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sous la direction de M. Aug. Linert, en livraison mensuelle, grand in-octavo. La poésie y tient une large place. Elle sert aussi d'agence à l'Académie Champenoise, dont le but est de faciliter aux jeunes gens la publication de leurs travaux. Présidée par notre collaborateur M. Armand Bourgeois, elle s'est déjà révélée avec distinction par le concours de poésie sur Jeanne d'Arc, qui a provoqué d'excellentes poésies et a été l'occasion, le mois dernier à Epernay, d'une solennité très intéressante, dans laquelle de nombreuses récompenses ont été distribuées..

Lire dans le dernier numéro de la Revue de l'Art Chrétien, la relation de l'excursion de la Gilde de Saint-Thomas et Saint-Luc, venue de Belgique visiter l'Est de la France : les pages concernant Reims, Châlons, Lépine, sont très intéressantes et on constate avec plaisir comme ces savants étrangers ont reudu hommage à nos monuments.

LES ALMANACHS DE 1887.-Les almanachs arrivent avec les marrons et cela doit être puisqu'on les lit au village ceux-là pendant qu'on fait cuire ceux-ci. C'est le livre populaire par excellence. Anciennement les almanachs n'étaient que de simples calendriers donnant les jours et les mois de l'année et depuis le ve siècle, l'indication des fêtes de l'Eglise. Ces tableaux se propagèrent rapidement : on les copiait dans les livres d'églises et on les affichait. L'invention de l'imprimerie a donné, comme on l'a justement dit, des ailes à l'almanach. Le plus ancien connu de ces petits livres est de l'année 1155, publié en Allemagne et compte neuf pages; on en connaît un autre de 1498; puis un autre publié à Lyon, sans date, mais vers cette époque, << la Pronostication des laboureurs ». Les almanachs deviennent plus fréquents au XVIe siècle et le plus célèbre est alors la Grande Pronostication, composée par Michel Nostradamus en 1557. Nous arriverons plus tard à des auteurs champenois: Pierre de Larrivey entr'autres, dont l'almanach se publiait encore il y a quelques années à Marseille, à Aix et à Avignon. Aux XVIe et XVIIe siècles on ne pouvait insérer aucune prédiction sans le visa de l'évêque diocésain et Henri III même interdit toutes les prédictions politiques. Mathieu Laensberg, dont l'œuvre se poursuit encore de nos jours, apparut en 1636. En Champagne, l'almanach fit aussi de bonne heure son apparition: le premier connu est le « Grand Kalendrier et compost des bergiers », publié à Troyes chez Le Rouge en 1510. A Reims, le premier almanach local date seulement de 1752; à Châlons, de 1756. Les deux principales collections anciennes sont : les Ephemerides troyennes, de Grosley, continuée par Courtalon (1759-1768 et 1776-1790); l'Almanach historique de la ville et du diocèse de Reims, par dom Reigler, Hillet, etc. (1752-1791). Citons à présent l'Annuaire de la Marne,

qui parait depuis 1806 et celui de l'Aube, depuis 1826. Tous deux publient chaque année une partie historique remplie de documents intéressants.

Ne rentrent pas dans cette catégorie les nombreuses collections des almanachs publiés par la maison Plon et Nourrit, de Paris, mais ils ne sont pas moins bons à signaler: on n'en compte pas moins de vingt-cinq. Il y en a pour tous les goûts; genre sérieux : l'Almanach du clergé, l'Almanach du Sacré-Coeur; genre pratique les Almanachs, du Vigneron, du Cocher, Scientifique, du Bon Paysan, de la Cuisinière; genres spéciaux: Almanachs du Soldat, de France, des Jeunes Mères, des Dames et Demoiselles, de la Mère Gigogne (pour les enfants); enfin, genre fantaisiste : Almanach Parisien; Almanach pour rire; Almanach Lunatique; Almanach Astrologique; Almanach du Charivari; Almanach le plus réussi de tous l'Almanach des Parisiennes de Grevin. Sans oublier pour finir le vénérable Mathieu Laensberg et les trois éditions du docte Mathieu (de la Drôme). Il y en a de tous les formals, de toutes les couleurs; il n'y a après cela que l'embarras du choix. B.

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NOTICE BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE SUR LE POÈTE AUGUSTE DE VAUCELLE, natif de la Champagne méridionale, 1818-1876. Auguste de Vaucelle, digne d'être plus connu dans l'Aube, son département natal, a vu le jour, le 28 août 1818, à Dienville, bourg agréablement situé dans la partie méridionale du canton de Brienne-le-Château; sa naissance, comme son talent, eut quelque ressemblance avec celle d'Hégésippe Moreau, poète plein de sentiment, de fraîcheur et de grâce. Un chirurgien de l'endroit, Antoine-François Devaucelle, frappé des heureuses aptitudes de l'enfant, le prit en affection; il se chargea des frais de son éducation tant à l'école primaire de Dienville qu'au collège de Troyes; l'élève, à la ville comme à la campagne, se signala, dans toutes ses classes, par une application soutenue et une vive intelligence. Les professeurs virent percer de bonne heure en lui un goût très prononcé pour la littérature en général et pour la poésie en particulier il rapportait, chaque année, au foyer de son bienfaiteur, de nombreuses couronnes; en rhétorique, il obtint le prix d'excellence et le premier prix de discours latin; puis, il acheva sa philosophie en cueillant de non moins glorieuses palmes.

