ressources d'un génie inspirateur et d'une habileté peu commune.

Nous ne saurions trop louer une œuvre d'art qui offre un tel ensemble de mérite, et qui répond si bien au sentiment chrétien.

X. BARBIER DE MONTAULT,

Prélat de la Maison de Sa Sainteté.

NOTES SUR DES ARTISTES CHAMPENOIS. - Depuis quelques années

est conservé à la bibliothèque de Sainte-Geneviève, à Paris. On la trouve aussi sur l'évangéliaire de Leran, donné en 1527, par Philippe de Levis, évêque de Mirepoix. (Bullet. mon., 1884, p. 607.) « Dans un ciel ouvert, au milieu de rayons d'or, Dieu le Père, assis sur un trône, couronné du nimbe crucifère, la main gauche appuyée sur un globe et bénissant de la main droite; le trône couronné des attributs des quatres évangélistes ».

1. Il existe une œuvre analogue et à peu près du même temps (à l'aurore de la Renaissance), au portail occidental de la Sainte-Chapelle du château de Thouars (Deux-Sèvres). Nous ne sortons pas ainsi du Poitou. Le Christ, bénissant et barbu, est assis en majesté au sommet de l'ogive; des anges à six ailes entourent son trône; d'autres, à la voussure, chantent ou font résonner leurs instruments; les évangélistes et les apôtres complètent la Cour céleste. Plus bas, douze sibylles sont placées en regard des douze prophètes, sans attributs qui les distinguent.

2. M. Palustre estime qu'il doit appartenir à l'école florissante, soit de Bourges, soit de Moulins.

la Société de l'Histoire de l'art français a publié dans ses Mémoires des notices et des documents assez curieux sur certains artistes de notre province pour que nous ne croyions pas inutile de les relever au moins sommairement.

I. La peinture à Troyes aux XIII, XIVe et xv° siècles, par M. Natalis Rondot (tome IX de la collection). — L'auteur dans ses patientes recherches sur les artistes et gens de métiers, dans les Archives de l'Aube, a recueilli, nous dit-il, des notes sur plus de 3,000 maîtres et ouvriers ayant travaillé à Troyes du xive au XVIIe siècle, savoir: 420 architectes et maçons; 180 verriers, 500 peintres; 80 enlumineurs; 110 sculpteurs; 25 graveurs d'estampes; 30 de monnaies; 440 orfèvres; 12 émailleurs; 240 imprimeurs, etc.

Voici maintenant une liste de peintres troyens au XIIIe et XIVe siècles: Bernard, à Troyes 1266, peignit la chapelle d'Igny-leJard construite par le comte Thibaut V.- Jean, 1281.-Clémençon, troyen, à Paris, 1292; Guillemin, travailla à la cathédrale de Troyes, 1341; Simon, 1359; Guyot le Flamand, peintre et enlumineur, 1361; Pierre de Bruge, 1370; Jacques de Bar-sur-Aube, 1370; Gillot, 1370; Jeannin, 1370-1393; Perrin, 1371; Jean Benne, travailla à la cathédrale comme le précédent, 1371; Guillaume de Mantes, 1371; Jacques d'Aillefol, 1374; Denisot, 1376; Drouin, 1376; Gilet, 1378, commis pour juger les vitraux faits par Jean de Damery; Jean de Savières ou Favières, 1381; Guilleminot de Placy, 1380; Gautier, 1381, peignit le dais surmontant le SaintCiboire de la cathédrale et passa en Aragon; Jean de Dijon, 1381; Jacquemin, 1389; Hennequin le Flamand, 1381; Guillaume Genevois, 1385; Jean Boivin (xve siècle); Nicolas le Flamand, 1402; Jean Beaujehan, 1406; Jacques de Valenciennes, 1406; Jean Sève, 1406; Gillequin, 1406-1441; Basset Tan, 1408; Jean de S. Lynart, 1412; Perrin Lopin, 1412; Jean de Savoie (1414); Jacques Cantet, 1415; Jean, 1406. La plupart de ces artistes travaillèrent à la cathédrale.

M. Rondot donne ensuite une liste d'enlumineurs troyens durant la même période, qui prouve qu'à Troyes l'enluminure de livres était en particulier honneur.

Iter, 1337; Jean, 1340; Drouin, 1342; Guillaume de Barail, 1352; Garin, 1367; Nicolas Lesgeli, peignit les missels de la cathédrale, 1378; Robert, mort en 1414; Jacquemin le Clerc, 1406; Guillaume le Clerc, 1406; Simon de Neufchastel, 1419, peignit un évangélier de l'église de la Madeleine en 1425; Colin Blondeau, 1420; Nicolas Pontié, 1420, peignit le graduel de la cathédrale ; Pierre de Neufchastel, 1421; Pierre des Marques, 1423; Guillaume Pinsson, 1424; Colin le Camus, 1440-1481; Gillet de Paris; 1451; Jean Foulain, 1456; Antoine Lescuier, enlumina une vie des saints en 1460; Jean Bari, 1464; Jean Thierry dit de Brienne, 1468; Jean Cotelle, 1472-1505; Jean de Bois, 1477-1503; Félizot de Neuvis,

1477-1524; Jean Labbé, 1478; Jean de Bargues, 1480; Jean Table, 1481; Jean Poirot, 1183; Pierre Camus, 1488; Jean Robert, 14981534, fit de très nombreux ouvrages pour la cathédrale; Jean Charrier, 1518; Pierre Bécet, 1524; Gilles Thierry, 1525-1551; Jean Vatepin, 1530-1585; François, 1548; Jean Cardot, 1548; Jean Hudot, 1575.

