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Le seizième siècle. Voltaire, frappé du contraste des misères et des grandeurs de ce siècle, de l'éclat des arts, de la politesse de la cour qui brillait même au milieu des crimes,

1. Ouvrages à consulter: pour les deux règnes de François II et de Charles IX les Mémoires contemporains abondent; les principaux sont ceux de Vielleville, de Castelnau, de Montluc, de Tavannes, de la Noue, de Cheverny, etc.; la grande histoire du président de Thou, les Lettres de Pasquier, et l'Histoire des Eglises réformees de France de Th. de Bèze. Pour les édits de pacification et les grandes ordonnances de réformation, ils se trouvent au Recueil des anciennes lois françaises d'Isambert; Marie Stuart, par M. Mignet; Agrippa d Aubigné, par Léon Feugère; Histoire de la réformation française, par F. Paux, 1859; Histoire de la liberté religieuse en France et de ses fondateurs, par Dargaud, 1859; Histoire politique de la France et de l'Espagne avec l'Ecosse au seizième siècle, par Alexandre Teulet, archiviste aux Archives de l'Empire.

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s'écrie: « C'est une robe de soie et d'or ensanglantée'. » J'ai montré la soie et l'or, voici maintenant le sang et les ruines. Les enfants de Henri II. Henri II laissa en mourant, de Catherine de Médicis, quatre fils en bas âge. Nés maladifs et bientôt épuisés par les excès, trois d'entre eux se succéderont rapidement sur le trône sans avoir eux-mêmes de postérité, de sorte que, pendant un quart de siècle, le fardeau du pouvoir absolu, si difficile à porter, tombera aux mains d'enfants ou de jeunes gens sans expérience. Petitsfils du plus brillant de nos rois, et du sang des Médicis par leur mère, ils eurent le temps de montrer d'heureuses qualités d'esprit et de grands défauts de cœur. C'étaient d'éloquents parleurs, poëtes à l'occasion et toujours amis des lettres et des arts, mais avec quelques-uns de ces vices qui perdent les États; aussi les crimes auxquels les entraîna leur caractère à la fois violent et perfide ont fait oublier les dons de leur intelligence. L'aîné, François II, ne put dévoiler les tristes effets de ces contradictions de la nature; il régna moins d'un an et demi.

Catherine de Médicis. — La loi déclarait le roi majeur à treize ans accomplis; à seize, François II était encore sans volonté et en tutelle. Sous un prince faible d'esprit comme de corps, la reine mère était nécessairement appelée à exercer une grande influence. La veuve de Henri II ne s'était point encore fait connaître. On la savait spirituelle, mais superstitieuse, pleine de goût pour les arts et les plaisirs délicats, mais sans beaucoup de sévérité morale. Son époux l'ayant tenue en dehors de toutes les affaires, elle n'avait fait preuve jusqu'alors, que d'une rare constance à supporter les affronts, et d'une adresse infinie à manoeuvrer au milieu des intrigues. Jetée tout à coup des coteries dans les factions, et des intrigues dans la guerre, elle ne fut plus au niveau de son nouveau rôle. Esprit sans conviction, caractère sans scrupules, elle porta les finesses du boudoir dans les affaires de l'État. Au lieu d'une politique ferme et droite, elle eut le goût des menées ténébreuses. Elle voulut gouverner en prenant les hommes par les mauvaises passions, ce qui augmente la corruption, et en opposant les partis les uns aux autres, ce qui accroît leurs forces. Les longs outrages qu'elle avait eu à souffrir de la triomphante Diane de Poitiers, avaient effacé

1. Essai sur leg mœurs, ch. CXVIII.

en elle toute distinction entre le bien et le mal, et n'avaient laissé dans son cœur qu'un seul bon sentiment, son affection pour ses enfants. Tous ses efforts furent employés à conserver le pouvoir à ses fils; et, pour y réussir, elle usa, sans hésiter, de tous ses moyens, depuis la galanterie jusqu'à l'assassinat. Cette politique perverse devait avoir son châtiment. Entre les mains de cette Italienne, la couronne des Valois, tachée de sang, tomba et faillit se briser sur le pavé des rues. Marie Stuart. — Une jeune femme, Marie Stuart, épouse de François II, éloigna quelque temps Catherine de Médicis du pouvoir. Henri II avait marié son fils à cette fille de Jacques V et de Marie de Lorraine, pour s'assurer contre l'Angleterre les secours de l'Écosse. Belle, pleine de grâces, d'esprit et de savoir, Marie n'avait point encore commis ces fautes qu'attendait une si longue expiation et que sa mort a effacées. Dans cette brillante cour de France, au milieu des savants, des poëtes et des artistes toujours rangés sur ses pas, Marie jouissait sans remords du plaisir d'exercer ces séductions de l'esprit et de la beauté qui, encore aujourd'hui, arrêtent toute parole sévère sur les lèvres de l'historien. Cette influence de la jeune reine, l'empire qu'elle avait pris sur le roi eussent pu tourner au bien de l'État, s'il y avait eu autour d'elle d'habiles conseillers; mais toute aux plaisirs, elle livra les affaires à ses deux oncles, le cardinal de Lorraine et le duc François de Guise.

