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capitaines et de braves soldats françois pour conquester la Flandre et tous les Pays-Bas. ›

Paix de Lonjumeau (1568). Condé reçut quelque temps après 9000 lansquenets ou reîtres allemands. Dès le premier jour, ces étrangers réclamèrent leur solde. Toute l'armée huguenote, chefs et soldats, se cotisa pour la fournir.

On se dirigea alors sur Chartres, afin d'intercepter les arrivages de la Beauce à Paris. La reine mère qui n'avait pas voulu, par jalousie de pouvoir, donner de successeur au connétable, n'avait point d'hommes de guerre à opposer aux réformés. L'Hôpital reprit l'avantage et parla de paix; on la fit à Lonjumeau, le 23 mars, à condition que les protestants restitueraient les places qu'ils occupaient, mais que l'édit d'Amboise serait rétabli sans restriction.

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Disgrâce de l'Hôpital (1568). C'était, comme on le dit de la suivante, une paix boiteuse et mal assise. Catherine de Médicis ne l'avait signée que pour faire une autre guerre. Comment aurait-on alors posé les armes en France? Le catholicisme, sous l'énergique impulsion partie de Rome, retrouvait l'énergie des premiers siècles, et déjà dans la Champagne une sainte ligue se signait. La guerre religieuse était partout dans la Grande-Bretagne, entre Élisabeth et Marie Stuart; dans les Pays-Bas, entre le duc d'Albe et les gueux; en Espagne, entre Philippe II lui-même et son fils don Carlos qui, soupçonné d'hérésie ou tout au moins d'idées de tolérance, était jeté dans une prison et y mourait, peutêtre par l'ordre de son père. Catherine de Médicis voulait aussi finir cette guerre, qui toujours renaissait, par quelque coup à l'italienne.

L'Hôpital n'était pas l'homme qu'il fallait pour cette politique il fut disgracié (mai 1568). On se proposait d'enlever le même jour Condé et Coligny en Bourgogne, et la veuve d'Antoine de Bourbon, Jeanne d'Albret, en Béarn, pour leur faire subir le sort des comtes de Horn et d'Egmont, décapités à Bruxelles, avec dix-neuf autres seigneurs wallons, par le sanguinaire duc d'Albe. Ils échappèrent tous trois. Condé et Coligny, après une course de cent lieues, arrivèrent à la Rochelle, qui dans la dernière guerre avait pris parti pour eux. Jeanne d'Albret les y joignit avec son fils, Henri de Béarn. < Jeanne d'Albret n'avait de la femme que le sexe; l'âme entière était aux choses viriles, l'esprit puissant aux affaires,

le cœur invincible aux adversités. » Elle offrit « sa vie, ses moyens, ses enfants à la défense de la cause, et, pour en réparer les ruines, elle y mit tout son bien, aliéna ses terres, engagea ses bagues, son grand collier d'émeraudes, son grand rubis et deux pièces du cabinet du roi de Navarre. » Troisième guerre civile (1568-1570). Catherine, à son tour, avait manqué son coup, mais elle se croyait prête pour la guerre. Elle la déclara en lançant un édit qui défendait, sous peine de mort, l'exercice de la religion prétendue réformée, et ordonnait aux ministres protestants de sortir du royaume sous quinze jours. Tous les membres des parlements et des universités furent astreints à prêter serment de catholicisme. Pour soutenir de pareils édits, il eût fallu de grandes forces; la cour n'avait qu'une armée de 18 000 fantassins et de 4000 chevaux. Elle fut placée sous le commandement du jeune duc d'Anjou, que Catherine voulait mettre en avant, afin de pouvoir, au besoin, l'opposer à son frère Charles IX; Tavannes et Biron devaient le diriger.

Tout le sud-ouest était cette fois au pouvoir des calvinistes. La ville de la Rochelle leur servait de place forte. « Nous leur avions ôté, dit un contemporain, Orléans, parce que nous ne voulions pas que de si près ils vinssent mugueter notre bonne ville de Paris; mais les galants n'ont pas laissé d'attraper la ville de la Rochelle. Celle-ci n'est pas si grande ni si plaisante que l'autre; elle a pourtant d'autres choses qui compensent bien ses défauts, dont la principale est sa situation maritime, qui est une voie et une porte par où toutes les provisions lui viennent en abondance, et la seconde un peuple autant belliqueux que trafiqueur, des magistrats prudents et tous bien affectionnés à la religion réformée. »

Bataille de Jarnac; mort de Condé (1569). — Une première campagne durant un hiver très-rude fut sans résultat; au printemps suivant, le maréchal de Tavannes voulut isoler, dans le midi, l'armée protestante des secours allemands qu'elle attendait du nord, et la battre avant leur arrivée. On manœuvra quelque temps sur la Charente; enfin Tavannes surprit l'amiral, avec l'arrière-garde seule, près de Jarnac (13 mars 1569). Condé, à la nouvelle de l'attaque, accourut avec 300 chevaux. Blessé au bras la veille, il reçut encore, au moment de charger, un coup de pied de cheval qui lui cassa la jambe; néanmoins il s'élança sur l'ennemi en criant aux siens : « Souvenez-vous en quel état Louis de

Bourbon entre au combat pour Christ et sa patrie. Cette charge impétueuse fit d'abord une trouée dans les lignes ennemies, mais le cheval du prince fut tué; Condé tomba, et autour de lui s'engagea un combat terrible. On vit un vieillard du nom de la Vergne, qui avait amené à la bataille vingtcinq gens d'armes, ses fils, petits-fils ou neveux, faire les der niers efforts pour couvrir le prince. Il fut tué, et quinze des siens tombèrent avec lui tous en un monceau. » Condé donnait son gantelet à un gentilhomme, quand le capitaine des gardes du duc d'Anjou, qui le reconnut, Montesquiou, lui tira à bout portant un coup de pistolet dans la tête.