Pendant ses vacances, le jeune lauréat se plaisait au milieu des scènes de la vie rurale; il venait s'y reposer des fatigues de l'étude, comme il le dit lui-même :

O ma vieille maison, je te reviens fidèle
Je vais rasseoir ma vie à ton foyer béni;
En mon été, je veux, ainsi que l'hirondelle,
Sous le toit familier, me reconstruire un nid.

Je n'y viens point chercher les bronzes ni les marbres,
Mais respirer en paix la fraîcheur de tes eaux ;
Je viens me reposer à l'ombre de tes arbres

Et rêver aux chansons de tes petits oiseaux.

Auguste de Vaucelle, envoyé à Paris pour y étudier la médecine, se distingua d'abord par ses progrès dans les sciences; mais les vers d'Homère et de Virgile, de Théocrite et de Tibulle, qu'il avait traduits naguère avec tant de bonheur, éveillèrent dans son âme une voix qui n'était autre que celle de la muse; la renaissance littéraire qui donnait un nouvel essor aux imaginations ne fut pas non plus sans influence sur l'étudiant en médecine; la vieille monarchie française disparaissait, emportant avec elle les derniers vestiges d'une société faite à son image et d'une littérature qui en était l'expression plus ou moins exacte; la liberté de penser et d'écrire imprimait une impulsion vigoureuse au mouvement intellectuel; chaque jour voyait éclore en philosophie, en histoire, ent poésie, d'éminents écrivains pénétrés d'un esprit nouveau ; de leurs œuvres devait sortir une littérature nouvelle, trempée à la source des antiquités nationales et chrétiennes, plus conforme au génie moderne, expression plus fidèle des besoins des âmes qui, de 1830 à 1850, étaient en quête d'une croyance et d'un avenir.

Ce fut au milieu de cette transformation que Auguste de Vaucelle sentit se développer son goût pour la poésie et qu'il débuta par des satires politiques; les pièces qu'il intitula : les Dragées du baptême, les Feuilles d'airain, le Tocsin, semblent des pastiches de la Nemesis, d'Auguste Barthelemy; ou si l'on préfère une appréciation plus caractéristique, ce sont comme des articles d'Armand Carrel, fondateur-rédacteur du National, mis en vers avec une verve qui prouve que le jeune homme, naturellement débonnaire, avait cependant des heures d'indignation patriotique; il y a, en effet, dans ses satires quelque chose de la causticité mordante et des traits acérés des journaux de l'opposition libérale de l'époque; aussi curent-elles un grand succès parmi les lettrés.

L'auteur, devenu en 1847 le collaborateur d'Arsène Houssaye à l'Artiste, prit en 1850 la direction de ce recueil pour la garder jusqu'à la fin de 1852. Durant cette période de cinq années, il publia une foule d'articles, non-seulement pour l'Artiste, mais encore pour la Revue pittoresque; sans se prononcer dans la querelle des romantiques et des classiques; il reconnut qu'en dehors de toute prévention d'école, le beau ne devait pas être une affaire de pur goût et de pur sentiment; le beau, pensait-il avec le père André, devait plaire à la raison par son excellence propre, et, pour ainsi dire, par son agrément intrinsèque; pour cela, l'ordre, la décence, la vérité, devaient régner dans les ouvrages de l'esprit ; sur ce fond du beau essentiel, il fallait répandre, selon l'exigence des matières, les mouvements, les images, toutes les gràces du beau naturel; l'expression, le tour, le style, devaient relever encore

ces beautés fondamentales, mais avec un art qui ressemblât si bien à la nature qu'on le prit pour elle-même; enfin, l'unité devait relier les détails de façon à en faire un tout parfaitement assorti. Auguste de Vaucelle contribua, par une application plus ou moins heureuse de ces principes, au libre retour vers les croyances conformes aux traditions séculaires du genre humain régénéré par le christianisme; il se persuada que c'était le plus efficace remède qu'on pût opposer à l'esprit dissolvant qui prenait tantôt la forme du matérialisme licencieux et frivole, tantôt celle de la déclamation sophistique ou de la rêverie énervante.

