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c'était un prétexte pour intervenir et commencer la guerre, que la haine croissante des deux partis religieux dans l'empire rendait inévitable. Les préparatifs les plus redoutables étaient faits; les points de réunion indiqués aux corps d'armée; 40 000 hommes s'avançaient vers les frontières de la Champagne, avec une artillerie formidable; tout ce qui portait l'épée en France, en Allemagne, comme à la veille des plus grands événements, frémissait d'impatience lorsque le chef glorieux que tous attendaient leur fut enlevé par un crime.

Assassinat de Henri IV (1610). - Les alliances de Henri IV avec les protestants, les Maures et les Turcs, alarmaient les catholiques à gros grains, comme l'Estoile appelle les anciens ligueurs mal ralliés. En vain il s'était efforcé de conserver l'amitié du pape, dont il avait obtenu son divorce avec Marguerite de Valois pour épouser, en 1600, la nièce même du pontife, Marie de Médicis, triste femme qui ne lui apportait ni cœur, ni beauté, ni esprit, mais la plus grosse dot qu'on pût alors trouver'. En vain, il avait, en 1603, laissé rentrer les jésuites en France, pris son confesseur dans leur compagnie, bâti pour eux le collége de la Flèche et donné à leurs maîtres le droit d'enseigner. Il n'en était pas moins aux yeux d'un grand nombre l'ennemi de la religion c'est ce qui fut persuadé à un fanatique, François Ravaillac.

Henri IV était inquiet et triste : des bruits de complots lui revenaient sans cesse; déjà dix-neuf tentatives d'assassinat avaient échoué : il avait sujet d'en craindre une vingtième. Avant de partir pour la guerre, il céda aux instances de la reine qui voulait être sacrée. « Ah! mon ami, disait-il à Sully, que ce sacre me déplaît! Ah! maudit sacre, tu seras cause de ma mort! Je mourrai dans cette ville et n'en sortirai jamais! Ils me tueront; car je vois bien qu'ils n'ont d'autre remède en leur danger que ma mort!» Il revint pourtant de cette cérémonie, mais ces noires idées ne le quittèrent point : « Vous ne me connoissez pas, vous autres, ditil à quelques seigneurs; mais je mourrai un de ces jours, et, quand vous m'aurez perdu, vous connoîtrez lors ce que je valois, et la différence qu'il y a de moi aux autres hommes. »

1. 600 000 écus d'or valant chacun 7 livres et demie de France, et qui feraient bien aujourd'hui quinze millions de francs.

Le 14 mai, son fils Vendôme lui dit que d'après les astrologues ce jour lui serait fatal. Il affecta d'en rire, et pourtant il en fut troublé, ne put ni s'occuper ni dormir. « Votre Majesté devrait sortir, dit un garde, et prendre l'air, cela la réjouirait. Tu as raison, qu'on apprête mon carrosse. » Il faisait chaud; on prit un carrosse tout ouvert. Il y monta avec les ducs d'Épernon et de Montbazon et cinq autres seigneurs, sans escorte; seulement quelques gentilshommes à cheval et valets de pied suivirent. On se dirigea vers l'Arsenal, où il voulait voir Sully malade. En passant de la rue Saint-Honoré dans la rue de la Ferronnerie, un embarras de voitures arrêta le carrosse. Ravaillac l'avait suivi à pied depuis le Louvre; il monta sur une borne et frappa le roi. « Je suis blessé,» s'écria-t-il en levant le bras. Ce mouvement découvrit le côté gauche, l'assassin porta un second coup qui atteignit le cœur. Le roi s'affaissa sans pousser un cri; il était mort. Ravaillac ne chercha pas à fuir. On eut grand'peine à empècher le peuple de le mettre en pièces. Enfermé près de là, dans l'hôtel de Retz, on parut pendant neuf jours l'y oublier, de sorte que beaucoup de gens purent le voir et lui parler. Le parlement mena ensuite rondement le procès. Ravaillac fut condamné, le 27 mai, à être tenaillé aux mamelles et aux membres, avec versement dans les plaies de plomb fondu et d'huile bouillante, à avoir le poing droit brûlé au feu de soufre, pour être ensuite écartelé et ses restes réduits en cendres et jetés au vent. L'écartèlement, dit le procesverbal, dura une grande heure, le peuple furieux s'était de lui-même mis aux cordes. Les juges ne lui trouvèrent pas ou n'osèrent point lui trouver de complices'.

