Page images
PDF
EPUB

mandataires élus pour trois ans résidaient à la cour et servaient d'intermédiaires entre le parti et le roi. Tout se faisait par députés et par élection. C'était bien une république démocratique et représentative, au sein d'une monarchie absolue. Les assemblées générales n'étaient pas loin de se croire les droits et auraient volontiers joué le rôle des états généraux de Hollande. Ces prétentions alarmèrent la cour, et quelques catholiques en prenaient ombrage. Dans certaines villes, les haines se réveillèrent, comme aux plus mauvais jours de la Ligue. La multitude n'y égorgeait pas encore les réformés, mais elle renversait leurs temples, déterrait leurs morts et chassait leurs pasteurs.

[graphic][subsumed][subsumed][merged small]
[ocr errors]

Guerre avec les protestants; mort d'Albert de Luynes (1621). En 1617, un édit rétablit dans le Béarn la religion catholique, avec ordre aux protestants de restituer les biens ecclésiastiques qu'ils avaient sécularisés depuis un demi-siècle. Après de longs refus, le roi entra dans le Béarn avec une armée et fit exécuter son édit. Tout le parti s'agita, malgré les conseils de Sully et de Duplessy-Mornay; une assemblée générale, tenue à la Rochelle, publia une déclaration d'indépendance, leva des troupes, et, sur le refus du vieux maréchal de Lesdiguières et du duc de Bouillon, en offrit le commandement au duc de Rohan (1621). De Luynes, que Louis XIII fit tout exprès connétable, marcha contre Montauban, menant avec lui 15000 hommes, le roi et un carme déchaussé, qui, l'année précédente, avait prophétisé,

disait-on, la victoire des Autrichiens devant Prague. Le carme promit que la place se rendrait infailliblement un certain jour. Mais on devait au préalable recourir aux procédés de la sagesse ordinaire et tirer 400 coups de canon. On les tira gravement et bien d'autres. Les murailles hérétiques restèrent debout. On entama un siége en règle. La ville, forte d'assiette, se défendit héroïquement. L'attaque, commencée le 8 août, n'était guère avancée au 2 novembre. Rohan qui était aux champs avec une armée avait fait entrer des secours. Il fallut lever le siége. On voulut se dédommager sur la petite place de Monheurt, au bord de la Garonne. Le connétable y prit une fièvre qui l'emporta (14 décembre 1621)'. « Cet homme si grand, si puissant, dit un contemporain, se trouva tellement abandonné dans sa maladie, que, pendant deux jours qu'il fut à l'agonie, à peine y avait-il un de ses gens qui voulût demeurer dans sa chambre. Et quand on porta son corps pour être enterré dans son château de Luynes, au lieu de prêtres qui priassent pour lui, je vis deux de ses valets jouer au piquet pendant qu'ils faisaient repaître leurs chevaux. »

Louis XIII continua seul la guerre, et il fit l'année suivante une assez vive campagne où il y eut force pillages et exécutions sévères dans les places qu'il prit. Le duc de Rohan profita d'un moment de lassitude, pendant le siége de Montpellier, pour obtenir une paix qui renouvelait l'édit de Nantes, mais qui interdisait les assemblées politiques, et ne laissait aux réformés d'autres places fortes que Montauban et la Rochelle (octobre 1622).

Désordre universel dans l'État. De Luynes laissait le royaume dans un état de faiblesse et de désordre qui rappelle les plus mauvais jours de notre histoire : l'autorité royale humiliée par des révoltes continuelles, la noblesse dictant des lois au souverain et maîtresse des provinces par les gouvernements dont elle disposait; les calvinistes prêts à se séparer du reste de la nation; la vieille politique de François Ier et de Henri IV abandonnée au dehors; le royaume sans alliances et sans considération; enfin la maison d'Autriche inaugurant la guerre de Trente ans par une suite de

1. Richelieu faisait à de Luynes une sourde guerre de pamphlets qu'il écrivait lui-même, car il y eut toujours en lui de l'homme de lettres, même aux temps les plus occupés de sa vie, ou qu'il faisait écrire (voy, dans la bibliothèque elzévirienne les Caquets de l'accouchée).

victoires, et paraissant préluder, par la ruine du protestantisme allemand, à l'asservissement de l'Europe. Il était temps que Richelieu arrivât aux affaires.

Ministère de Richelieu (1624-1642); ses projets. Marie de Médicis s'était réconciliée avec son fils, après la mort du duc de Luynes; et elle avait obtenu le chapeau de cardinal pour son conseiller habituel l'évêque de Luçon. Au commencement de 1624, elle le fit entrer au conseit. Au bout de quelques mois, Richelieu avait dominé ou renouvelé le ministère, expulsé un nouveau favori, subjugué Louis XIII par l'ascendant d'un génie supérieur, et dessiné la politique qui devait illustrer un règne si tristement commencé.

