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Nous avons précédemment publié dans le tome VI de nos Variétés historiques sur les Chalonnais et les Rémois, un curieux règlement adopté par Mgr de Vialart pour la tenue intérieure de sa maison: tout ce qui se rattache à des hommes considérables est intéressant à recueillir. Nous croyons que nul ne contestera cette valeur au testament du vénérable évêque qui occupa pendant quarante ans le siège de Châlons'.

« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, aujourd'hui 25 du mois d'avril 1680, je Louis Félix, notaire royal à Chaalons, y demeurant, mandé de la part d'illustrissime et reverendissime seigneur messire Félix Vialart, evesque et comte de Chaalons, pair de France, me suis rendu en l'appartement qu'il occupe ordinairement en son séminaire, et estant parvenu à l'heure de 2 de rellevée et estant entré dans sa chambre où je l'aurais trouvé habillé et assis dans son fauteuil, et l'ayant enquis de ce qu'il désiroit de mon ministère, après m'avoir dit qu'il avait présentement intention de faire son testament, j'ay de son consentement appellé les deux témoins cy après nommés, ce fait, toutes autres personnes retirées, ledit seigneur bien sain d'esprit a dicté et nommé à moy Félix sondit testament sans suggestion d'aucune personne, et m'ayant ordonné de le rédiger par escript en présence desdits témoins, le faisant comme il s'ensuit, c'est que quand il plaira à Dieu de le retirer de ce monde selon l'ordre de la Providence éternelle qu'il adore et embrasse de tout son cœur, il souhaitte

1. Mgr de Vialart fit prendre possession de l'évêché par procureur, le 8 août 1640. Le procès-verbal, dressé à cette occasion, nous fournit les renseignements suivants sur la composition présente du chapitre: Fr. Poiret, grand archidiacre; P. Roget, archidiacre de Joinville; Hugues Lestache, trésorier; Cl. Lafricque, chantre; Ch. Francoys, sous-chantre; Jean Deu, Jean Collesson, Daniel Maupin, Louis Jacob, Nicolas Lafricque, Adolphe Gallois, Pierre le Folmarié, Nic. Cuissotte, Cl. Perrin, Nic. Appert, Nic. Dommengin, Nic. de la Haye, Gautier le Maire, Michel Gallois, Cl. Picart, Cl. Adam, chanoines-prêtres; Pierre de Bar, Cl. la Fricque, Jacob le Gentil, chanolnes sous-diacres non prébendés.

estre enterré dans l'église cathédrale de Chaalons, mais sans aucune pompe et dans la dernière modestie et simplicité; et comme il donne aux pauvres de son diocèse et pour quelques bonnes œuvres le peu de bien qui lui restoit après les grandes dépenses qu'il a faites, il prie les exécuteurs de ce testament de faire attention sur le compte de ce qu'ils rendront à Dieu de ce qui est consacré à son service s'ils consentoient qu'il fut employé à des dépenses inutiles. S'ils trouvent qu'il doive encore quelque chose après sa mort ou qu'il ayt fait tort à quelques uns en quelque manière que ce puisse estre, il veut avant toute chose qu'on y satisfasse. Il veut que ses domestiques soient honnestement récompensés, ce qu'il entend au regard de ceux qui ne l'ont pas esté et ainsi que lesdits exécuteurs testamentaires le jugeront à propos. Ce dit, ledit seigneur testateur qui s'étoit engagé par sentiment de justice à donner comme il lègue 10,000 livres à M. le chevalier de Herse, son neveu, estimant qu'il ne seroit pas raisonnable qu'il n'eût rien de ses biens, ses autres parents ayant reçu quelque chose selon son pouvoir, et il lui assigne à prendre ladite somme sur ce qui lui est dû par messieurs de Montmorency, de Baradas et Villaux. Il recommande très humblement et instamment à son successeur évesque de Chaalons l'establissement et l'appuy de son séminaire qu'il estime aussi nécessaire qu'aucun du royaume; lequel luy a tant cousté, comme aussi celui de régents dont il a reconnu la grande utilité par une longue expérience; lequel établissement, ledit seigneur a dit avoir fait selon le mode et par les bons conseils de deffunt Mgr l'évesque d'Aleth. Il espère qu'après les dépenses si considérables qu'il a fait dans son église cathédrale et pour les réparations et l'ornement qu'il a fait des bâtimens despendans de son évêché, surtout à Chaalons et à Sarry, son successeur voudra bien en user honnestement et ne rien oster de ce qu'il a laissé au diocèse soit pour les pauvres, soit pour œuvres de piété, qu'en tout ce qui lui restera après que l'on aura satisfait aux charge et dépens qui sui

vront :

11 ordonne qu'on fasse dire cinq cents messes pour le repos de son âme le plus tôt qu'on pourra après sa mort. Il donne à la Renfermerie des pauvres de Chaalons la somme de mille livres et 500 livres pour la Charité de la même ville. Il a du déplaisir de ne pas se trouver à présent en estat à cause de la consommation qu'il a fait de ses biens patrimoniaux et œuvres

de piété de faire quelque legs considérable à l'hôpital de Chaalons.

Il donne et lègue à M. l'abbé Godefer son calice, ses burettes et son petit plateau d'argent duquel ledit seigneur avoit coutume de se servir ordinairement; à madame de Couvonges le crucifix qui étoit cy devant à la ruelle du lit de sa chambre de l'évêché avec un chapelet de S. François de Sales qu'il dit avoir déjà délivré à ladite dame.