1. FAITS DIVERS. — Une ordonnance de 1609 prescrivit arx comédiens des deux théâtres qui existaient alors de jouer leurs pièces de deux heures à quatre heures et demie, les rues de Paris n'étant pas sûres le soir. En effet, il n'y avait point de lanternes, il y avait beaucoup de boue, très-peu de carrosses et qua tité de voleurs En 1634, il n'y avait encore pour toot Paris que 24 archers faisant le guet, moitié le jour et moitie la nuit. Robin, médecin et botaniste, introduisit d'Amérique l'acacia, que les botanistes ont nommé robinier.

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CHAPITRE XLVIII.

LOUIS XIII (1610-1643)'.

Régence de Marie de Médicis. Sully attendait Henri IV à l'Arsenal, quand un gentilhomme de sa suite accourut en disant : « Le roi est extrêmement blessé! Mon Dieu! s'écria Sully, ayez compassion de lui, de nous et de l'État. S'il meurt, la France va tomber en d'étranges mains! » Il s'enferma aussitôt dans la Bastille, et écrivit à son gendre, le duc de Rohan, de revenir en toute hâte de la Champagne, avec les six mille Suisses qu'il commandait.

Louis XIII n'avait pas neuf ans; l'usage attribuait la régence aux mères des rois; mais Marie de Médicis, qui était étrangère et se sentait peu aimée, crut nécessaire de donner à son autorité une sorte de sanction légale. Elle s'adressa au parlement de Paris, comme si ces magistrats étaient les représentants du pays. Le duc d'Épernon entra dans la salle des. délibérations, l'épée au côté, laissant ses soldats aux portes: << Cette épée, dit-il avec hauteur, est encore dans le fourreau; mais si la reine n'est pas déclarée régente sur-le-champ, je prévois qu'il faudra l'en tirer. » Les magistrats obéirent: ils se souviendront plus tard qu'une reine leur a reconnu le droit de disposer du pouvoir.

D'abord rien ne parut changé dans le système politique de la France. Marie de Médicis conserva les ministres du dernier règne. Elle accueillit même avec déférence Sully, qui avait quitté sa Bastille, pour venir au Louvre saluer le roi :

1. Principaux ouvrages à consulter les Mémoires de Richelieu et ses Lettres, Instructions diplomatiques et papiers d'Etat, publiés pour la première fois, les uns en 1823, par M. Petitot, les autres en 1854, par M. Âvenel; les Economies royales de Sully; les Négociations du président Jeannin; les Lettres inédites de Feuquières, par Ét. Gallois, 5 vol., 1857; Mémoires de Brienne, avec une introduction de M. Barrère sur les mœurs et les usages du dix-septième siècle; Bazin, Histoire de Louis XIII; Caillet, Le l'administration en France sous le ministère de Richelieu; un nouveau chapitre de l'Histoire politique des réformés en France, par M. Anquez.

• Mon fils, dit-elle au jeune prince, c'est M. de Sully; il vous le faut bien aimer, car c'est un des meilleurs et des plus utiles serviteurs du roi votre père, et le prier qu'il veuille bien vous servir de même. » Et Sully tint longtemps embrassé, en pleurant, le fils de son maître et de son ami. Les projets de Henri IV parurent continués, avec son ministère : une déclaration royale confirma l'édit de Nantes; et une armée de 10000 hommes, commandée par le maréchal de la

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Châtre, alla prendre Juliers pour les princes protestants, alliés de la France.

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Abandon de la politique de Henri IV; Concini. Mais il arriva, comme à peu près partout où les reines sont rois, que les choses furent subordonnées aux personnes, qui est l'opposé de la vraie politique. Bientôt on ne sentit plus dans le gouvernement que la faiblesse, les irrésolutions et les caprices d'une femme. Avec un roi mineur, une régente incapable, une cour divisée et des princes turbulents, l'action extérieure de la France allait être neutralisée pour long1. Arrondissement de Nogent-le-Rotrou.

temps. La paix devenant une nécessité, Marie de Médicis se rapprocha des Espagnols; elle reprit un projet que Henri IV avait repoussé; elle ouvrit des négociations pour le double mariage de son fils avec une infante, du prince d'Espagne avec sa fille, et elle promit de ne plus troubler les princes autrichiens dans les affaires d'Allemagne. » Il était difficile

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que Sully adoptât cette politique nouvelle. La reine le renvoya en ne lui laissant que sa charge de grand maître de l'artillerie (janvier 1611). Il vécut encore trente années, n'étant mort qu'à la fin de 1641 dans son château de Villebon. La reine avait depuis longtemps donné sa confiance au Flo

1. Ce tombeau est dans la chapelle de l'hospice de Nogent-le-Rotrou.

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