II. Documents sur Robert Nanteuil, dessinateur et graveur du roi : 1° procès-verbal d'apposition de scellés après le décès dudit, à Paris, le 19 décembre 1678, en sa maison sise à Paris, rue Guénégaud, en présence de Due de Regnesson, sa veuve, qui déclara que son mari était mort depuis une demie heure. Ce document est curieux, non par la deseription du mobilier fort insignifiante, mais par les renseignements que l'on y trouve sur plusieurs œuvres de l'artiste rémois, sur le prix qu'il mettait à ses travaux. Le dessin, la gravure et probablement le tirage à 2,500 exemplaires d'une thèse où figurait le portrait du roi, grandeur naturelle, montait à 10,500 I. (Tome X.) — Il y aurait lieu de rechercher la date exacte de la naissance de Nanteuil, car on la fixe à l'année 1630, ce qui est peu probable, puisque nous voyons naître sa fille Nicole, le 26 mars 1647.

III. Documents sur Pierre Mignard et sur sa famille (16601696), recueillis et annoté par J. J. Guiffrey (tome de l'année 1874-1875). C'est une véritable et très curieuse biographie du grand peintre troyen, pleine de renseignements inédits. Nous y releverons entr'autres son contrat de mariage (1660); son testament du 18 mai 1689, où il fait de nombreux legs de tableaux peints par lui, notamment à M. de la Reynie « la Vierge en ovale que j'ay faite d'après Le Guide, où j'ai changé beaucoup de choses de la couleur des desseins, ce qui fait que ce tableau n'est pas coppie. » L'inventaire de ses biens après sa mort (1695), le contrat de mariage de ses enfants, des lettres, etc. D'après ces actes authentiques, la fortune laissée par Mignard s'élevait à 549,169 1. 9 s. 3 d.

Potiers de terre, auxquels on doit des épis de terre cuite vernissés, dont il existe encore des spécimens, et de nombreux carreaux de terre émaillés en rouge et jaune. M. Rondot a recueilli les noms de Jacquot de Villette (1370), Mangier (1370), dame Alipse d'Arcis (1370), Jehannin (1374), Nicolas (1373), maître Etienne (1378), Thévenin, mort en 1380, Bernard (1392). Plus pour le xve siècle, vingt-trois potiers: Jacquemin Cardié, maître Regnaud, J. Pasquier, Jacques le Clerc, J. de Beaune, Jehannin, maître Rolant, J. de Vienne, Guillemin Dotines, Thomas, J. Henry, Perrin Guichart, Marin Bonnot, Thévenin Saintot, Colin Guignol, Jacquemin, Pierre Jacques, Larcemon, Ogier de la Jaisse, Gillequin, deux Thomas Richard. Dix-huit noms pour le xvIe siècle : Hugonin, Jacquemin Parfait, Jacques et Jean Regnier, J. Pothier, J. Monneret, Dominique et Nicolas Huguet, Jean Royer, P. Plumey,

J. Breyer, Macé Gillier, P. Juillet, P. Flammet, Barthélemi Jaequart, P. Petit, Bastien Pajot.

Tapissiers de haute-lice. M. Rondot a relevé les noms suivants Thibaut Clément, «< ouvrier de haute-lice », exécuta avec son neveu pour l'église de la Madeleine cinq panneaux de la vie de cette sainte trois avaient été dessinés par lui, et deux par Jaquet Cordonnier, peintre à Troyes (1425-1428).

Jean le Cochot (1446-1449), répara des tapisseries de la même église.

Guillaume le Grugeur (1455-1458), idem.

Jaquet le Hunois (1455), idem.

Audry du Chemin, Laurent le Grand, Ogier le Grand (1456), idem.

Jehan Hollon (1461), idem.

Nicolas Facier (1497), répara cinq des tapisseries de la cathédrale représentant le Crucifiement, la Vierge, l'ordre de Jessé et deux pièces des évêques.

Robert Lestillier (1516), répara la tapisserie de la Madeleine à ladite église.

Pierre Facier (1579), répara la cathédrale.

Noter qu'on fit des tapisseries antérieurement à Thibaut Clément, puisqu'il est indiqué comme en ayant réparé en 1427. En 1621, on commanda à Aubasson les tapisseries de l'église Saint-Jean représentant le baptême du Christ ayant 13 aunes en carré et payé 247 1. 1 sol.

BAPTÊME D'UNE CLOCHE DE L'ÉGLISE SAINT-ANTOINE DE CHALONS EN 1725. On lit dans le registre de la fabrique la mention suivante, sous la date du 12 septembre 1725:

« La cérémonie de la bénédiction de la cloche se fit le onze septembre par M. Lemaistre, prestre, chanoine de la cathédrale, abbé commandataire de Toussaint qui en a été le parrain, et a fait présent à la fabrique d'une chappe de damas vert. Made la marquise de Launois en a été la marraine et a fait présent à la fabrique d'une aube à dentelles. La cloche était suspendue aux voûtes de la première arcade de la nef entre le grand crucifix de l'œuvre. Toute la bourgeoisie s'est mise sous les armes et alla au son du tambour, des violons, flutes, hautbois et autres instruments prendre vers les onze heures du matin le parrain et la marraine qui furent reconduits de même après la cérémonie. La cloche s'appelle Françoise.»

NOTES CHALONNAISES. Nous relevons dans les comptes de Simon, receveur des deniers communs de la ville de Châlons pour l'année 1375, la mention suivante:

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