Il a expliqué lui-même tout le plan de cette politique : « Lorsque Votre Majesté, disait-il à Louis XIII, se résolut de me donner en même temps entrée à ses conseils et grande part en sa confiance, je puis dire en vérité que les huguenots partageoient l'État avec elle, que les grands se conduisoient comme s'ils n'eussent pas été ses sujets et les plus puissants gouverneurs des provinces comme s'ils eussent été souverains en leurs charges. Je puis dire encore que les alliances étrangères étoient méprisées.... Je promis à Votre Majesté d'employer toute mon industrie et toute l'autorité qu'il lui plaisoit me donner pour ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands, et relever son nom dans les nations étrangères au point où il devoit être. » Il mit au service de cette politique un esprit vaste et fin qui embrassait l'ensemble et voyait les détails, une activité que rien ne lassait, et une volonté de fer. On lui prête ces sinistres paroles : « Je réfléchis longtemps avant de prendre une décision; mais lorsque j'ai pris mon parti, je vais droit à mon but, je fauche tout et je couvre tout de ma robe rouge. » (MONCHALS, archev. de Toulouse.)

Ri

Premières opérations de Richelieu; nouvelle guerre contre les protestants (1623-1626). chelieu voulut d'abord poursuivre ces trois buts à la fois. A peine entré au conseil, il ccnclut, tout cardinal qu'il était, le mariage d'une sœur de Louis XIII avec le fils du roi d'Angleterre; il signa une nouvelle alliance avec les Hollandais, fournit en secret l'argent à Mansfeld qui seul alors tenait tête en Allemagne à la maison d'Autriche et envoya 10 000 hommes chasser de la Valteline les soldats du pape, pour la restituer aux Grisons. Toutes ces alliances étaient protestantes.

L'Espagne qu'elles menaçaient n'avait guère de soldats; mais elle avait encore de l'or, et quelque argent répandu à propos parmi les réformés de France amena une nouvelle prise d'armes. Richelieu comprit qu'il n'était pas possible de mener de front tant et de si grandes affaires; il ajourna les moins pressées et s'occupa des protestants. Tandis que le duc de Rohan ralliait ceux du Larguedoc et des Cévennes, son frère, Soubise, avait armé les Rochelois. La Rochelle était alors une véritable république, le centre et comme la capitale du calvinisme sa flotte était supérieure à celle du roi de France. Richelieu, surpris par cette révolte, qu'il n'était pas préparé à combattre (1625), fut obligé de demander des vaisseaux à deux États protestants, l'Angleterre et la Hollande; et il eut l'adresse de les obtenir, en promettant de son côté l'appui de la France contre la maison d'Autriche. Son amiral, le duc de Montmorency, eut quelques succès sur les côtes de l'Aunis et du Poitou; et Soubise se réfugia en Angleterre avec les débris de sa flotte. Richelieu offrit alors la paix aux rebelles, pour préparer à loisir les moyens de les écraser plus tard, et il laissa les courtisans le dénoncer à la France catholique comme le pape des huguenots et le patriarche des athées. » (Février 1626.)

Abaissement des protestants (1627); prise de la Rochelle (1628); édit d'Alais (1629). Cependant, il remettait quelque ordre dans les finances; il organisait l'armée; il construisait ou achetait des vaisseaux, et signait avec l'Espagne le traité de Monçon qui lui laissait la libre disposition de toutes ses forces. Quand tout fut prêt, il entraîna le roi et la noblesse au siége de la Rochelle (août 1627), décidé, comme le disait Malherbe dans une de ses plus belles odes, à

Donner le dernier coup à la dernière tête
De la rébellion.

L'entreprise, fort populaire en France, semblait difficile, car le roi d'Angleterre, Charles Ier, envoyait aux calvinistes français une flotte de 90 voiles, commandée par le beau et incapable Buckingham. Et les généraux, les courtisans, « qui ne voulaient pas que les bons succès vinssent en poste, » montraient un mauvais vouloir qu'on retrouve jusque dans cette parole du brave et loyal Bassompierre: « Nous serons assez fous pour prendre la Rochelle. » Mais Richelieu pourvut à

tout il se fit à la fois général, ingénieur, amiral. Secondé de l'évêque de Maillezais, Sourdis, qu'il avait nommé chef d'escadre, et qu'il fit plus tard archevêque de Bordeaux, il chasse les Anglais de l'île de Ré, où ils s'étaient établis, et, pour les empêcher de ravitailler la Rochelle, leur ferme les approches du port par une digue gigantesque de 740 toises, large de 12 à la base et de 4 au sommet, lequel s'élevait

[graphic][merged small]

au-dessus des plus hautes marées. Deux forts en gardaient les extrémités; 200 navires bordaient les rivages voisins et la digue pour la défendre. Les Anglais essayèrent en vain de forcer ce prodigieux ouvrage; deux nouvelles flottes, arrivées d'Angleterre, sont repoussées: la Rochelle est isolée de l'Océan. Du côté de la terre, une circonvallation de trois lieues, protégée par treize forts, flanquée de redoutes et garnie d'artillerie, enveloppe la ville d'un cercle de feux. Elle

« PreviousContinue »