Il désire que le surplus qui pourra lui appartenir au jour de son décès soit employé en aumones et aux besoins de son diocèse, selon qu'il a dit et avoit fait connoistre à M. l'abbé Lagneau, son grand vicaire, lequel il nomme avec M. de Lestrée, son bailly, pour exécuteurs du présent testament, étant persuadé de leur sagesse et de leur affection pour lui, se reposant entièrement sur eux, désirant mesme qu'ils ne soient tenus le rendre aucun compte à qui que ce soit de son exécution, et qu'ils puissent travailler à l'exécution dudit testament en cas d'absence de l'un des deux.

Il donne et lègue à M. l'abbé Lagneau la croix et les dix chandeliers d'argent de sa petite chapelle, et à M. de Lestrée le tableau qu'il dit estre dans l'antichambre de la chambre de l'évêché. Il désireroit pouvoir donner à MM. Lagneau, de Lestrée et Godefer et à Madame de Couvonges des plus grandes marques de son amitié.

Ledit seigneur a aussi déclaré qu'il confirme en la meilleure et plus forte manière qu'il peut toutes les dispositions et actes qu'il a fait au regard de son séminaire, depuis qu'il le retira des mains et de la direction des Pères de la doctrine chréticane. Les actes qui les concernent estant de nul effet par leur sortie,

et quant à ceux fait concernant l'établissement de la dotation dudit séminaire, qu'elles sont par devers moy notaire et contiennent ses véritables et dernières intentions qu'il désire estre ponctuellement exécutées.

Il ordonne la même chose pour l'acte qu'il a fait pour l'establissement de Régentes, et en leur faveur priant bien fort madame de Couvonges, dont la vertu lui est connue et qui a travaillé jusqu'à présent en bonnes œuvres avec tant de charité et d'édification, de vouloir bien continuer ses soins pour l'entretien autant que ses affaires le pourront permettre.

Ce que dessus ayant été dicté par ledit seigneur sans suggestion et à lui relu en présence de MM. Cuissotte, greffier en chef au bureau des finances, échevin de la ville, et Robert

Cuissotte, seigneur de Saint Ferjeux, président en l'élection de Chaalons, qui sont les deux témoins choisis par ledit seigneur, et leur a déclaré et à nous notaire que c'étoit sa dernière volonté laquelle il désire valloir et subsister à l'exclusion de tout autre testament et codicilles si aucun autre se trouvoit. Lequel a signé avec lesdits, etc. »

On composa un anagramme en latin et un autre en français sur la mort de l'évêque; nous reproduisons le second:

O l'heureux travail de Félix Vialart,

Ouy, Monseigneur, votre camail

Devenu soubs tant de travail

Couleur de violettes passées,

Aura de la pourpre l'esclat
Avant qu'au bienheureux Sabbat
Vous serviez le glorieux Salez (?).

L'auteur de ces poésies, Claude le Géan, ajoute cette note: « Lesdits vers devoient estre présentés par M. le Petit comte de Dampierre s'il eust eu le temps d'apprendre le françois pour les réciter devant Monseigneur. Mais Madame m'a dit qu'elle y avoit suppléé en les envoyant dans une lettre qu'elle adressoit à Sa Grandeur'. »

1. Bibl, Nat.

- Collection dite Topog. de Champagne, vol. 23.

LES

MÉMOIRES DE LA MARQUISE DE FRESNES*

Le chevalier de Rusé vint chez moi en sortant de là et parla à la femme de chambre de Suzon en la priant de remettre à sa maîtresse, dès qu'elle serait réveillée, une cassette et une lettre qu'il lui donna. Il s'en fut ensuite à son rendez-vous et tous deux se battirent en braves gens. Mais quoique ce combat fût fatal à l'Espagnol qui y reçut deux coups d'épée dont un lui perça le corps de part en part et l'autre le bras, si bien qu'il en mourut deux jours après; il le fut encore davantage pour le pauvre chevalier de Rusé qui fut tué raide sur place.

Quand Suzon fut réveillée et eut reçu le message, elle vint aussitôt dans ma chambre qui n'était séparée de la sienne que par une cloison, car je la mettais toujours le plus près de moi qu'il était possible et si nous ne couchions pas ensemble c'est que les lits que j'avais trouvés dans cette maison étaient si petits que deux personnes n'y pouvaient tenir.

Je n'étais pas encore réveillée, mais le bruit que fit Suzon en entrant me fit ouvrir les yeux. Elle me dit que sa femme de chambre venait de lui remettre une lettre de la part du chevalier de Rusé et que comme je lui avais appris qu'une fille bien née n'en devait jamais recevoir de personne, elle me l'apportait toute cachetée afin que je visse ce qu'elle contenait. Je lui dis qu'elle faisait bien et devait toujours en agir ainsi et après lui avoir fait mille caresses, j'ouvris cette lettre ainsi conçue :

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« Je vais, ma belle demoiselle, à une expédition où il y a " quelque danger pour moi et comme il peut se faire que je « n'en revienne pas, il est bien juste, en cas que je meure, que je fasse présent de tout ce que j'ai à celle pour qui je désirais « de vivre et qui possède mon cœur entièrement. Vous ouvrirez donc la cassette que je vous envoie, si vous entendez dire « que j'ai été tué. En voici la clef et ce qui me fàche dans ce

• Voir

page 161, tome XX, de la Revue de Champagne et de Brie.

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