Ne visait-il pas ce mercantilisme littéraire, sous l'empire duquel pullulent tant d'œuvres malsaines ou avortées, quand il disait qu'à côté des besoins du corps il y a ceux de l'âme qui doivent être aussi impérieusement satisfaits : « L'industrie est sans doute un progrès au point de vue matériel, ajoutait-il dans la préface des Olympiades de 1868; mais elle n'en est vraiment un qu'à la condition qu'un progrès analogue sera réalisé dans le domaine de l'esprit; maintenons done haut et fier le drapeau de la poésie qui, seule, peut lutter contre l'industrialisme contemporain; élevons l'idéal et tâchons de la faire pénétrer dans la sphère des réalités...» Ce fut à ces idées généreuses et sensées qu'il s'attachait avec persévérance, lorsqu'il improvisait des nouvelles fort goûtées, telles que le Violon de Munich, le Prince-Loup, Chante-Marle, une Tache au soleil, le Vase de Chine, le Nid de loriot, la Fête des ames, et tant d'autres où il porta très loin l'analyse des sentiments délicats et parla le langage du meilleur monde.

Cependant, le prosateur n'avait pas imposé silence au poète; il publia successivement en 1853, Bleuets et Soucis; en 1858, Aspirations; en 1861, Inspirations champêtres. Le premier recueil, complètement refondu et augmenté de sept cents vers, reparut, en 1865, sous le titre de Cimes et Vallons; il contient comme principales poésies: le Bain de la nymphe, la Chanson de la rosée, Jours sombres de la vie, les Illusions perdues, l'Idéal, les Vendanges, Philosophie, Dieu, Idylle; toutes ces pièces remarquables par l'élégance du style et par l'élévation des pensées, laissent percer, il est vrai, sous l'éclat d'une facture brillante, une certaine pénurie d'idées, mais elles renferment de charmantes descriptions et des scènes pathétiques.

Les Aspirations et les Inspirations champêtres ont été rééditéées en 1880 dans un seul volume par Louise-Adrienne de Vaucelle, son aimable et docte fille : « c'est pour réaliser un désir de notre cher et regretté père, dit-elle dans la préface, que nous réunissons ces deux volumes tirés à un très petit nombre d'exemplaires; ils ne furent même pas mis en librairie; la famille de l'auteur est donc heureuse et regarde, comme un pieux devoir, de faire connaître aux nombreux amis et admirateurs du poète ces pages toutes pleines des nobles sentiments qui faisaient battre son

grand cœur. » Depuis 1862, époque à laquelle son talent poétique s'était épanoui dans toute sa floraison, Auguste de Vaucelle avait rempli successivement les fonctions d'archiviste, de vice-président, de président de l'Union des poètes; cette société, fondée par La Rochefoucauld-Liancourt et Victor Robert, s'appela plus tard l'Académie des poètes; les membres du Comité, auxquels s'adjoignaient souvent des célébrités contemporaines, avaient les uns pour les autres une amitié franche et cordiale; ils formaient entre eux une sorte de cénacle littéraire; de délicieuses années de travail s'écoulèrent dans ces réunions intimes; notre Dienvillois qui s'était acquis déjà un certain renom, en devint, non-seulement l'habitué le plus assidu, mais encore l'inspirateur le plus écouté.

Dans ce groupe figuraient Arsène Houssaye, Théophile Gautier, Henri Murger, Louis Ulbach, Gérard de Nerval, Laurent Pichat, et quelques vaillantes recrues qui laissèrent un sillon moins lumineux sur leur passage. Les uns se faisaient remarquer par leur bonne humeur, leur hardiesse inventive, leur verve inépuisable; les autres, par une science de mise en œuvre qui prêtait une vie factice, mais puissante, aux plus arbitraires combinaisons du roman et de l'histoire; d'autres, par la justesse de la nuance, le fini de l'expression, une certaine chaleur d'àme; d'autres, par des traits de badinage où la malice et la naïveté se combinaient si bien, qu'on se demandait si l'épigramme avait été méditée ou si l'auteur l'avait laissé fuir à son insu; tous vivaient de la vie de leur temps, collaboraient à des revues, à des chroniques, à des recueils variés et périodiques, obtenaient une popularité plus glorieuse pour la plupart que rémunératrice, spécialement pour notre poète; malgré cela, il n'eut pas à subir les dures nécessités de la lutte pour l'existence; le chirurgien Antoine-François Devaucelle, son géné reux bienfaiteur, mort en 1841, l'avait institué son légataire universel; cette clause testamentaire lui avait assuré une honnête aisance; aussi, dans des strophes intitulées: Actions de grace, où il répand tout entière sa belle âme reconnnaissante, s'écriait-il :

Non, la route à mes pas, n'a jamais été dure!
J'ai marché devant moi, rêveur insoucieux

En chantant le printemps, les fleurs et la verdure,

Et lorsque j'étais las, je regardais les cieux.

Les cieux où mon cœur sent qu'un Dieu clément réside,

Et, d'où comme un pilote au gouvernail assis,

A la marche du temps, invisible, il préside,

Et du doigt, aux soleils trace un sillon précis.

Mais aussi son regard ne craint pas de descendre
Sur l'être qu'il voit seul dans son néant perdu;
Et, dans l'espace, il suit le vol du grain de cendre
Aux flots de la poussière atome confondu.

Quelques nuages troublèrent néanmoins la sénérité des espérances que l'avenir ouvrait à ses regards enchantés; il eut un fils

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