C'était une grande perte que celle de ce prince énergique et brave, depuis neuf ans la tête et le bras du parti. Les protestants parlaient d'abandonner la campagne et de s'enfermer dans la Rochelle, mais une femme les releva. Jeanne d'Albret se présenta au milieu de l'armée découragée, à Saintes, avec son fils, Henri de Béarn, et le jeune prince de Condé : ‹ Mes amis, dit-elle, voilà deux nouveaux chefs que Dieu vous donne et deux orphelins que je vous confie. » Le prince de Béarn, Henri, né à Pau ', sévèrement élevé comme un gentilhomme campagnard, n'avait alors que quinze ans. Brave, spirituel, sachant trouver de ces mots qui enlèvent, il plut à tous : on le nomma généralissime, avec Coligny pour conseiller et pour lieutenant.

Coligny; bataille de Moncontour (1569). — Coligny avait beaucoup des qualités nécessaires à un chef de parti dans une telle guerre. Protestant convaincu, et austère, il était aimé, respecté des ministres comme des soldats. Ce n'était peut-être pas un très-grand général, et Catherine avec tous ses Italiens ne l'estimait point un politique bien profond; mais il ne se laissait jamais abattre, ce qui est une grande force; il voyait juste, ce qui en est une autre; il savait faire ressource de tout; et, s'il n'y avait pas à espérer avec lui de décisive victoire, il n'y avait pas non plus à craindre d'irrémédiable défaite. Deux choses recommandent d'ailleurs à jamais son nom sa première grande action de guerre, la

1. Le château de Pau, dit aussi de Henri IV, s'élève, au confluent du Gave et du Hédas, sur une sorte de promontoire; trois ponts le relient maintenant à la ville et au parc : il est flanqué de cinq tours carrées. On y visite encore la chambre où naquit Henri IV le 14 décembre 1553. Depuis plusieurs années, la restauration du château a été l'objet d'importants tra

vaux.

défense de Saint-Quentin, sa dernière pensée politique, la conquête des Pays-Bas espagnols, où il voulut conduire ses huguenots pour donner du même coup à la France de belles provinces et la paix intérieure. Dans son profond désir d'éviter les déchirements intérieurs et d'assurer la liberté religieuse, il avait imaginé un autre moyen d'atteindre le même but la colonisation protestante de l'Amérique. Ce que les puritains de la Grande-Bretagne ont fait au dix-septième siècle, il le voulait faire au seizième. S'il eût réussi, c'est notre sang, c'est notre langue qui domineraient aujourd'hui dans le nouveau monde'.

Jarnac n'avait été qu'un combat d'arrière-garde, et les protestants n'y avaient perdu que 400 hommes. Coligny restait donc assez fort pour défendre Cognac et Angoulême; rejoinť par 13 000 Allemands, il prit même l'offensive et fit essuyer un échec à l'armée catholique, près de la Roche-Abeille. Mais Tavannes répara le mal. Des Allemands catholiques, des Espagnols, envoyés par le duc d'Albe, des Italiens, envoyés par le pape Pie V, augmentèrent les forces du duc d'Anjou. Acculé déjà à la Loire, le duc retourna sur ses pas, dégagea par une diversion Poitiers, que Coligny assiégeait depuis six semaines, et parvint à surprendre l'armée protestante entre la Dive et le Thoué, près de Moncontour. La position était détestable; 600 soldats huguenots restèrent sur le champ de bataille (3 octobre).

La victoire de Moncontour fut. cependant inutile comme celle de Jarnac. Charles IX, jaloux des lauriers que l'on cueillait pour son frère, vint à l'armée, et, au lieu de poursuivre les protestants jusqu'aux Pyrénées, perdit son temps à assiéger Niort et Saint-Jean d'Angély. Coligny traversa le midi dans toute sa largeur, refaisant au fur et à mesure son armée; et il apparut tout à coup en Bourgogne, à la tête de toute la noblesse protestante du Dauphiné et de la Provence.

1. Il forma en 1562 un établissement à la Floride. Les Espagnols surprirent les colons et les pendirent avec cet écriteau: « Non comme Français, mais comme hérétiques. » La cour ne dit mot de cette atrocité. Un gentilhomme de Gascogne, bon catholique, mais encore meilleur Français, de Gourgues, se fit le vengeur des victimes. Il vendit son bien, arma trois navires, enleva les forts que les Espagnols avaient bâtis et pendit ceux qui avaient survécu au combat, en écrivant au-dessus de leur tête: «Non comme Espagnols, mais comme assassins. » A son retour en France, il eût été livré à l'Espagne par Catherine de Médicis s'il ne se fût tenu caché (1568).

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