Les prétendants au pouvoir. La maison de Guise, branche cadette de la maison ducale de Lorraine, quoique toute nouvelle en France, s'y était rapidement élevée. Claude', son chef, avait obtenu, en récompense de ses services, le gouvernement de la Champagne et l'érection de sa terre de Guise en duché; son frère Jean fut fait cardinal. Deux de ses fils allaient jouer un plus grand rôle. L'aîné, François, avait défendu Metz, et reconquis Calais; un autre, Charles, avait succédé au cardinalat de son oncle Jean, et arriva jusqu'à posséder douze siéges, dont trois archevêchés.

1. Claude était le cinquième fils de René II, duc de Lorraine, et épousa Antoinette de Bourbon, qui fut grand'tante de Henri IV. Tous deux étaient d'une piété austère qui resta dans leur maison et désigna naturellement les Guíses au rôle de chefs du parti catholique. Claude mourut en 1550. Il avait, en 1523, battu les Impériaux devant Neufchâteau en Lorraine. Il écrasa l'armée des paysans allemands à Saverne en 1525, conquit Luxembourg en 1542, et fonda, deux ans après, la popularité de sa maison dans Paris, en garantissant la sûreté de la ville, effrayée de l'approche des Impériaux.

Le jeune roi confia au premier « ce qui regardait la milice; le second eut la charge des affaires civiles. C'était toute l'administration du pays qu'on remettait entre leurs mains. Catherine de Médicis avait cependant « la surintendance générale du gouvernement, » un grand titre, rien de plus.

Il y avait d'autres candidats au pouvoir, les uns à cause de leur naissance, les autres par ambition: les princes de Bourbon et les Montmorency. La maison de Bourbon avait alors pour chefs Antoine, qui avait épousé Jeanne d'Albret, héritière du royaume de Navarre, et ses deux frères, Charles, cardinal de Bourbon, Louis, prince de Condé. Ils étaient les plus proches parents des Valois, et Antoine, en cas de minorité, eût pu prétendre à la régence; mais, depuis la trahison du connétable, les princes de Bourbon étaient comme en disgrâce. Pour le moment, ils ne demandaient rien.

Le vieux et dur connétable de Montmorency, le vaincu de Saint-Quentin, était moins désintéressé; mais le roi lui déclara que, voulant soulager sa vieillesse, il lui retirait le fardeau des affaires. Les deux Guises restaient donc les maîtres du roi, de la cour et du pouvoir. Un nouvel ennemi se leva alors contre eux.

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Calvin: progrès de la Réforme. Il y avait quarante ans que Luther avait commencé ses prédications contre l'Église, et déjà l'Europe était partagée en deux communions. Tout le nord: l'Angleterre, l'Écosse, la Suède, le Danemark, la moitié de l'Allemagne et de la Suisse, s'était séparé de Rome; le midi : l'Italie et l'Espagne, lui obéissaient. Que la France passe du côté de la Réforme, et celle ci triomphe. Voilà ce qui fit l'importance européenne du grand débat que nous avons à raconter.

Sous François Ier et Henri II, la Sorbonne avait condamné les opinions nouvelles sans accepter la discussion avec elles. Le parlement avait défendu les prêches dans les campagnes, porté la peine de mort contre les hérétiques, et sanctionné l'établissement d'un tribunal d'inquisition pour les clercs. Les auto-da-fé, nombreux à Paris, à Toulouse, à Vienne, à Montpellier, l'exécution des Vaudois, témoignaient suffisamment que si le gouvernement, dans sa politique étrangère, s'appuyait sur les protestants du dehors, il n'entendait faire aucune concession aux protestants du dedans.

Les réformés de France étaient jusqu'alors restés sans

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